De tous les secrétaires généraux du Front de libération nationale (FLN), Amar Saïdani est de loin celui qui agit le plus par bravade, entretenant en même temps deux adversités : accabler le DRS et se quereller avec le Premier ministre. Deux choses peuvent lui avoir inspiré cette méthode bulldozer : la nature de l'enjeu et une contrainte temps. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Relativement au DRS, Amar Saïdani signe la caution de son parti, le FLN, à l'entreprise de démembrement des services de renseignement que Bouteflika a engagée en vue de réduire de leur influence sur la vie politique, les institutions et l'administration. Dans cette entreprise risquée, tant est qu'elle n'est pas exempte d'effet boomerang, le chef de l'Etat avait besoin d'appuis partisans. Et en la matière, il n'y a pas plus indiqué que le FLN, parti majoritaire dans les assemblées élues et partie intégrante du gouvernement, pour embrayer à la suite de Bouteflika et justifier, a posteriori, que les entailles opérées dans le DRS relèvent de la bonne cause. C'est d'ailleurs pour les besoins de cette mission précise qu'Amar Saïdani a été coopté puis imposé à la tête du parti, alors que ne manquaient pas les prétendants parmi les vieux caciques et autres jeunes loups. Pour une telle cause, Amar Saïdani est le profil idoine : il ne se pose pas de question, il fonce et ne s'encombre pas des consultations préalables pour gagner le front et impliquer l'appareil. Ses adversaires du Comité central ne manquent d'ailleurs pas de lui reprocher d'engager le parti sans se référer aux instances délibérantes. Il n'en a cure. Il a l'appui du chef de l'Etat et cela le rassérène et l'encourage. N'avait-il pas remercié Bouteflika pour la confiance qu'il avait placée en lui devant les députés qui étaient censés l'avoir élu au poste de président de l'APN ? S'il exécute à la lettre la mission qui lui est confiée, Amar Saïdani n'est cependant pas sevré d'ambition. Il est tel un écuyer qui attend d'être armé lui-même chevalier, après avoir enduré l'épreuve d'avoir accompagné le chevalier à la guerre, porté son écu et aidé à prendre ses armes. L'ordre auquel Amar Saïdani aspire n'est rien moins, dit-on, que le siège rapproché du fauteuil présidentiel : le poste de vice-président, en somme. Mais il se trouve que sur son chemin se dresse un autre candidat potentiel, qui de surcroît a bonne fiche chez le DRS et jouit d'une bonne presse chez Bouteflika : le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Amar Saïdani pense qu'il ne se rapprochera de son but qu'avec l'éloignement de Sellal. Aussi entreprend-il de le dévier de cette trajectoire politique, en lui assénant coup sur coup, dans le silence complice de Bouteflika. Il apparaît, en effet, clair que Bouteflika, qui ne déteste pas pour autant Sellal, verrait plutôt mieux Saïdani comme son dauphin, ce dernier ayant grillé ses cartes avec le DRS, présente moins de risque de trahir le gentleman agreement, base de la cohabitation future entre le Président et son dauphin. Plus encore, dans les circonstances actuelles, le vice-président assumera de fait les charges du Président. Agé et malade, Bouteflika ne pourrait assumer l'intégralité de ses charges. Et c'est le vice-président qui, logiquement, devra pallier ses insuffisances. Mais alors pourquoi Saïdani met-il autant d'acharnement à vilipender Sellal, au lieu de manœuvrer en douce ? La raison relève du calendrier. Saïdani use de la pelleteuse politique parce que le temps d'action est court. Dans son esprit, il faut déstabiliser Sellal avant la prochaine révision de la Constitution, laquelle instituerait le poste de vice-président. Celui qui aura d'ici là terrassé l'autre aura de fortes chances d'accéder au poste. Et dans cet affrontement, Saïdani bénéficie de l'avantage du soutien du clan.