Julien Pescheur, gérant de la Société des Editions Franco-Berbères, de droit français en France et de droit algérien en Algérie, a été dernièrement l'hôte de Bouzeguène où il a organisé la vente-dédicace d'un recueil de poésie, Nnehta n tsusmi (le souffle des mots), signé Faredj Amrouche. Faredj Amrouche fait partie d'une vingtaine de jeunes créateurs lancés par cette maison d'édition qui ouvre ses portes aux auteurs qui ne trouvent pas grâce auprès des éditeurs locaux. L'idée de venir en aide à ces jeunes auteurs qui ont des difficultés à publier leurs œuvres remonte à 2006, lorsque Julien Pescheur a fait la rencontre d'un jeune de Draâ-El-Mizan qui lui a fait découvrir l'histoire des berbères et leur culture plusieurs fois millénaires. Séduit par le concept de la transmission par l'oralité et encouragé par sa rencontre avec Camille Lacoste Dujardin, il se retrouve dans la peau d'un résistant de la culture amazighe pour dire, montrer et raconter l'héritage berbère dans une démarche artisanale incluant tous les aspects de la vie et de l'histoire berbères.Une motivation renforcée en apprenant que les berbères étaient les premiers habitants du Maghreb. Poussant plus loin sa curiosité, il s'est rendu compte que du point de vue de l'écriture, il y avait une différence entre les écrivains berbères «du dedans» et ceux de l'extérieur. L'éditeur, qui ne maîtrise pas la langue berbère, s'est entouré d'un comité de lecture composé d'universitaires et de personnalités reconnues tant en Algérie qu'en France. Il trouve ainsi «époustouflants» les titres et le choix des textes adaptés en langue française et absolument merveilleuse cette façon d'écrire, de parler de la souffrance, de l'amour et de la vie : «ça, c'est être bien kabyle», s'exclame Julien Pescheur qui ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, charmé par cette aventure intellectuelle qu'il partage de près avec les jeunes créateurs qui sont encore des dizaines à solliciter son aide pour faire connaître leurs œuvres. Se contentant de petits tirages, il évoque pour l'anecdote l'expérience avec des auteurs de renom comme Metref, auteur de Roman de Kabylie qui a été très lu. D'esprit fondamentalement large et se situant au-dessus de toute contingence politique ou idéologique, il s'investit dans la pérennité du livre et dans la quête perpétuelle des valeurs qui ont fait le monde s'érigeant en «un fervent nostalgique des valeurs perdues en France». L'on comprendra ainsi tout le sens de son coup de cœur pour le berbère quand il encourage l'avènement de la bande dessinée kabyle pour promouvoir l'histoire et la culture berbères car, explique-t-il, «on ne connaît par exemple rien sur l'occupation vandale». Ainsi, pour cet éditeur, la sauvegarde de tamazight passe irrémédiablement par la reprise en main des jeunes.