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SOUFIANE DJILALI, PRESIDENT DE JIL JADID, AU SOIR D'ALGERIE :
«Le régime est à la merci d'un pic de tension»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 11 - 2013


Entretien réalisé par Khedidja Baba-Ahmed
Soufiane Djilali annoncera aujourd'hui, officiellement, sa candidature à la présidentielle de 2014. C'était attendu, sa formation politique ayant déjà informé (communiqué du 27 septembre dernier) que Jil Jadid prendra part au scrutin, avec son propre candidat et que ce dernier n'est autre que son président. En très peu de temps, cette formation, qui n'existe que depuis 2011, a investi le champ politique et n'a laissé passer aucune occasion pour s'exprimer publiquement sur les événements politiques nationaux, très nombreux du reste et pour le moins des plus inattendus. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Soufiane Djilali n'a éludé aucune de nos questions. Son analyse de la situation politique dans le pays est implacable. «On veut nous vendre coûte que coûte l'image d'un surhomme absolument nécessaire pour la survie de la nation» ou encore, le fond du problème est qu'«ils ne veulent pas partir tout simplement car on verrait des choses dans les comptes de la nation, dans la conduite de nos finances, dans la politique économique et surtout dans les dossiers lourds de la corruption». Sans concession, il parle même de «rogue state» ou Etat voyou. Au plan économique, tout en argumentant par les chiffres, il assène notamment : «En 15 ans, rien de substantiel n'a été réalisé.» Quant aux chamboulements opérés dans les services et les déclarations sur ce point du SG du FLN, Soufiane Djilali, après un long développement et beaucoup de nuances, déclare : «En ouvrant les dossiers de la corruption, le DRS faisait le minimum de ce qui était attendu de lui : assurer la sécurité stratégique du pays. Mais apparemment, cela n'entrait pas dans les plans du clan.» S'il ne se dérobe pas devant l'échec de la tentative de son parti à faire alliance avec d'autres formations politiques, il conclut : «... La vraie opposition, elle, est trop peu homogène pour s'entendre sur une seule personne et cela est normal et même sain» et les lecteurs feront leur choix. Lorsque nous lui rappelions qu'il fut, en 2004, dans la campagne de Ali Benflis et lui demandions s'il retirait sa candidature au cas où ce dernier se présentait, Djilali Soufiane a eu cette réponse on ne peut plus diplomatique : «Dans tous les cas de figure, le parti arrête lui-même les grandes décisions en fonction de l'évolution de la situation et des événements.»
Le Soir d'Algérie : Dans une de vos dernières déclarations (septembre 2013), vous mettiez en garde contre le chaos et appeliez le Président à démissionner. Auparavant, vous lanciez, avec Benbitour et Mechati, un appel pour vous opposer au projet d'un éventuel quatrième mandat pour Bouteflika. Bouteflika n'a pas démissionné. Mais à ce jour et nonobstant les déclarations de Saïdani, Bouteflika ne s'est pas prononcé sur sa candidature, comme rien n'a encore filtré sur la révision constitutionnelle. Comment, dès lors, qualifieriez-vous ce mutisme, à moins de six mois des présidentielles ?
Soufiane Djilali : Oui, le pays est plongé dans l'incertitude et le flou, et c'est voulu. En fait, pour bien analyser la situation actuelle, il faut se remémorer les événements de ces derniers mois. Il y a trois phases distinctes. Avant, pendant et après l'hospitalisation du Président. Durant la première phase, celui-ci avait tous les atouts en main. Bien que rongé par sa maladie depuis 2005, il nourrissait un appétit encore intact pour le pouvoir. Autour de lui s'organisait le clan. Depuis quelques mois déjà, il avait engagé un plan impitoyable pour libérer à son profit la totalité de l'espace politique. Il a liquidé sans coup férir Ouyahia, puis Belkhadem et même toute l'Alliance présidentielle qui avait été politiquement consommée. L'entourage ne faisait confiance à personne et surtout pas à ceux qui ont été trop longtemps ses serviteurs zélés mais qui auraient pu se transformer en Judas à la moindre occasion. Une nouvelle architecture du pouvoir était alors décidée en incorporant des hommes un peu plus frais mais aux ambitions encore contrôlables...
Vous pensez à qui ?
... Je pense à Ghoul et Benyounès en particulier. Quant à Louisa Hanoune, elle jouait alors le rôle de sniper. Elle tirait sans sommation sur toute personne qui se permettait de remettre en cause la sacralité du chef de la tribu.
C'est dans cette configuration que les mises en scène pour l'appel au 4e mandat étaient programmées. Rappelez-vous les banderoles exhibées lors du match Mouloudia-Sétif, puis les préparatifs propagandistes pour la finale de la Coupe d'Algérie. Un anonyme «fonctionnaire de la présidence» avait même, fin mars, annoncé que le Président «ne souhaitait pas un 4e mandat mais que s'il était sollicité par le peuple, il réfléchirait à la question». On nous préparait là un scénario de mauvais goût, avec toujours cette méthode du dribbleur : le Président fait semblant d'être fatigué (tab djnanna), fait de la comédie pour attirer la compassion des Algériens et anesthésier ses opposants mais se prépare en réalité à perpétuer son règne. Or, il savait bien que le pays lui échappait. Son bilan économique et politique était tout simplement désastreux. Une sourde résistance se développait mais personne n'osait affronter «fakhamatouhou». Depuis 2004, tout le monde savait que s'opposer à lui pouvait entraîner de graves rétorsions. Ce sont des centaines de gens qui ont été directement touchés. Certains ont perdu leurs emplois, d'autres ont été ruinés par le fisc. Mohamed Benchicou l'a payé avec de la prison..., il n'est pas le seul d'ailleurs. A la tête du pays, il n'y avait pas une équipe qui travaillait pour les intérêts de la nation mais un clan qui avait en tête de s'approprier l'Algérie à n'importe quel prix !
C'est dans ce climat de peur, que Mohamed Mechati, Ahmed Benbitour et moi-même avons décidé de dire non à ce projet machiavélique. Le 30 mars, nous avions rendu publique une déclaration pour refuser clairement le 4e mandat ainsi que le projet d'amendement constitutionnel qui était programmé pour légaliser, encore une fois, le hold-up de l'Etat de droit et la démocratie. Je vous décris ce climat de peur, pour comprendre combien j'ai dû suer pour convaincre des personnalités de s'associer à l'opération mais en vain. Les gens étaient comme tétanisés ! Tout le monde sentait que les choses risquaient de mal tourner. Les scandales étaient à la «Une» et commençaient à s'approcher dangereusement de certains membres de la famille. C'est à ce moment-là, qu'un accident vasculo-cérébral frappe le Président. Tout bascule en un clin d'œil. Celui-ci, transféré au Val-de-Grâce, laisse un vide institutionnel dont nous subissons les conséquences encore aujourd'hui. Du 27 avril au 16 juillet, date de son retour, le pays était totalement paralysé d'autant plus que la Constitution amendée en 2008 avait centralisé tous les pouvoirs entre les mains du président de la République, devenu en réalité un véritable autocrate. En fait, il aurait fallu alors déclarer la vacance du pouvoir à ce moment-là mais cela n'a pas été accompli. Monsieur Sellal est alors monté au créneau pour combler le vide. De mensonges en fausses promesses, il fit gagner du temps au clan. Mais les semaines passaient et la clientèle habituelle commençait à s'impatienter. Parmi les zélateurs, beaucoup étaient pris de panique. D'autres commençaient à retourner les vestes. Il était même cocasse de voir certains beaux parleurs perdre leur langue et ne plus savoir quoi dire. Les rats quittaient le navire et le danger semblait imminent.
C'est là qu'intervient la troisième phase. Le Président est rapatrié. Bien qu'incapable de dire un mot et en piteux état. On le montra à la télévision pour calmer l'opinion publique et surtout engager une opération brutale de reprise en main des rouages de l'Etat un moment en perdition. Un violent remaniement ministériel détruisit ce qui était resté de l'ancien consensus, une partie du gouvernement fut jetée aux orties et les ministères les plus sensibles remis aux mains des plus proches parmi les fidèles. C'est que le plan primordial a été remis en cause par l'AVC mais pas la volonté de s'accrocher au pouvoir ! Il fallait frapper le plus vite et le plus fort possible pour prendre un avantage décisif et gérer la suite à sa guise. Pour éviter l'élection présidentielle, une refonte de la Constitution était envisagée pour prolonger de deux ans le mandat : il fallait reprendre le terrain perdu, se refaire une santé et préparer tranquillement la succession qui convenait. Nous en sommes à peu près là.
Jusqu'à quand les choses vont ainsi perdurer ?
Je pense que les choses vont évoluer assez vite. Le projet de prolongation du mandat est trop gros pour passer. Ce serait un coup d'Etat incontestable et personne ne le cautionnerait. Par ailleurs, l'opposition commence à reprendre ses esprits. L'audace du renversement de la décision du Conseil d'Etat par un tribunal administratif puis l'intronisation forcée de Saïdani à la tête du FLN, l'étouffement des scandales touchant les amis et proches du Président et la volonté de détruire certains services de sécurité nationale ont fini par faire prendre conscience aux partis politiques et à la société civile que si le clan réussissait son coup, s'en serait fini de l'idéal de l'Etat de droit pour encore une génération au moins. Je pense, et je l'espère, que durant ce mois de novembre, des candidats sérieux à l'élection présidentielle se déclareront et tous ensemble pourront faire monter la pression sur le régime pour l'empêcher de toucher encore à la Constitution et pour respecter, pour une fois, le choix des électeurs dans une élection transparente.
Par écran interposé, l'on tente de suggérer que si le Président n'a pas encore récupéré totalement, cela ne saurait tarder, la gouvernance continue d'être assurée et les préoccupations du citoyen sont prises en charge, le tout dans un tourbillon activiste assez surréaliste qui s'exprime par des déplacements tous azimuts de tout le staff gouvernemental. Qu'exprime, selon vous, cet acharnement à vouloir magnifier les années d'exercice de Bouteflika qui sont présentées comme étant celles qui ont sorti le pays du gouffre dans lequel il sombrait ?
L'objectif de tout cela est de faire croire à l'opinion publique qu'il n'y a que Bouteflika en Algérie qui a l'étoffe d'un Président et que même malade et finissant, et peut-être même après sa mort, il n'y a que lui qui peut diriger le pays. J'ai d'ailleurs proposé pour l'amendement constitutionnel, que l'on remplace le contenu de l'article 2 de la Constitution qui dit que «l'Islam est religion de l'Etat» par «l'idolâtrie est religion de l'Etat» ! On veut nous vendre coûte que coûte l'image d'un surhomme absolument nécessaire pour la survie de la nation. C'est du totémisme, cela ! Sans Bouteflika, il ne nous sera plus possible de boire ni de manger et, d'un coup, le film va se dérouler vers le passé... le terrorisme reviendra et les Algériens ne seront plus en paix. Voilà le discours qu'ils distillent partout et tout le temps : «Nous restons au pouvoir et nous vous assurons la paix ; tout changement signifie déstabilisation et l'Algérie deviendra une autre Libye ou une nouvelle Syrie», nous disent-ils. En réalité, la stabilité veut dire pour eux immobilisme, statu quo. Ils ne veulent pas partir tout simplement car on verrait des choses dans les comptes de la Nation, dans la conduite de nos finances, dans la politique économique et surtout dans les lourds dossiers de la corruption ! C'est cela le fond du problème !
Justement, comment expliquez-vous cet exploit du pouvoir en place qui a réussi à mettre une chape de plomb sur les gros scandales de corruption confiés, disent-ils, à la justice qui ne pipe mot, depuis, sur le devenir de ces dossiers ? Dans le même ordre d'idées, quelle lecture faites-vous de la sortie tonitruante de Saïdani qui s'est autoproclamé porte-parole de la présidence (ou bien peut-être lui a-t-on confié ce rôle) qui déclarait, il y a quelques jours, suite à la réorganisation des services : «Le DRS n'a pas à enquêter sur la corruption... Le temps des faiseurs de rois est terminé parce que l'objectif de Bouteflika est de bâtir un Etat civil.»
Oh ! Qu'est-ce qu'on aurait été heureux si Bouteflika avait l'intention de bâtir un Etat de droit ! Mais pourquoi l'expression «Etat civil» ? Est-ce une façon de nous dire que nous sommes dans un Etat militaire ? L'attaque est trop visible mais en contradiction avec les actes. Qui a désigné un chef d'état-major de l'armée en exercice, en même temps membre du gouvernementt
civil ? Bouteflika n'a jamais cru ni en l'Etat de droit, ni en la démocratie, ni en le peuple algérien. Il ne croit qu'en lui-même, point à la ligne. Il a montré à plusieurs reprises qu'il tenait le peuple dans un grand mépris. C'est cela la vérité. Bien sûr que la première chose qu'ait faite Bouteflika dès son retour de France était d'étouffer les dossiers des scandales. Il n'a pas hésité à liquider l'ex-ministre de la Justice qui n'avait pas la main assez ferme pour boucler les dossiers trop gênants. Quant au DRS, il faut dire d'abord que c'est, entre autres, avec son aide que Bouteflika est venu et est resté au pouvoir si longtemps. Mais à mon avis, en tant qu'institution, le DRS ne pouvait pas cautionner toutes les dérives qui mettaient en danger la sécurité nationale. Il devait faire un minimum, bloquer la prédation de grande envergure. Dans le cas contraire, tôt ou tard, il aurait été accusé de complicité et de trahison nationale. Or, en son sein, il y a incontestablement des patriotes. En ouvrant les dossiers de la corruption, le DRS faisait le minimum de ce qui était attendu de lui : assurer la sécurité stratégique du pays. Mais apparemment, cela n'entrait pas dans les plans du clan. D'où les attaques incessantes indirectes ou directes de M. Saïdani et consorts contre l'institution sécuritaire. Mais je crois que ce dernier a reçu quelques coups de règle sur les doigts : il vient de faire son mea culpa et retirer ses fanfaronnades. A mon avis, il a trop dit, ce qui doit lui coûter quelques nuits blanches, en attendant le reste...
Mais le DRS est-il ce faiseur de rois comme l'a qualifié le secrétaire général du FLN ?
Quels rois ? Il ne peut s'agir que de M. Bouteflika et ce depuis 15 ans ! Le roi n'aime plus ceux qui l'ont fait ? Mais soyons sérieux, il n'y a qu'en Algérie qu'on attaque avec autant de violence ses propres services de sécurité. Bien sûr que ceux-ci ne sont pas indemnes de tout reproche mais, fondamentalement, c'est aux dirigeants politiques de régler le fonctionnement de l'Etat de droit. A quoi cela sert de faire le «lion» en parlant des 15 «chats» et ensuite venir dire par sous-entendu «hagrouni» ? Chez nous, les dirigeants politiques «profitent de la vie» et laissent le sale boulot à une institution qui doit les protéger et les maintenir au pouvoir. Lorsque les armes parlaient, que les jeunes en tenue se faisaient canarder, Monsieur Bouteflika et ses amis n'étaient même pas en Algérie et maintenant, ils s'inquiètent pour l'Etat civil ? Madame, s'il y a des dépassements, des emprisonnements illégaux ou de la torture, c'est au président de la République de l'assumer. Il est bien content lorsque les urnes sont trafiquées à son profit et à celui de son parti et que les opposants sont muselés, mais son clan fait la vierge effarouchée devant des enquêtes qui nuisent à son image. Ce reproche est d'autant plus valable à l'endroit de M. Bouteflika qu'il a toujours clamé qu'il n'était pas 1/4 de Président. Et tout le monde sait qu'il a géré le pays avec son humeur et ses convenances. Qu'on ne vienne pas maintenant faire semblant de découvrir le méchant DRS qui fait les «rois» pour s'acheter une innocence imméritée.
Plus globalement, qui, selon-vous, détient aujourd'hui les rênes du pouvoir ? Quelle est votre analyse et souscrivez-vous à l'idée prônée par certains consistant à dire que l'armée et les services qui lui sont rattachés aujourd'hui sont en parfait accord avec Bouteflika qu'ils poussent à se représenter (avec ou sans un vice-président moyennant ou non une modification de la Constitution) ? Cette solution, selon ces analystes, présenterait l'avantage de la stabilité et de la préservation des intérêts des uns et des autres. Pour vendre cette solution, ceux qui la préconisent argumentent naturellement avec les dangers sur nos frontières.
L'argument du danger aux frontières est tout simplement grotesque. C'est Monsieur Abdelaziz Bouteflika qui est aujourd'hui le plus gros danger pour le pays ! Maintenant, y a-t-il entente entre les différents centres du pouvoir ? Je ne le sais absolument pas. Je sais une chose, c'est que toutes les décisions politiques qui ont été prises ces dernières semaines sont en faveur du clan présidentiel. Il y a à l'évidence un forcing fait par les partisans du chef de l'Etat. Sinon comment expliquez-vous, à titre d'exemple, la menace à peine voilée du ministre de l'Intérieur à l'encontre des walis ? Il a clairement laissé entendre qu'il y aura des règlements de comptes après l'élection d'avril, exigeant par là de chacun des walis une implication dans les résultats. Autrement dit, le Président sera réélu avec ou sans les walis mais les moins enthousiastes le paieront exactement comme les ministres du gouvernement précédent ! George Walker Bush aimait l'expression «rogue state». Vous avez une idée de ce que c'est !
Que pensez-vous de la nouvelle approche économique de M. Sellal, n'y a-t-il pas là matière à espérer ?
Vous savez, les gesticulations et les bavardages de M. Sellal ne sont que de la poudre aux yeux. Le gouvernement vient d'être pris la main dans la poche des Algériens, puisqu'il a dévalué la valeur du dinar en catimini. En plus des 10% d'inflation avoués, il nous rajoute une dévaluation de 10% ! Soit une perte du pouvoir d'achat de 20% ! Ailleurs, il y aurait une révolution pour moins que ça. Ce sont les mêmes dégâts qu'a subis la Grèce à cause de la crise mondiale. En réalité, la situation inquiète au plus haut point les autorités qui se croyaient à l'abri du besoin grâce à la manne pétrolière. La politique du gouvernement me rappelle la fable de la cigale et la fourmi. Pendant 15 ans, il a jeté l'argent par les fenêtres mais maintenant que l'hiver approche, il a peur de la réaction populaire parce que la besace est en train de se vider. J'ai dernièrement publié une contribution économique pour expliquer tous les dangers qui nous guettent. La crise mondiale va laisser beaucoup de monde sur le carreau. Elle était prévisible. Plus que cela, on y est depuis 5 ans et apparemment nos éminences grises ne le savaient pas. La manne pétrolière est en train de se réduire et ce sera d'autant plus compliqué de faire face aux besoins croissants des Algériens. En 15 ans, rien de substantiel n'a été réalisé. Et qu'on arrête de répéter sans cesse, autoroute, autoroute, autoroute... c'est lassant et navrant à la fois. Il faut juste regarder quelques chiffres : dépendance à 99% des hydrocarbures, importations de 70% de ce que nous mangeons, à peine 3% de croissance (moitié moins que la plupart des pays africains), corruption généralisée, chômage endémique, école naufragée, tous les classements internationaux à la queue, absence d'Etat de droit, institutions factices, etc. Pour savoir où nous en sommes, regardez et écoutez Saïdani ou Sellal, les premiers collaborateurs du Président, et vous comprendrez vite à quel niveau se situe l'Algérie de Bouteflika !
En parlant de crise mondiale, ne pensez-vous pas que nos partenaires étrangers vont soutenir le régime pour la stabilité de la région ?
C'est une grosse farce que de penser que nos partenaires vont soutenir un régime affaibli, et dont la viabilité dépend d'un homme vieillissant et malade. Nos partenaires sont rationnels. Ils ont besoin d'une Algérie prévisible, responsable et capable d'affronter les turbulences que va créer la crise. Comment voulez-vous qu'ils engagent leurs intérêts économiques et stratégiques avec un régime qui est à la merci d'un pic de tension ? Bouteflika est le pilier central du chapiteau. Il ne peut supporter toute la charge de la gestion d'un Etat. A tout moment, il peut lâcher, entraînant dans sa chute tout le «cirque Amar» ! La communauté internationale sera donc attentive au déroulement des élections et ne cautionnera sûrement pas une mascarade, ni une autre violation de la Constitution d'ailleurs. Elle sait que l'opinion algérienne n'est pas dupe et lui en garderait rancune !
A l'issue de son conseil national du 27 septembre, Jil Jadid a annoncé sa participation à l'élection présidentielle avec «son propre» candidat, en l'occurrence vous-même. Votre parti aurait lancé plusieurs consultations avec d'autres partis ou personnalités nationales pour nouer une alliance mais sans résultat car, avez-vous dit, «les objectifs des uns et des autres ne se rejoignant que difficilement pour un premier tour électoral inévitable». Cela ne dénote-t-il pas la faiblesse globale de l'opposition démocratique qui n'arrive pas à s'entendre sur un minimum commun à tous, rassembleur, à savoir la fin du régime corrompu et prédateur ?
Vous savez, il y a une forme de confusion qui s'est installée et qui est préjudiciable à l'idée de démocratie elle-même. C'est le fait d'insister à marier l'eau et le feu avec obstination. Les lignes de fractures dans la société sont nombreuses. Bien entendu, il y a un fossé entre le pouvoir et le reste. Mais, autant dans le pouvoir que dans l'opposition, il y a d'autres lignes de fractures. Chaque parti doit pouvoir s'exprimer librement, faire une offre au peuple et laisser ce dernier choisir en son âme et conscience. Le problème fondamental n'est donc pas le nombre de candidats potentiels de l'opposition mais simplement le respect des urnes. D'ailleurs, pour le moment, je pense qu'il y a plutôt déficit de candidats que pléthore. Certains partis dits démocratiques découvrent subitement les charmes du candidat du «consensus». Ils nous proposent tout simplement de revenir au parti unique ! Quant à la vraie opposition, elle est trop peu homogène pour s'entendre sur une seule personne et cela est normal et même sain. Un premier tour permettra, si les résultats du vote sont respectés, de dégager les deux premiers pour un second tour. A ce moment-là, l'opposition devra s'aligner et défendre son candidat. Dans le cas où le pouvoir a décidé de tricher, il le fera dans toutes les circonstances, avec un seul ou plusieurs candidats de l'opposition !
Avec quelle personnalité politique pourriez-vous vous entendre au second tour ?
Il faut d'abord que l'on sache qui seront ces personnalités au 2e tour. Le chemin est encore long. J'imagine que d'ici à quelques semaines, les potentiels prétendants seront connus. Mais ce n'est qu'à l'issue de la décision du Conseil constitutionnel que l'on connaîtra les candidats officiels. Il faudra dépasser l'écueil des signatures et cela n'est pas une simple sinécure. Beaucoup d'ambitions pourront être éliminées à ce moment-là. Quant au deuxième tour... il est bien difficile de s'en faire une idée dès maintenant.
Vous avez été dans le staff de campagne de Benflis aux élections de 2004. S'il se présentait aux prochaines élections de 2014 quelle serait votre position ? Maintiendriez-vous votre candidature ?
Jil Jadid, bien que très jeune, est déjà un parti qui a des structures, des instances, une vie interne intense. Dans tous les cas de figure, je me soumets aux décisions du parti dans le cadre de ses statuts. J'ai, bien évidemment, des droits mais aussi des devoirs. En tant que président de cette formation, j'ai une grande marge de manœuvre mais elle s'inscrit dans des règles de droit. Cela signifie que dans tous les cas de figure, le parti arrête lui-même les grandes décisions en fonction de l'évolution de la situation et des événements. Quant à ma candidature, j'annoncerai ma décision ce samedi 2 novembre. Celle-ci sera prise sans considération des éléments externes au parti.
Créé en 2011, Jil Jadid que vous présidez s'est investi à fond dans le combat politique et dans l'opposition au pouvoir en place. Si le parcours politique est court pour votre formation, votre pratique politique, pour ce qui vous concerne et qui concerne beaucoup de vos militants, est beaucoup plus ancienne. Cela vous a permis sans aucun doute d'aguerrir votre approche pour la résolution de situations aussi complexes que celles que nous vivons dans le pays et de prioriser ainsi vos programmes et actions. Aujourd'hui, dans les semaines et quelques mois à venir, quelles sont les actions de votre programme que vous mettriez en avant pour entraîner l'adhésion du plus grand nombre de citoyens ?
Merci de rappeler que moi-même et plusieurs responsables du parti avons derrière nous de longues années de travail politique. Personnellement, je m'étais engagé au lendemain des événements d'Octobre 1988, et à ce titre, j'en suis clairement le produit. J'étais actif durant les années 1990, la décennie de malheurs, en étant toujours dans l'opposition, sur une ligne démocratique et contre le terrorisme. Lorsque M. Bouteflika était arrivé en 1999, j'ai dû quitter mon ancien parti qui s'était alors reconverti en laudateur du régime et suis resté en retrait, non pas par choix mais parce que ce pouvoir m'avait indirectement interdit l'action politique (refus d'agrément d'une association, le MLD, puis refus d'agrément pour un parti El Badil). J'ai continué cependant à écrire et votre quotidien était parmi les rares qui m'ouvraient encore ses colonnes. Pendant 10 années, j'ai beaucoup lu, j'ai écrit un peu et j'ai en même temps longuement réfléchi à ce que devait être une action politique au sein du peuple et non pas dans les salons. C'est cette réflexion-là que j'essaye de transformer aujourd'hui en action politique à l'aide de mes compagnons et maintenant de très nombreux jeunes qui s'ouvrent à la politique avec une approche saine, généreuse et sincère. Je sais que beaucoup d'Algériens pensent qu'il n'y a plus rien à faire dans le pays et qu'ils sont gagnés par le pessimisme et la démission. Mais je vous assure, lorsque vous allez découvrir, un à un, les hommes et les femmes de la nouvelle génération qui militent au sein de Jil Jadid, vous serez agréablement surpris. Ces jeunes se donnent à fond, veulent voir leur pays changer, font des rêves mais en même temps se proposent de les réaliser concrètement. Dans le pays, ils sont des dizaines de milliers de ce profil. Certains sont à Jil Jadid, beaucoup d'autres sont engagés dans d'autres actions politiques, culturelles ou sociales. Il y a dans tous les cas, un gisement d'énergie humaine d'une grande richesse. Je crois en ces jeunes-là. Je les écoute et prends leurs conseils non pas par condescendance mais parce qu'ils apportent réellement et concrètement une plus-value à notre action. Ce sont eux qui sont en train de construire le parti. Au final, la méthode de Jil Jadid, c'est un état d'esprit positif, constructif, audacieux et qui s'appuie sur une éthique et, je l'espère, une esthétique. C'est cela notre principal objectif !


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