De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Le Parlement européen (PE) passe au tamis les accords avec le Maroc à la lumière de ce qui se passe au Sahara occidental sous domination coloniale. La préservation des ressources halieutiques du peuple des ténèbres et la défense des droits de l'Homme à Laâyoune, Dekhla et partout où l'occupant marocain est, seront, aujourd'hui, âprement débattues à Strasbourg et ensuite à Bruxelles. Le Britannique Charles Tannock, rapporteur sur les questions de la Chambre basse européenne, n'a pas été déstabilisé par le lobbying marocain et pro-marocain. C'est bon signe... Le texte de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc est sciemment ambigu, brumeux, nuageux comme le ciel du Sahara occidental. Pourquoi donc la Commission présidée par Barroso, ultralibéral, homme des marchés, représentant les intérêts du capitalisme bancaire, a-t-elle opté pour l'irrésolution et l'absence de clarté dans ses négociations avec Rabat concernant la pêche et, notamment, sur la définition de ce qu'englobe le traité comme appartenant ou pas au Maroc ? Pour la simple et unique raison que le commissaire Barroso, rusé et aguerri, sait pertinemment que le Parlement européen abordera la question de la façade atlantique sahraouie en discutant du texte et exigera de l'exclure des arrangements passés avec le Makhzen. La prestigieuse Chambre basse européenne dont la composante est largement favorable à l'autodétermination du peuple sahraoui, n'acceptera pas, et Barroso en est conscient, une littérature juridique incluant les territoires sahraouis, identifiés par l'ONU comme non-autonomes et relevant de sa doctrine en matière de décolonisation. L'ambiguïté de la démarche barrosienne voulait donc éviter ce piège en recourant aux stratagèmes, à la triche en proposant une résolution qui n'affame pas le loup et ne déclenche pas la colère du berger (ma t'jouaâ edhib, ma t'ghadhab erraii). Les eurodéputés n'accepteront pas, pour autant, ce marché de dupes. Aujourd'hui à Strasbourg et la semaine prochaine à Bruxelles, ils invalideront tout ce qui n'est pas conforme au droit européen, celui des Etats membres et international, en l'occurrence ces trois droits se rejoignent et indiquent le même chemin. L'exclusion de la façade atlantique du Sahara occidental du traité de pêche avec le Maroc en attendant l'organisation d'un référendum permettant aux populations sahraouies de jouir de l'autodétermination et de décider de leur sort. En cela l'eurodéputé britannique Charles Tannock a annoncé ses intentions. Il suivra la jurisprudence américaine en cette circonstance. Les USA, relevons-le, ont refusé au Maroc le statut de négociateur pour les territoires sahraouis et ont exclu tout le Sahara occidental de la zone de libre-échange qu'ils ont contractée avec Rabat. Ce qui est conforme aux résolutions onusiennes et donne à la politique US en cette occurrence de la logique, de la normalité et de la conséquence. L'Union européenne traversée par des courants contradictoires sur la question, n'a pas, jusqu'ici, dégagé une position consensuelle. Cependant, l'évolution vers la consécration du principe de l'exclusion de la façade atlantique de l'accord avec le Maroc est perceptible, réelle, en marche. Les eurodéputés, regroupés au sein de l'alliance informelle «Paix pour le peuple sahraoui», ont pu réunir, selon nos sources, suffisamment de signatures pour invalider les clauses touchant négativement les droits du peuple sahraoui. La préservation des ressources halieutiques du peuple des ténèbres y figure en bonne place. Le président Barroso s'attend, il est vrai, à une rude bataille autour de cette question, une majorité d'europarlementaires refusera, c'est certain et acté, ses accommodements et ses broutilles concernant le traité de pêche avec le Maroc. Le Parlement européen mettra donc ses pas dans ceux des Etats-Unis, ce qui devrait constituer un motif de soulagement pour Barroso. Il ne s'agira pas, demain, uniquement de ressources halieutiques du Sahara occidental. La question des droits de l'Homme saccagés à Laâyoune, à Dakhla et partout dans le Sahara occidental sous domination marocaine y sera évoquée et les députés européens seront nombreux à demander l'élargissement des prérogatives de la mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) à la défense des droits comme l'ont recommandé toutes les instances internationales et la 4e commission de l'ONU. Charles Tannock, le groupe Paix pour le peuple sahraoui, des Etats membres influants comme les Nordiques, notamment la Suède, le Royaume-Uni, une forte pression espagnole, une grande majorité d'eurodéputés italiens, grecs, la gauche unitaire européenne, des communistes français et plusieurs indépendants abondent dans le même sens que Tannock le Britannique. Signe des temps, le Washington Times (centre-droite proche des républicains) le Monde diplomatique, une partie de la presse belge mettent dorénavant la question sahraouie au cœur des enjeux. Charles Tannock n'évoluera pas, aujourd'hui à Strasbourg-Bruxelles, sur du velours, mais le rapport de force est loin de lui être défavorable. Attendons, sereinement, le vote. Nous y reviendrons.