Il était orphelin de père, je le savais déjà, et il vivait avec sa mère et une sœur encore célibataire, il en avait trois autres mariées. Ce qui m'a étonnée, c'est le fait que sa sœur m'ait tout de suite accueillie avec des remarques désobligeantes, m'informant qu'alors que son cher grand frère passait du bon temps avec moi, elle, était restée cloîtrée depuis le décès de son père. Par Katya Kaci J'appris alors que Yanis avait obligé ses sœurs à rester à la maison juste après la disparition de leur père. Il était par ailleurs autoritaire et revêche et ne rentrait à la maison que pour donner l'ordre qu'on lui serve à manger ou qu'on lui prépare ses vêtements. Il était craint et respecté, et tout le monde se soumettait à son autorité et très rapidement, je réalisais qu'il était pareil avec moi. Je remarquais d'abord qu'il ne m'appelait jamais par mon prénom et qu'il me lançait ses ordres directement avec un simple «Hé !». Il était aussi avare de compliments: ni mes plats ni mes tenues vestimentaires et encore moins la façon dont je me pomponnais ne lui plaisaient, il m'abreuvait de remarques sur tout ce que je faisais, me criait d'aller me changer parce j'avais mis tel ou tel vêtement qui laissait entrevoir un peu de ma féminité, et lorsque je me maquillais, il me disait carrément que j'avais l'air d'une fille de mœurs légères et qu'il n'avait pas à subir cela sous son toit. Au bout de quelques mois, j'ai craqué, m'étant disputée avec sa sœur qui m'avait lancé une énième pique relative à mon soi-disant passé de fille facile. Je fut déçue et révoltée de le voir prendre le parti de sa sœur disant que j'étais une menteuse et que je voulais semer le trouble dans sa famille. Sa mère, ses sœurs et lui s'étaient tous ligués contre moi et je ne savais plus quoi faire pour sortir de cet enfer. J'appelais donc mon père et lui demandais de venir me ramener à la maison et c'est alors que je vis la face de mon bourreau. Ne digérant pas cet acte défiant envers l'homme puissant qu'il était, Yanis m'avait alors battue, rouée de gifles et d'insultes et m'avait prévenue que si j'en disais quelque chose à mes parents, il demanderait directement le divorce et que je ne le reverrais plus. Il m'a également dit devant sa mère et ses sœurs qu'il lui serait tellement facile de trouver une autre fille plus belle et mieux élevée que moi. Je partis donc avec mon père et restais à la maison une semaine au bout de laquelle on a réussi à renouer. Mon époux s'était confié à mon père, lui disant que la pression du travail et le fait qu'il était seul responsable de sa famille m'obligeait, moi sa compagne, à le soutenir dans la difficulté et non à céder aux provocations de sa sœur qui ne tarderait pas à se marier à son tour. Mes parents me décidèrent donc de repartir avec mon époux, m'assurant que les choses ne sauraient tarder à s'améliorer, sitôt cette sœur frustrée et un peu méchante, mariée. Nous reprîmes donc la vie à deux, au sein d'une famille qui était restée froide et distante, ma belle-mère me pria de faire cuisine à part dans le but, disait-elle, d'éviter les ennuis. Je m'occupais donc de mes tâches ménagères, préparais à manger et me faisais belle pour un mari tout aussi insensible à mes charmes qu'un étranger. Je tenais pourtant le coup et gardais la face notamment avec mes parents que je ne voulais plus embêter avec mes problèmes. Je vivais une vie banale, un quotidien sans intérêt et sans aucun divertissement ; je ne sortais jamais sans mon époux, et les seules destinations permises étaient médicales ou familiales. Je tombais enceinte de mon fils aîné et passais une grossesse fatigante, et jamais mon époux ne céda à l'une de mes envies, même pas à celle d'un peu de lait caillé que j'ai voulu boire et qu'il m'a refusé, me disant d'arrêter mes chichis d'enfant gâtée. Arrivée à terme, j'accouchais de mon petit Sofiane que Yanis prénomma sans même me demander mon avis. Un ami lui avait suggéré ce prénom et il l'avait directement enregistré sur les papiers du petit. J'étais déçue, j'avais en tête le prénom de Benjamin depuis très longtemps mais je n'en ai rien dit, sachant d'avance que je n'aurais pas gain de cause et que de toutes façons, les choses étaient faites ainsi. L'arrivée au monde de mon petit garçon réussit cependant à m'apporter de la gaieté et du bonheur, je le regardais grandir, s'épanouir et devenir un petit garçon intelligent et curieux. Mes parents me rendaient visite plus régulièrement et même mon époux avait un peu changé. Il me faisait moins de remarques sur ma façon de tenir la maison et la présence de notre enfant faisait qu'on partageait quelques moments de rires ensemble. Du côté privé, les choses n'avaient pas autant changé. Ma prise de poids suite à la grossesse a poussé mon époux à renouer avec les remarques désobligeantes. Il me disait que j'étais trop grosse et qu'il fallait faire un régime en urgence, il ne me touchait plus et se contentait de se glisser dans le lit conjugal très tard la nuit. J'étais délaissée et dévastée par tant de méchanceté gratuite par cet homme à qui j'avais tout donné et pour qui j'avais sacrifié toute ma vie et ma jeunesse. Mon fils était la seule réussite de mon couple, et je faisais tout pour que dorénavant le seul qui compte à mes yeux soit mon bébé. Aujourd'hui, et après sept années de vie commune, les choses sont tout aussi affligeantes ; mon époux ne peut s'empêcher de me faire des remarques sur tout ce que je fais, jamais un mot gentil ne sort de sa bouche, et les seules fois où je le vois me sourire sont lorsque je tiens dans mes bras mon fils. Sofiane va à l'école et est devenu un petit garçon épanoui et sûr de lui ; comme moi à son âge mais lui veut devenir cuisinier. Mon couple est passé par de très nombreuses crises, j'ai failli demander le divorce à plusieurs reprises mais c'est en pensant à mon fils, à la vie qu'il aurait sans son père et sans ses repères que je me suis à chaque fois résignée à rester. Je ne crois plus en l'amour, j'estime que ce sentiment qu'on prétend noble et inestimable ne saurait exister sans la générosité et le partage. Aimer quelqu'un ne signifie pas qu'on veuille l'accaparer, le dominer et lui ôter tout ce qu'il avait avant. L'amour doit permettre d'acquérir plus de droits, plus de liberté, de se sentir plus belle, plus complète et non l'inverse. Je regrette vraiment d'avoir succombé à mon cœur, d'avoir arrêté mes études, de m'être engagée dans une existence qui ne m'était pas destinée, mais que faire, je suis seule fautive, je dois assumer mes choix et tout faire pour qu'à l'avenir, de telles erreurs ne se reproduisent plus avec les êtres qui me sont chers. n