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C'est ma vie
Cogitations d'écolier
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 02 - 2014

Mon fils a 11 ans. Comme tous les enfants de son âge, il est très prolixe, s'intéresse à tout ce qui se passe autour de lui et pose énormément de questions, parfois fort embarrassantes. J'essaye, sans tabous, de satisfaire sa curiosité, bien que je n'y arrive pas à tous les coups.
Au cours de l'année 2007, je me résolus à prêter une attention plus soutenue à ses préoccupations à cause de son examen de passage en 5e. Dès la fin de l'hiver cette année-là, l'élection présidentielle en France avec le duel Ségolène-Sarkozy monopolisèrent progressivement notre attention.
Tous les membres de la famille en parlaient non sans une certaine ardeur à l'instar de nombreuses autres personnes de notre entourage. L'ambiance fiévreuse qui régnait en France avait rapidement dépassé les frontières pour venir s'installer dans nos foyers en Algérie grâce à la magie de la télévision. Il faut dire aussi que les débats étaient passionnants et les enjeux réellement cruciaux.
Comme nous tous, mon fils a suivi cette élection de bout en bout, s'intéressant à tous ses aspects et ne manquant pas d'apprendre au passage plusieurs couplets de la fameuse chanson de Diam's. Chaque fois qu'il en avait l'occasion, il donnait son point de vue, posait des questions, s'immisçait dans la discussion des grands... avant de reprendre son jeu là où il l'avait laissé. Au fil des jours, ses questions, déjà fort pertinentes au début, sont devenues de plus en plus précises, mordantes même. L'inquiétude que suscitait le candidat de la droite, en France et ailleurs dans le monde, semblait s'être emparée de lui aussi.
C'est alors qu'il est devenu pensif, l'air absent. Ses questions, d'habitude si directes, ont perdu de leur spontanéité, elles sont devenues plus réfléchies, calculées, pourrai-je dire, comme s'il craignait qu'on ne lui dît pas tout, qu'on lui dissimulât quelque vérité choquante pour un enfant de son âge. La dureté qui se dégageait de certains discours populistes semblait l'effrayer, et je pense qu'il a fini par admettre qu'il ne serait sans doute jamais le bienvenu en France. Mais il se gardait bien de le dire ni même d'y faire allusion préférant plutôt se réfugier dans ses jeux à l'abri du monde des adultes, somme toute, effrayant.
Ce jour-là, je crois qu'il a mûri d'un cran supplémentaire. Plus tard, il comprendra que les Français comme tous les hommes de la planète ne sont pas toujours disposés à partager ce qu'ils croient être leur bonheur ici-bas. En tant que père, j'observais attentivement ce bouillonnement intérieur et constatais que de nouvelles questions surgissaient peu à peu. Il voulait savoir dans quel pays étaient fabriquées les consoles de jeu, qui produisait le chocolat, le bon chocolat bien sûr, quelles étaient nos grandes réalisations en Algérie depuis l'indépendance, que fabriquait-on de particulier et qui le faisait, etc., etc. ? Ainsi donc, plus que la question d'être ou de ne pas être le bienvenu en France, il craignait maintenant qu'un gouvernement de droite, hostile à notre pays et aux étrangers d'une manière générale décide unilatéralement de ne plus vouloir, nous vendre toutes ces bonnes choses dont il raffolait et sans lesquelles la vie n'aurait plus aucun sens à ses yeux.
Allez expliquer à un gosse de 11 ans qu'il pouvait se passer de jeux vidéo ! Contraint de devoir mettre fin à ses appréhensions malvenues à cause de son examen de 5e, je m'arrangeais pour être seul avec lui et déclarais sans rougir qu'avec notre pétrole, nous pouvions acheter ce que nous voulions, en France et partout ailleurs dans le monde !
- Oui ! affirmais-je sur un ton péremptoire feint, bien sûr, notre pays est très riche, nous sommes riches, nous avons du pétrole !
Ces allégations aux relents d'autosatisfaction primaire, ridicules, il faut l'admettre, ne me plaisaient pas spécialement, mais que lui dire d'autre pour mettre fin à son tourment ? En tout cas, il semblait adhérer à mon point de vue, et c'était pour moi l'essentiel à ce moment-là. Pourvu qu'il ne soit pas perturbé lors de son examen. Quand l'élection française eut enfin pris fin, j'étais franchement soulagé... pour mon fils bien sûr.
Dommage pour le beau spectacle et la belle Ségolène ! Mais je n'étais pas encore arrivé au bout de mes peines pour autant et les affirmations que je venais de lui servir allègrement sur nos richesses et notre pétrole allaient brutalement se retourner contre moi comme un boomerang foudroyant à peine quelques semaines plus tard. En se rendant tous les jours à son école, il s'est rendu compte que d'autres élections allaient avoir lieu dans son propre pays cette fois-ci. Il ne pouvait pas l'ignorer puisqu'il en était le premier bénéficiaire : une semaine de vacances aux frais de la princesse pour cause de réquisition des écoles durant laquelle il fera le plein de jeux vidéo. Bien qu'à la maison, nous ne nous intéressions guère à ces élections parlementaires, devenues avec le temps une banale formalité pour les postulants eux-mêmes dont nous pensions, peut-être à tort, qu'ils étaient désignés d'office, lui semblait vouloir comprendre. Le peu d'intérêt que nous leur manifestions aiguisait davantage sa curiosité, et je le voyais parfois prêter une oreille, distraite il est vrai, à certaines déclarations télévisées de candidats à la députation que nous regardions malgré nous pour ne pas rater le bulletin météo décalé à dessein par des programmateurs ingénieux pour cause d'audimat.
Il nous demandait de temps à autre d'augmenter le son ou de parler moins fort, mais il ne semblait pas comprendre grand-chose, car il ne quittait pas entièrement son jeu. Moi-même n'y comprenais rien du reste. Autant que je m'en souvienne, les mêmes incantations lassantes étaient ressassées depuis des décennies par des orateurs interchangeables qu'on ne reverra qu'à la prochaine consultation populaire.
Je remarquais cependant chez mon fils une inquiétude refoulée. Le regard fuyant, il se murait dans le silence, perdant progressivement la pétulance des enfants de son âge. Je décidais d'agir sans plus tarder. Il n'était pas question que le «choc Sarko», si je puis m'exprimer ainsi, se reproduise une seconde fois d'autant que l'examen de 5e se rapprochait inexorablement. Je menais une véritable enquête, interrogeais les autres membres de la famille, l'espionnais un peu pour la bonne cause. Finalement, j'engageais le dialogue avec lui et découvris rapidement la cause de son désarroi. Il était convaincu, le môme, que l'Algérie n'aurait pas une seule goutte de pétrole dans une vingtaine d'années.
Il avançait des arguments inédits et semblait même détenir des informations ! Un de ces parlementaires en aurait-il fait son thème de campagne à mon insu ? Ou bien est-ce un maître d'école zélé ? Allez savoir ce qu'on leur raconte à l'école ! Déjà indésirables hors de nos frontières, voilà qu'on allait sans doute devenir misérables à l'intérieur de celles-ci !
Le petit malin avait certainement calculé son âge à ce moment-là et commençait déjà à paniquer. Sans pétrole, c'est la vie de galère assurée. Adieu les consoles de jeu et les délicieux chocolats, et bonjour la misère ! Je dois dire que j'étais mal à l'aise devant la mine renfrognée du petit. J'étais directement interpellé car il était en train de me dire sans détour aucun, que moi, enfin les gens de ma génération, avions fait preuve d'égoïsme en pompant le pétrole sans vergogne, épuisant les réserves et appauvrissant par là même un pays censé être riche ! Constat impitoyable et sans nuances qui m'a laissé sans voix. J'étais le coupable et je ne pouvais pas me dérober.
Il me fallait donc réagir, en tant que père s'entend. Je ne pouvais pas laisser mon fils dans cet état, avec ces idées épouvantables dans la tête, à quelques semaines seulement de son premier examen scolaire. Je m'attelais donc à lui trouver une explication convaincante, même s'il fallait l'inventer de toutes pièces.
L'essentiel est qu'il retrouve sa sérénité et chasse de son esprit ces idées noires pour se consacrer entièrement à ses révisions.
Au besoin, nous chercherons d'autres justifications plus tard. Alors, il y eut ce dialogue entre nous :
- Le pétrole, mon fils, est une richesse qui s'est transformée en malédiction pour notre pays. C'est à cause de cette richesse que nous nous disputons sans cesse, que nous nous faisons parfois la guerre, que nous ne travaillons pratiquement plus et que nous ne savons plus rien faire de nos mains, pas même un clou ou un petit tournevis.
Offusqué par ma dernière allégation, le petit m'interrompit sur-le-champ.
- Et ces magasins en tous coins de rue qui regorgent de tournevis, de marteaux et de biens d'autres produits fabriqués en Algérie ? Combien de fois m'as-tu envoyé le week-end t'acheter un outil ou un produit pour bricoler à la maison ?
- Je suis sincèrement désolé de te décevoir, mais nous ne sommes que de pitoyables importateurs ; au mieux, nous ne faisons qu'assembler les pièces qui sont créées par d'autres... Les machines qui fabriquent les clous, les marmites ou les sachets en plastique, nous les importons aussi comme le lait ou l'huile que nous nous contentons de mettre en bouteille. Ma réplique cinglante était impitoyable, je le savais, mais je lui devais la vérité, me semblait-il, car il ne fallait pas le nourrir d'illusions, d'autant que de mon point de vue, les gestionnaires de nos richesses n'avaient franchement pas de quoi être fiers. Il se tut et ne dit plus un seul mot. Je le sentis blessé, peut-être même m'en voulait-il. Il me fit de la peine.
«Tant pis !», me suis-je dis. Mais il était hors de question de rééditer le comportement criminel de nos augustes gouvernants qui nous ont gavés de mensonges odieux depuis l'indépendance. Je poursuivis malgré tout mon discours sentencieux :
- C'est encore à cause de cet or noir qu'il y a des problèmes dans notre pays, que ceux qui nous gouvernent passent leur temps à comploter, à se jeter des sorts et des peaux de banane, à conspirer au lieu de faire leur travail. Ils ne veulent pas partager les dollars du pétrole et ne quitteront leurs fauteuils, même roulants, que pour une place au cimetière. Je fis une pause pour évaluer l'impact de mon discours tragique sur lui et m'assurer qu'il m'écoutait vraiment avant de poursuivre :
- Imagine un instant, mon fils, qu'il n'y ait plus de pétrole dans le sous-sol du Sahara. Ces gens qui nous gouvernent malgré nous n'auront plus aucune raison de se battre ; ils n'auront peut-être même plus envie de nous gouverner... Ses yeux s'arrondirent.
- Si, si ! rétorquais-je sûr de moi, c'est même très probable. Allez, je te parie trois kinder surprise qu'ils préféreront quitter le pays, devenu pauvre, pour aller vivre là où ils ont caché les dollars volés.
Il releva les yeux, subitement intéressé. La perspective de grandir dans un pays sans malandrins aux commandes ne semblait pas lui déplaire du tout. Je poursuivis, satisfait de ma performance :
- Ils nous laisseront enfin seuls et nous, nous serons bien obligés de survivre, n'est-ce pas ?... Alors, nous nous mettrons au travail, et nous apprendrons à fabriquer les objets dont nous avons besoin parce que nous n'aurons pas assez d'argent pour tout acheter à l'étranger. Nous réapprendrons à fabriquer des tournevis et bien d'autres choses encore. Nous ne nous battrons plus entre nous, puisque nous serons tous occupés à travailler. La vie deviendra bien plus simple.
En parlant, je l'observais et guettais l'expression de son visage. Il écoutait sans broncher, mais je le voyais se détendre progressivement. Quand je lui demandais son avis, il changea immédiatement de sujet. Je pense que ma démonstration lui paraissait plausible, mais il demeurait quand même circonspect. Il a dû la mettre entre parenthèses quelque part dans un coin de son petit cerveau en attendant de pouvoir la vérifier quand il sera plus grand. Pour moi, le pari était gagné.
Ses traits se sont complètement détendus, l'angoisse qui le terrassait s'est dissipée et il est retourné à l'insouciance de son âge. Ainsi, pourra-t-il se préparer sereinement à son examen de 5e. Bon courage petit.


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