Elles étaient six artistes à avoir démontré, dans la soirée de samedi dernier, au Centre culturel algérien (CCA) à Paris, que la chanson chaâbi, traditionnellement chantée par des hommes, du reste avec brio, peut aussi être interprétée avec talent par des femmes, avec le génie d'y inclure la grâce, la féminité et la séduction. Ainsi, Malya Saâdi, fille du chanteur Hssicen (chanteuse chaâbie world), Meriem Beldi (chanteuse de l'arabo andalou d'Alger), Syrine Benmoussa (chanteuse du malouf tunisien), Hind Abdellali (chanteuse de l'arabo andalou de Mostaganem), Amina Karadja (chanteuse de l'arabo andalou de Tlemcen) et Samia Diar (chanteuse de chanson algérienne) ont fait salle comble devant un public visiblement séduit par la symbiose qui se dégageait du spectacle musical qu'offraient ces artistes qui ont fait le pari d'interpréter, non sans beaucoup de talent, les chansons des maîtres du chaâbi. Deux heures durant, chantant en solo, en duo, en trio ou en groupe, elles ont donné du bonheur aux spectateurs, en égrenant le précieux répertoire chaâbi, genre musical typiquement algérois dérivé de la musique andalouse dans les années 1920, et parfait reflet de la diversité culturelle nationale. Plusieurs qacidate (longs poèmes) tirées du terroir et interprétées par des maîtres incontestés de ce genre musical, ont été reprises dans le cadre de ce spectacle «Le chaâbi au féminin», une idée originale de Mourad Achour. Sbhan Allah ya ltif, Rayha wine, Tchaourou aliya, Aman, Menhou eli blak, Kifach hilti, In kounta achik, Achiyatoun, Lellah win cheftou mahboubi, N'sablek ya omri, Qahwa wela tay, Selli houmoumek, Allo Allo, Meriouma, Nestehal el kiya sont autant de chansons chaâbies et tant d'autres aussi interprétées en cette soirée par ces artistes sublimes. Elles furent fortement ovationnées par un public réellement ému, se laissant transporter par leurs voix chaleureuses et enchanteresses, le temps d'un spectacle, dans l'ambiance nostalgique d'une Algérie loin des yeux mais pourtant si près du cœur. Elles ont toutes réussi le challenge de convaincre le spectateur le plus récalcitrant que le chant chaâbi, qui veut dire populaire en arabe, construit sur de longs poèmes, peut aussi être porté par une voix féminine pour exprimer les moments heureux, les peines et l'amertume, la solitude de l'exil, les chagrins du cœur et préserver la pérennité de la tradition poétique orale dans toute sa splendeur. «Le chaâbi au féminin» est un spectacle musical construit sur une idée originale de Mourad Achour dans le cadre des soirées «Les Samedis du chaâbi», un rendez-vous musical mensuel à succès, créé depuis une année à Paris. Il réunit plusieurs voix féminines qui interprètent des œuvres jusque-là écrites par les hommes et pour les hommes. Surtout, il remet en avant «sans aucune déformation de l'éthique, cet héritage musical masculin, par des voix féminines», estime Mourad Achour, qui considère que l'idée «participe de l'histoire sans cesse renouvelée du chaâbi, entre modernité et tradition réinventée». «Le chaâbi au féminin» est également un spectacle qui a pour objectif de rendre hommage aux auteurs, compositeurs et interprètes de musique chaâbie, tels que El Hachemi Guerouabi, Amar Ezzahi, Amar El Achab, Abdelkader Chaou, Boudjemaâ El Ankis et bien d'autres. Et cela avec des voix féminines sous la direction musicale de Noureddine Aliane au banjo, Yahia Bouchala au mandole, Kahina Afzim au qanoun, Amine Khettat au violon, Nabil Mansour au tar et Nasser Haoua à la derbouka.