Il y a au moins trois faits qui ont semé la panique dans les rangs des partisans du quatrième mandat et déclenché cette charge violente d'Amar Saâdani contre le DRS et son patron, le général Toufik Mediene. Par Hassane Zerrouky Le premier déclencheur aura été le bref séjour au Val-de-Grâce du chef de l'Etat le 14 janvier dernier. Survenant après son AVC qui l'a tenu éloigné du pays et des affaires durant 80 jours (du 27 avril au 16 juillet), suscitant alors moult commentaires et réactions sur les capacités du chef de l'Etat à poursuivre son mandat à son terme, le second séjour du 14 au 16 janvier, officiellement pour un examen de routine, a pris de court et fait trembler tous ceux qui s'accrochent désespérément au quatrième mandat. Le second fait, sous-jacent aux premiers, ayant pris de court les autorités et les partisans du Président, est l'affaire Sonatrach II. L'enquête lancée par le parquet de Milan, portant sur des malversations et des pots-de-vin de plusieurs milliards de dollars impliquait l'italien Saipem, filiale de l'ENIE, le canadien SNC-Lavalin et Sonatrach : parmi les présumés suspects, des proches du chef de l'Etat, comme Chakib Khelil, l'ex-ministre de l'Energie. Plus que tout autre, Sonatrach II s'ajoutant à Sonatrach I, qui a vu l'incarcération d'une dizaine de cadres dirigeants de l'entreprise tous nommés par Chakib Khelil, qualifiées toutes deux par Amar Saâdani d'affaires «préfabriquées» par le DRS, a ébranlé et fragilisé le pouvoir. A quoi s'ajoutent celle de l'autoroute Est-Ouest et bien d'autres, toutes non encore résolues judiciairement. En lui demandant de rempiler pour un nouveau mandat au nom de la «stabilité», les partisans du chef de l'Etat qui se recrutent aussi bien dans les milieux d'affaires que politiques, redoutent, au cas où il décide de ne pas y aller, de perdre gros ! D'où ces appels à la mobilisation générale —plus d'une trentaine de partis dont la plupart n'ont d'existence que le temps d'un scrutin présidentiel — en faveur du quatrième mandat sur fond de reprise en main du FLN et de l'appareil d'Etat dont le remaniement ministériel du 11 septembre aura été le fait marquant ! Troisième élément, la décision de l'ex-Premier ministre sous Bouteflika, Ali Benflis, enfant du système, ex-secrétaire général du FLN, au parfum du fonctionnement du pouvoir qu'il a loyalement servi, de surcroît un homme propre — ce qui n'est pas rien par les temps qui courent en Algérie — de se présenter en alternative face à un système bloqué, incapable de produire un présidentiable qualifié ! Bien que s'inscrivant dans une logique consensuelle et non d'affrontement, Ali Benflis semble faire peur à ces milieux affairistes dont certains, grâce à la «chqara» selon Abderahmane Belayat, auraient phagocyté le FLN et mis au service de cette bourgeoisie compradore, qui tire sa richesse de sa position d'intermédiaire avec les milieux financiers internationaux et le commerce informel qui avoisine ou dépasse les 30% du PIB algérien ! Ajoutons, que cette crise se déroule dans un climat de tensions sociales et identitaires exacerbé (Ghardaïa) et d'une situation économique et financière préoccupante avec un déficit budgétaire record de plus de 18% du PIB alors que le taux moyen admis se situe autour de 3%, et où le tout-pétrole tient lieu de politique de développement ! Cette crise, on l'a écrit dans le Soir d'Algérie, a lieu dans un contexte régional radicalement transformé (Tunisie, Libye, Egypte) mais — c'est vrai pour la Libye et le Mali — elle fait peser de sérieuses menaces sur le pays ! Pour conclure, si on ne sait pas comment va se dénouer cette crise au sommet du pouvoir, constatons un fait : la justice ne s'est pas autosaisie de cette affaire comme elle l'avait fait pour les journalistes et les journaux durant le premier et second mandat de Bouteflika dès lors que des articles de presse pointaient certaines affaires !