Le ministère de l'Intérieur doit reprendre ses responsabilités économiques. C'est ce que l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a déclaré hier, lors du Forum du quotidien Liberté. Selon cet universitaire, cette responsabilisation du ministère de l'Intérieur devrait favoriser la synergie entre ce département ministériel et celui en charge des questions économiques et financières. Mais aussi un meilleur agencement, une meilleure «articulation» entre les autorités exécutives (walis) et les élus locaux. Réitérant l'opportunité de «faire une pause» dans le lancement des grands projets, Abdelatif Benachenhou estime ainsi que le développement local doit focaliser l'attention. Il s'agit également, prônera l'ancien premier argentier du pays, d'œuvrer pour un «consensus politique national», un pacte impliquant tous les acteurs économiques et politiques et qui nécessite d' «identifier et d'établir » les droits et obligations de chaque partie. Il s'agira également de «faire attention» concernant les questions identitaires, avance Abdelatif Benachenhou qui estime, dans le contexte des événements du M'zab, qu'il faut «écouter tout le monde», agir avec «sagesse». Or, la forte priorisation, à forte «résonnance politique», des grands projets qui ont accaparé la ressource financière sans impact réel, constitue l'un des grands échecs, des pays arabes, relève l'ancien ministre des Finances. Celui-ci avait établi un état des lieux, un diagnostic précis de la gouvernance des régimes nationalistes arabes, thème d'un ouvrage à paraître prochainement. Explicitant les performances mais aussi les échecs que les régimes arabes (sauf les pétro-monarchies) ont réalisées ou subis, pour des raisons internes ou externes, Abdelatif Benachenhou évoquera notamment la problématique agricole, la poussée ploutocratique et une gouvernance sociétale déséquilibrée. L'opportunité également pour l'ancien ministre des Finances, de dresser un constat sur la dynamique des forces du «changement» et celles de la «restauration» qui marque le contexte arabe actuel, en estimant que «les islamistes n'ont ni les instruments politiques ni les compétences économiques» pour prendre en charge les défis de la transition et du développement socioéconomique. Comme l'hôte de Liberté relève que «le monde arabe n'intéresse plus l'Occident», qu'il s'agisse de l'Europe ou des Etats-Unis dont les priorités géostratégiques ont changé et dont les engagements et investissements restent très faibles dans les pays sud de la Méditerranée. De même qu'Abdelatif Benachenhou estimera que les économies arabes, notamment celles qui se sont inscrites dans «la primo-émergence» (commerce extérieur des ressources naturelles ou des industries manufacturières et basé sur les avantages comparatifs), n'ont pas anticipé les évolutions en Europe, engagée dans une quête d'amélioration de sa compétitivité. Des évolutions que les pays arabes sont pourtant invités à bien comprendre et valoriser à leur avantage. Dans ce contexte, l'ancien ministre des Finances estime tacitement que la politique énergétique poursuivie actuellement doit être repensée, mieux optimisée, davantage «réactive» que lors de la crise pétrolière de 1986. Et cela dans la mesure où notamment de nouveaux acteurs gaziers et pétroliers émergent, d'autres ressources, notamment le charbon, suscitent l'intérêt et d'autant que les pétro-monarchies ont tendance à «internationaliser» leur argent, hors pays arabes. A ce propos, Abdelatif Benachenhou qui estime les disponibilités des Fonds souverains arabes à quelque 1 700 milliards de dollars, considère que l'opportunité d'un tel Fonds en Algérie reste contrainte par l'absence d'institutions qualifiées et le déficit de confiance.