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L'entretien de la semaine
Larbi Mehdi, Maître de conférences à l'Université d'Oran au soirmagazine : «Aujourd'hui, chaque Algérien se voit dans le droit d'utiliser sa fonction et ses relations personnelles pour appro
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 12 - 2013

Dans ce jeu de questions-réponses, auquel il a bien voulu se prêter, Larbi Mehdi a expliqué comment les Algériens jugent la gestion des dirigeants politiques. Il nous éclaire sur la conception de la chose politique du commun des citoyens ainsi que les raisons de la perte de confiance des gouvernés en leurs gouvernants.
Soirmagazine : Dans leur quartier, en famille, dans les cafés, dans les transports en commun et partout, les Algériens se lancent dans des débats politiques enflammés. Est-ce une prise de conscience collective de la chose politique ou l'expression d'un ras-le-bol et d'un malaise social ?
Larbi Mehdi : Les espaces que vous citez sont bel et bien les lieux où les Algériennes et les Algériens se retrouvent en toute liberté pour échanger entre eux et discuter, ou bien (bavarder) de l'ensemble des situations qui leur semblent anormales. Ils parlent de leurs problèmes quotidiens qui sont multiples et différents pour finir par responsabiliser les dirigeants politiques de la situation actuelle. Mais paradoxalement, je doute fort que cette réalité illustre bien une conscience collective de la chose publique, car leurs discours demeurent subjectifs et affectifs. Ce sentiment représente en effet un avis ou une opinion personnelle qui ne veut pas dire forcément une opinion publique. Il faut savoir écouter les Algériens (es), comment jugent-ils la gestion des dirigeants politiques. Le contenu de leur jugement renvoie plus à une morale religieuse qu'à une morale civile et politique. «Maykhafouch men Rabi» (ils n'ont pas peur de Dieu), ils ciblent les dirigeants politiques comme étant les seuls responsables qui handicapent l'émergence d'un Etat réel en Algérie, mais ils n'approfondissent pas leur raisonnement pour construire une opinion publique et voir ainsi leur place et leur part de responsabilité. Chacun déplore la situation actuelle sans avoir pris conscience de sa part de responsabilité. La question du droit et du devoir qui organisent le rôle et la fonction de chacun de nous dans l'espace public demeure absente. Les Algériens (es) cherchent donc leur Etat, mais ils ne font rien pour s'inscrire comme acteur social apte à le construire réellement. Sur cette question, Montesquieu avait écrit que si la communauté veut être obéie, ce n'est pas parce qu'elle commande, mais parce qu'elle commande le bien public.
Quelle différence y a-t-il entre ces hommes politiques et les Algériens qui ne travaillent pas. Quelle morale religieuse ou humaine ?
Pour éclairer la question principale que vous posez, il faut, à mon avis, dépasser la question de la différence personnelle, car le problème politique de l'Algérie est profond. Il renvoie plus à l'histoire du pouvoir et les conditions particulières de son émergence avant la colonisation française. Ensuite, il faut chercher les formes de représentation sociale qui se présentaient au-devant, pendant l'indépendance nationale, pour approprier l'Etat et ses fonctions publiques, une organisation politique héritée de l'Etat colonial. Les Algériens (es) ont envahi un espace politique mis en place et organisé sur la base d'une culture judéo-chrétienne. Ils ont pris les fonctions des colons et la ville des Européens sans aucune volonté de comprendre les droits et les devoirs exigés pour faire fonctionner les appareils étatiques afin de gérer et de contrôler les pratiques et les comportements qui veillent à la préservation du bien public. Résultat des courses, la fonction publique est appropriée au profil du bien personnel et familial. Aujourd'hui, chaque Algérien se voit dans le droit d'utiliser sa fonction, ses moyens individuels et ses relations personnelles pour s'approprier le bien public sans rendre aucun compte à la puissance publique.
C'est une situation catastrophique et chaotique qui confirme l'absence de la puissance publique, figure emblématique de l'existence de l'Etat. Cela nous fait penser à l'Etat de nature qui a poussé les philosophes depuis le XVIIe et XVIIIe siècles en Europe, de discuter le problème de droit et de convention pour pouvoir trouver des réponses politiques afin de construire un Etat civil, capable d'intégrer, par un esprit contractuel, toutes les populations dans le cadre juridique de la citoyenneté.
Ils sont chômeurs, illettrés et se livrent pourtant à des analyses et des critiques politiques en s'érigeant parfois même en président de la République. Comment expliquez-vous ces comportements ?
Les contestations et les protestations qui ne finissent pas en Algérie prouvent qu'il y a un mécontentement et un ras-le-bol sociaux conséquents. En revanche, il faut distinguer entre les différentes catégories sociales de chômeurs. Il y a ceux qui cherchent à avoir une situation sociale stable par le travail et le logement sans contester ni la forme du pouvoir ni son contenu. C'est normal, car ce sont des besoins primaires que l'Etat doit prendre en charge pour les intégrer afin qu'ils vivent avec dignité dans leur société. Cependant, ces chômeurs sans aucun niveau d'instruction, même s'ils ont le droit de parler de leur situation sociale et de leurs problèmes, cela ne veut pas dire qu'ils ont les moyens intellectuels pour analyser et disséquer les enjeux qui se cachent dans le jeu politique national. Le problème majeur en Algérie, c'est la mobilisation sociale qui n'arrive pas à se construire comme une force pour contrecarrer les pratiques prédatrices du pouvoir autoritaire.
Ce dernier a mobilisé tous les moyens matériels et symboliques de la société pour le seul objectif de se pérenniser sans prendre au sérieux les problèmes culturels, sociopolitiques et économiques qui l'interpellent pour lui dire que son temps appartient désormais au passé.
Les Algériens, dans leurs propos, renient leurs gouvernants et leur politique, et se sentent marginalisés dans leur propre société. Quelle est votre analyse ?
Aujourd'hui, la marginalité sociale peut être considérée chez pratiquement une majorité d'Algériens(es) comme un statut social pour afficher une opposition politique contre le pouvoir. Quand ils s'expriment, ils relient leur situation à leur honnêteté. «Nous sommes marginaux car nous ne sommes pas des voleurs, nous ne sommes pas des traîtres.» C'est ce qui découle de leurs propos. En effet, il faut voir le nombre d'adhérents dans les partis politiques que le pouvoir a légalisés pour voir que la relation censée exister entre gouvernant/gouverné n'existe ni au niveau de la représention politique ni à celui de l'Etat.
Le pouvoir autoritaire a utilisé les institutions, l'administration publique et la rente pétrolière pour corrompre l'expérience démocratique. Une partie de la société trouve une place dans ce jeu frauduleux et injuste, mais elle oublie que son comportement va contre l'intérêt public et fragilise dans le même temps l'esprit nationaliste et l'appartenance territoriale. Le phénomène de l'immolation nous interpelle toutes et tous pour revoir notre vie en communauté nationale.
A un certain moment, les Algériens ont eu une lueur d'espoir avec l'avènement du multipartisme, qui s'est vite éteinte. Pensez-vous, aujourd'hui, qu'ils commencent à prendre conscience qu'ils ne doivent plus rien attendre des politiques, et qu'il est temps pour eux de se prendre en charge individuellement et collectivement ?
Depuis l'échec du socialisme en Algérie, les Algériens (es) ont compris que le seul moyen pour s'en sortir c'est de compter sur soi, sur la solidarité familiale et celle des proches qui sont en mesure évidemment de contribuer par l'entraide. Les enquêtes sociologiques et les analyses des brillants sociologues algériens témoignent de cette réalité. Il faut lire par exemple ce que Claudine Chaulet avance dans sa conclusion issue d'une grande enquête réalisée pendant les années soixante-dix. Elle écrit que «la victoire pouvait être représentée comme l'entrée des ‘'gens du dehors'' dans les lieux d'où le pouvoir diffuse. Mais les ruraux n'ont pas pris les villes ni les fellahs les domaines coloniaux... L'Etat a été investi par une ‘'petite bourgeoisie'' urbaine de formation française en majorité, qui fonctionnait selon des normes et des codes empruntés, soit à l'ancien colonisateur soit à des pays socialistes occidentaux.» (voir son ouvrage La terre, les frères et l'argent, OPU, T 1, 1987, Alger). Avec le multipartisme, le lien social construit autrefois entre plusieurs fractions de la société sur la base d'un esprit fraternel qui tire ses sources plus d'une morale religieuse que sociétale, va s'ébranler. Désormais, les entraides vont s'organiser sur l'intérêt qu'on peut tirer da la personne bénéficiaire. Cela a commencé avec la mise en place des partis politiques et des associations satellitaires de bienfaisance qui captent les voix pour des échéances électorales. La particularité des partis politiques c'est qu'elle a appuyé davantage l'irrigation du népotisme et du clientélisme, phénomène infectieux pour le développement d'une vraie organisation sociale et politique en Algérie.
Peut- on se passer de politique ?
Depuis que les recherches anthropologiques ont découvert le fonctionnement complexe des sociétés exotiques, dites autrefois «sociétés froides», qui s'organisent politiquement sans l'existence de l'Etat, elles ont pris conscience que la politique n'est pas forcément une science qui organise spécifiquement l'Etat et ses instruments modernes. Cette idée montre que les familles, les clans et les villages se sont organisés politiquement pour surmonter les contraintes naturelles sans faire appel à l'idée de l'Etat. L'émergence des cités et des villes avait, au contraire, besoin d'un nouvel Etat pour développer davantage les activités comme le commerce et l'industrie.
Le marché et la croissance de la richesse ont exigé la mise en place d'une nouvelle organisation politique et économique pour accentuer et pérenniser le bonheur social. Cette nouvelle idée représente en effet l'Etat qui manque malheureusement en Algérie. Cet avant-propos montre que la politique est nécessaire car elle s'intéresse à la gestion des affaires publiques qui lient tout un peuple. Les Algériens ont grand besoin de s'intéresser à la politique pour participer à la gestion des affaires et des problèmes qui les concernent tous. Aujourd'hui, la politique existe en Algérie mais elle touche uniquement de petites organisations familiales et domestiques qui ne peuvent guère régler les problèmes de société.


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