La démission de Tayeb Belaïz du poste de président du Conseil constitutionnel aurait dû faire l'objet d'une délibération des membres de cette institution. Imposée par le décret présidentiel de 1989 et par le règlement intérieur du Conseil, il n'existe nulle trace de cette délibération. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) La démission de l'ex-président du Conseil constitutionnel est-elle réglementaire ? La question mérite d'être posée puisque cette institution est appelée à jouer un rôle central dans le processus de contrôle de la régularité de la présidentielle d'avril 2014. Commençons par les faits : le 11 septembre 2013, le président de la République procède à un remaniement gouvernemental. Tayeb Belaïz, nommé président du Conseil constitutionnel en mars 2012, revient dans l'équipe gouvernementale au poste de ministre d'Etat – ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Homme de confiance du Président, Belaïz a été d'une grande efficacité en évitant l'application de l'article 88 de la Constitution. C'est en partie grâce à lui que le Conseil constitutionnel n'a pas constaté la situation d'empêchement suite à l'AVC dont a été victime Abdelaziz Bouteflika. Après quelques jours de vacance à la tête du Conseil constitutionnel, le chef de l'Etat nomme Mourad Medelci en qualité de président de cette institution. Durant cette phase, la question du départ précipité de Belaïz s'était posée. Selon l'article 164 de la Constitution, le mandat de président du Conseil constitutionnel est fixé à 6 ans. Pour quitter son poste avant terme, Belaïz a donc déposé sa démission. «Il est mis fin aux fonctions de président du Conseil constitutionnel, exercées par M. Tayeb Belaïz, admis à la retraite sur sa demande», lit-on dans le décret présidentiel n° 13-310 du 11 septembre 2013 mettant fin aux fonctions du président du Conseil constitutionnel. Mais voilà, avant que le Président ne décide de «démettre de ses fonctions» le président du Conseil, ses pairs doivent prendre acte de cette décision. Cette procédure est clairement définie dans le décret présidentiel n°89-143 du 7 août 1989 relatif aux règles se rapportant à l'organisation du Conseil constitutionnel et au statut de certains de ses personnels. «Le décès, la démission ou l'empêchement durable du président du Conseil constitutionnel donnent lieu à une délibération du Conseil constitutionnel intervenant sous la présidence du membre présent le plus âgé et dont la notification est faite au président de la République», lit-on dans l'article 4 du texte de base qui régit le Conseil. L'obligation de tenir cette délibération est rappelée dans l'article 64 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel. «Le décès, la démission ou l'empêchement durable d'un membre du Conseil constitutionnel donnent lieu à une délibération du Conseil constitutionnel dont notification est faite au président de la République et, selon le cas, au président de l'Assemblée populaire nationale, au président du Conseil de la nation, au président de la Cour suprême ou au président du Conseil d'Etat». Reste maintenant à savoir si cette délibération a bien eu lieu. Un fait, il est vrai, difficile à confirmer. Mardi 17 septembre 2013, jour de la cérémonie de passation de consignes, Mohamed Abbou, membre du Conseil constitutionnel, fait une déclaration à la presse. «Il a été officiellement mis fin aux fonctions de M. Belaïz à sa demande et ce, avant sa nomination au poste de ministre de l'Intérieur. L'article 164 de la Constitution n'évoque pas dans son alinéa 3 la manière de mettre fin au mandat du président du Conseil constitutionnel, mais précise l'autorité qui désigne le président de cette instance pour un mandat unique», explique Abbou dont les propos ont été rapportés par l'agence APS. Fait étrange, ce membre indique que la Constitution «n'évoque pas la manière de mettre fin au mandat du président du Conseil constitutionnel». Pourtant, il lui aurait suffi de préciser que cette procédure est clairement énoncée par l'article 4 du décret de 1989 et l'article 64 du règlement intérieur du Conseil. Mais pour cela, il aurait fallu que cette délibération se tienne. Pour obtenir confirmation, nous nous sommes rapprochés, lundi, du Conseil constitutionnel. Nous n'avons pas eu droit à une entrevue mais juste à une communication - à partir de l'appareil téléphonique du poste de la Garde Républicaine - avec un certain «Brahim». A la question de savoir si la démission de Tayeb Belaïz a fait l'objet d'une délibération des membres du Conseil, nous avons eu droit à la réaction suivante : «Pourquoi posez-vous cette question ? Nous préparons l'élection présidentielle et au lieu de ça, vous vous intéressez à une histoire qui date de plusieurs mois. Cette affaire est close. Vous n'avez pas à vous présenter au Conseil pour évoquer ce sujet ! La presse a déjà écrit sur ce sujet. Ce débat est clos, terminé ! La démission du président Belaïz est une question d'ordre technique.» Brahim Romani (son nom était affiché sur l'écran de l'appareil) a refusé d'indiquer la date de la tenue de cette réunion des membres du Conseil. «Je ne dirai rien, votre sujet ne mérite pas d'être évoqué», dira-t-il. Impossible donc de savoir si la démission de Tayeb Belaïz est bien réglementaire. Mais si réellement elle ne l'est pas, ce manquement pose nécessairement la problématique de la régularité de sa nomination au poste de ministre de l'Intérieur et de la désignation de Mourad Medelci à la présidence du Conseil constitutionnel. Il en est de même pour l'ensemble des actions à venir de cette institution lors de l'élection présidentielle.