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Le 17 octobre 1961 commémoré un peu partout en Algérie et dans l'Hexagone Des militants exigent de la France qu'elle reconnaisse sa responsabilité historique
Des cérémonies de recueillement ont été organisées avant-hier jeudi en Algérie et en France pour commémorer la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, entreprise au nom de la France coloniale par le sinistre Maurice Papon, alors préfet de police. Une répression qui avait tourné au massacre où des centaines d'émigrés algériens avaient été jetés dans la Seine. C'était, pourtant, une marche pacifique. «La fédération du Front de libération nationale (FLN) de France nous avait instruits, la veille du 17 octobre 1961, de ne rien porter sur nous. Nos contacts nous avaient rassemblés, deux jours auparavant, à deux reprises, pour nous conseiller de nous débarrasser de nos cravates, de nos canifs et même de nos coupe-ongles et de tout objet susceptible d'être utilisé ou considéré comme arme, ce que nous fîmes», a affirmé Saïd Bencheikh dit Saïd Lakhroubi, un survivant de la ratonnade sanglante, à l'occasion de la commémoration du 52e anniversaire de cette date de l'histoire de la guerre d'Algérie que la wilaya de Constantine a organisée dans la commune de Béni H'midène. La répression n'avait, en tout cas, épargné ni vieux, ni enfants. A Béjaïa, un hommage a été rendu à Fatima Beddar, une collégienne de 15 ans qui n'était ni activiste, ni un enfant-soldat et qui avait payé de sa personne son audace juvénile en sortant manifester, à Paris, ce 17 octobre 1961. Enterrée au cimetière de Stains, son corps a été exhumé puis rapatrié au bout d'une procédure longue engagée par la Fondation du 8-Mai-1945, et soutenue par le ministère des Moudjahidine, en 2006, dans sa ville natale de Tichy, où, depuis, elle repose au Carré des martyrs. La combattante Abdelmoumen-Ouared Fatima a souligné, en marge des commémorations organisées à Alger, que «les événements du 17 octobre ont amené des Français à sympathiser avec la cause algérienne, ce qui a abouti à la création de ce qui est appelé le réseau Jeanson, composé d'un groupe de militants français agissant sous les directives de Francis Jeanson. Ce réseau collectait et transportait les fonds pour soutenir la Révolution algérienne en Algérie et en France, d'où l'appellation des "porteurs de valises.» Elle a ajouté que «ces Français activant dans ce réseau et qui prenaient en charge les Algériens et les hébergeaient, ont sauvé l'honneur de la France, pays ayant bafoué les droits de l'homme.» Il n'y a rien de malsain à dire la vérité... Les commémorations, organisées en France, étaient l'occasion pour les partisans de la reconnaissance des crimes commis par la France coloniale d'exiger de leur gouvernement de reconnaître les crimes de la colonisation. «Du point de vue de la Mémoire, il n'y a rien de malsain à dire la vérité. Si des fautes graves ont été commises, on le dit. Cela ne vous abaisse pas, au contraire, ça vous grandit», a déclaré jeudi à la presse le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, après s'être recueilli en compagnie de l'ambassadeur d'Algérie en France, Amar Bendjemaâ, au pont Saint-Michel, à la mémoire des victimes de la répression sanglante. «La colonisation est un acte condamnable. Un peuple qui domine un autre, qui l'exploite économiquement, qui pratique la répression, c'est une faute», a-t-il estimé. A Paris également, des militants répondant à l'appel du Collectif pour la Mémoire du 17 octobre 1961 se sont rassemblés pour exiger «vérité et justice» sur le massacre d'Algériens ce 17 octobre 1961 dans la capitale française, appelant les autorités officielles du pays à reconnaître un «crime d'Etat.» Dans un appel rendu public et signé par une vingtaine d'associations, des syndicats et des partis politiques de gauche, le collectif a signalé que le terme «crime» n'a pas été repris, et la responsabilité, sous entendue, n'a pas été clairement définie par le président Hollande dans sa déclaration de reconnaissance des faits. «Il est temps que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d'Etat, que la liberté d'accès aux archives soit effective pour tous, historiens et citoyens, et que la recherche historique sur ces questions soit encouragée, dans un cadre franco-algérien, international et indépendant», a-t-on estimé. L'universitaire et historien Olivier Lecour Grandmaison, lui, a estimé que «cette affaire n'est pas une sanglante répression (comme il est dit dans la déclaration de Hollande), ce n'est pas seulement une affaire liée à la reconnaissance par des maires à Paris ou en province, mais c'est effectivement une affaire nationale, c'est pourquoi nous continuerons d'exiger de celui qui incarne le changement, qu'il vienne l'année prochaine sur ce pont pour qu'il reconnaisse ce que, jusqu'à présent, aucun parti politique national, aucun président de la République, aucun Premier ministre n'a voulu reconnaître, le crime d'Etat commis à Paris. Lors d'une autre cérémonie de recueillement qui s'est déroulée sur le pont de Clichy à Asnières, (département des Hauts-de-Seine), le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, M. Aouam Noureddine, accompagné du consul d'Algérie à Nanterre Abdelkader Dehendi, du député-maire d'Asnières-sur-Seine, Sébastien Pietrasanta et des membres du Conseil municipal, a tenu à réitérer : «notre reconnaissance à tous ceux parmi ces Français qui n'ont pas hésité à exprimer, dans l'action, leur solidarité avec la cause juste du peuple algérien, en prenant des risques à la mesure de leurs engagements.» Pour le député-maire d'Asnières Sébastien Pietrasanta, «il ne s'agit pas de condamner mais de créer les premières mesures vers la vérité et la fraternité franco-algérienne.» «Comment œuvrer pour l'intégration, le vivre-ensemble et la solidarité, si la République n'est pas à même d'admettre ses erreurs et reconnaître ses victimes ?», s'est-il interrogé. Au nouveau siège du consulat général d'Algérie à Nanterre, des médailles de mérite et attestations honorifiques ont été décernées à René Dumas et à l'avocat Pierre Kaldore (décédé le 11 février 2010 à l'âge de 97 ans), deux militants français anticolonialistes qui ont fait le choix durant la guerre de Libération nationale, d'exprimer leur soutien au peuple algérien dans sa lutte contre l'ordre colonial.