De notre envoyé spécial à Tlemcen, Kamel Amarni «Nous allons continuer de soutenir et de défendre le Président Abdelaziz Bouteflika jusqu'à la dernière goutte de notre sang.» Cet engagement si fort a de quoi inquiéter les potentiels candidats à concurrencer Bouteflika lors de la prochaine présidentielle. Parce qu'elle n'émane pas de n'importe quel soutien partisan ou associatif mais du Premier ministre Abdelmalek Sellal qui, faut-il le rappeler, avait été officiellement chargé de préparer les prochaines présidentielles à l'occasion du dernier Conseil des ministres en date. Sellal prépare d'ailleurs ces présidentielles sur deux niveaux. Administratif d'abord, de par sa fonction de chef de l'exécutif, mais aussi politique. Et c'est sur ce plan politique justement que les choses s'emballent depuis quelques semaines. Après Aïn-Témouchent mercredi, Tlemcen accueillera le lendemain, jeudi, un Premier ministre véritablement en campagne électorale. Ce sera le même topo qu'ailleurs : quelques haltes sur le terrain, la matinée puis, un... vrai meeting électoral l'après-midi. Sous la forme d'une «rencontre avec les élus et les représentants de la société civile», Sellal et un bon tiers de son équipe gouvernementale assisteront à une autre déclaration d'allégeance, celle du président de l'APW de Tlemcen. Ce dernier déroulera un «bilan» des plus reluisants des quinze années de règne de Abdelaziz Bouteflika avant de ponctuer son intervention en invitant l'assistance à soutenir «un quatrième mandat pour son excellence Abdelaziz Bouteflika afin qu'il puisse poursuivre son œuvre pour le pays». Le wali de Tlemcen enchaînera par une intervention «chiffrée» pour dire à peu près la même chose que le P/APW. Puis vint le tour du Premier ministre. Son intervention aura lieu en deux temps. D'abord, par une allocution mesurée et solennelle, le discours étant du reste écrit. Il y glissera une petite pique à l'adresse de l'opposition : «Il y a parmi nos élites intellectuelles qui se contentent de critiquer comme si elles cherchent à pousser la société vers le désespoir et la démission.» Comme d'habitude, Sellal insistera sur «la stabilité» ainsi que sur d'autres «acquis». Il dira à cet effet : «Je dis aux jeunes Algériens que les opportunités qui leur sont offertes aujourd'hui dans les domaines de l'habitat, de l'éducation, de la formation professionnelle et de l'emploi sont sans pareilles dans de nombreux pays de par le monde, y compris les plus développés.» Il ne s'arrêtera pas là, évidemment. «Tout le mérite en revient aux enfants de ce pays et à son excellence le président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika qui a foi dans la jeunesse et qui met en eux ses espérances.» Après avoir «écouté» les interventions des «représentants de la société civile», le Premier ministre revient à la charge. Le ton cette fois sera moins nuancé : «Le plus grand miracle du Président Bouteflika est, sans conteste, le fait d'avoir réussi à restaurer la paix et à réconcilier les Algériens. Hier, nous avions honte d'évoquer ne serait-ce que le nom de Messali Hadj. Aujourd'hui, nous avons tout un aéroport international baptisé en son nom.» Au plan économique, Sellal attribuera à Bouteflika un autre «miracle». Il répétera : «Aujourd'hui, personne ne nous doit un seul centime de dettes. C'est, au contraire, l'Algérie qui prête aux autres. Si, en Algérie, le miracle a pu se réaliser, c'est grâce au Président Bouteflika que nous avons soutenu et que nous allons encore continuer de soutenir et défendre jusqu'à la dernière goutte de notre sang.» A seulement quatre mois des présidentielles, le pouvoir ne pouvait mieux lancer sa bataille. «La contrebande a atteint des proportions dangereuses» Profitant de sa présence à Tlemcen, qui est aussi la wilaya d'Algérie qui est la plus dangereusement exposée aux agissements néfastes du voisin d'à côté, le Maroc, Sellal tire la sonnette d'alarme : «Le trafic de carburant est en train d'atteindre des niveaux dangereux pour notre pays. Nous avons certes fermé les vannes face aux hallaba ici à Tlemcen mais, en même temps, la consommation du carburant a triplé à Aïn-Temouchent, par exemple. Cela veut dire que les trafiquants vont s'approvisionner ailleurs qu'à Tlemcen.» Dans le sens inverse, ce sont les quantités astronomiques de la drogue dont nous inonde notre voisin de l'Ouest qui inquiètent. Les services de sécurité saisissent régulièrement, depuis des mois, de gigantesques «colis», ce qui dénote la présence d'un plan dont la conception et l'exécution dépassent les simples trafiquants d'antan. Il s'agit bel et bien d'une agression que Rabat chapeaute à dessein. «Le trafic de la drogue n'est pas que l'affaire des services de sécurité ou des douanes mais interpelle chacun d'entre nous», dira Sellal qui lancera cet avertissement : «Face à ces phénomènes, il faut que chacun sache que l'Algérie a les moyens de se défendre même si, pour le moment, nous les traitons avec beaucoup de sang froid.» A bon entendeur...