Que ne ferait pas l'Europe qui se dit en crise pour équilibrer sa trésorerie et relancer son économie ? La mise en vente de la nationalité pour les étrangers non-résidents bat son plein au sein des pays membres de l'Union européenne, c'est à qui mieux mieux, et on ne recule devant rien pour attirer l'argent des «nouveaux» riches des pays du Sud. Qu'importe la moralité des demandeurs et l'origine de leurs fonds. C'est là un nouvel instrument de captation de fonds extérieurs. Toutes les formules y passent : «permis de résidence pour activité d'investissement», visas d'entrepreneur et d'investisseur, etc., prétendants audit «visa gold». A Malte, on peut désormais obtenir un passeport moyennant 650 000 euros. Le Premier ministre maltais parle déjà de «célébrités», de grands noms de la jet set et du Bottin mondain qui se presseraient pour obtenir un passeport et la nationalité de l'île. Pour y parvenir, une seule condition : être riche. Jeudi 16 janvier 2014, le gouvernement maltais s'apprêtait à lancer ce qu'il appelle le «Malta Individual Investor Program» (IIP), un dispositif permettant à quiconque d'acheter un passeport maltais, obtenant ainsi la nationalité de ce pays membre de l'Union européenne (UE) contre quelque 650 000 euros. Le candidat à la nationalité devra également acquérir une propriété de plus de 350 000 euros — ou louer une résidence pour 16 000 euros pendant cinq ans — et s'acquitter de 150 000 euros d'investissement dans un instrument financier approuvé par le gouvernement de La Valette. Sa dette, par exemple. Un passeport pour la famille à prix soldés Le nouveau citoyen de l'île de Malte peut ensuite obtenir un passeport pour sa famille à prix soldés : 25 000 euros pour ses enfants mineurs et 50 000 euros pour les majeurs, l'époux (se), les parents et beaux-parents. Une fois bourse déliée, l'espace Schengen leur sera ouvert. Néanmoins, l'île est le premier pays à promettre une nationalité sans y accoler aucune obligation de résidence effective sur le territoire. A Malte, on estime que la plupart des Etats ont des programmes plus agressifs. Le Portugal, l'Espagne, Chypre et la Grèce ont des régimes pour accorder des permis de résidence sous certaines conditions d'investissement. Les Pays-Bas ont fixé la barre la plus haute à 1,25 million d'euros d'investissement. La Lettonie, la Hongrie sont moins chères : 250 000 euros. Le Royaume-Uni en tête pour attirer les riches étrangers Dans la bataille que se livrent les pays occidentaux pour attirer les investisseurs et les entrepreneurs des pays émergents, Londres marque des points. Les obtentions de visas d'entrepreneur et d'investisseur, qui sont destinés aux non-Européens et ont été aménagés en faveur des plus riches par le gouvernement de David Cameron se multiplient. La barre des 1 000 personnes se voyant accorder chacun de ces sésames est en train d'être franchie. Jill Turner, qui dirige l'équipe immigration intra entreprise du cabinet d'avocats Pinsent Masons, évoque même une sorte de «rêve britannique» comme il y a un «rêve américain». «Il y a vingt ans, ces gens rêvaient d'obtenir la Green Card pour aller dans la Silicon Valley (Californie), mais aujourd'hui, Londres est perçue comme aussi excitante», explique-t-elle au quotidien français Les Echos (16 janvier 2014). Selon elle, le succès de ces visas s'explique, certes, en partie par la fermeture d'autres voies d'immigration pour les non-Européens. Mais elle ajoute que les Chinois, les Pakistanais, les Russes et les Américains sont aussi attirés depuis plus d'un an par la vigueur retrouvée de l'économie ainsi que par un environnement entrepreneurial favorable Outre-Manche. Julia Onslow-Cole, qui dirige le département immigration chez «PwC Legal», fait le même constat. Elle s'attend à une poursuite de la tendance «car le monde reste incertain, et ces gens sont attirés par la stabilité politique et économique du Royaume-Uni». Mais au Royaume-Uni, ces visas ne sont pas sans créer quelques controverses. Les visas d'entrepreneur, accordés à ceux qui sont prêts à investir au moins 250 000 euros dans une entreprise, ont attiré des fraudeurs. L'inspecteur en chef des douanes, John Vine, a ainsi dénoncé en septembre dernier le manque de rigueur dans le traitement des dossiers par le ministère de l'Intérieur. Il a expliqué que beaucoup de ces visas étaient indûment accordés à des étudiants souhaitant rester en Grande-Bretagne. «Il fallait prouver qu'on avait l'argent à disposition mais il n'y avait pas de contrôle pour savoir s'il était effectivement investi», note un avocat. Depuis janvier 2013, les candidats à ce visa doivent détailler un «businessplan», ce qui aurait permis de réduire substantiellement les candidatures frauduleuses. Cela dit, la concurrence est récemment devenue plus dure pour attirer l'argent des riches étrangers — entrepreneurs ou investisseurs — et de leurs familles. Au point que les députés européens doivent voter aujourd'hui pour une «résolution» qui demande à la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, de se pencher sur la façon dont les Etats monnaient des permis de résidence ou même des nationalités à des citoyens de pays tiers. La citoyenneté peut-elle se vendre ? A priori, la Commission européenne n'a aucune voix au chapitre. Seuls les Etats sont compétents pour dire qui sont leurs résidents et citoyens. Mais la volonté de Malte (400 000 habitants) de donner la nationalité maltaise et, donc, l'accès aux 28 pays européens contre 650 000 euros a mis le feu aux poudres et profondément choqué. «Une citoyenneté ne se vend pas», rappelle une députée française. Dans leur résolution, les députés rappellent que, si les Etats sont souverains, ils sont censés respecter les valeurs communes européennes où la nationalité n'est pas donnée en fonction de la richesse de la personne. Malte se défend en soulignant que son programme est limité à 1 800 demandes, soit une goutte d'eau dans le flot des nationalisations des 28 pays membres. Et de promettre une vigilance absolue pour vérifier la moralité des demandeurs et l'origine de leurs fonds. Or, avec le principe de libre circulation des personnes, un passeport pour l'un des pays de l'Union équivaut à un passeport pour 28 Etats. Hier soir, la commissaire à la Justice, Viviane Reding, a donc rappelé aux Etats membres qu'ils devraient donner la nationalité à des personnes qui ont un lien réel avec leur territoire et qu'ils doivent le faire en pensant à l'engagement d'une coopération sincère entre les Etats membres. Dans la plupart des pays, une condition de résidence est toutefois réclamée. Au Royaume-Uni, il faut près de cinq ans de présence pour obtenir la résidence permanente, sauf lorsqu'on a investi plus de 5 millions ou créé au moins 10 emplois, auxquels cas trois ans suffisent. Enfin, il faut encore un an de résidence permanente pour devenir citoyen à part entière. Une carotte qu'on agite pour attirer les capitaux étrangers En Espagne et au Portugal, à l'instar d'autres pays d'Europe du Sud comme Chypre, le permis de séjour est devenu une carotte qu'on agite pour attirer les capitaux étrangers. Et ça marche. Depuis le lancement en octobre 2012 du permis de résidence pour activité d'investissement», qui, comme son nom l'indique, offre un visa aux étrangers qui investissent dans le pays, le Portugal a capté 307 millions d'euros. L'Espagne a adopté un système similaire fin septembre 2013 et n'en a pas encore divulgué les résultats. C'est là un nouvel instrument de captation de fonds extérieurs, dont les deux pays, sortis de la récession en 2013, ont cruellement besoin pour pallier l'effondrement de leur demande interne. Laquelle commence à montrer de timides signes de reprise. Il s'agit aussi pour l'Espagne d'enrayer durablement la fuite de capitaux subie en 2012, qui s'est résorbée depuis avec une hausse de 18% des investissements directs entre janvier et septembre 2013, avant la création du visa pour investissement. Les prétendants audit «visa gold» portugais doivent investir au moins 1 million d'euros dans le pays, acheter des biens immobiliers d'une valeur minimale de 500 000 euros ou créer au moins dix postes de travail. Où figurent les «riches» Algériens dans cette ruée vers l'achat de nationalités en Europe ? L'investissement doit avoir une durée de cinq ans minimum. A ce jour, le gouvernement portugais a accordé 478 visas de ce type. Les Chinois en sont les premiers destinataires, séduits par la liberté de circulation et de travail au sein de l'espace Schengen que permet ce visa. Ils sont suivis, loin derrière, des Russes, des Brésiliens et des Angolais. L'engouement pour l'option immobilière est tel que, d'après l'Association portugaise d'agents immobiliers (Apemip), les «visas gold» ont fortement contribué au redressement du marché immobilier observé fin 2013. De quoi faire rêver l'Espagne, dont l'immobilier reste empêtré dans la crise, lesté par la présence de plusieurs centaines de milliers de logements neufs sans acquéreurs. #Le gouvernement espagnol propose d'ailleurs lui aussi un permis de séjour en échange de l'achat de 500 000 euros d'immeubles, un montant rapidement atteint dans les grandes villes comme Madrid. Les étrangers qui investissent 2 millions d'euros en titres de dette publique ou 1 million en actions d'entreprises espagnoles ou même en dépôts bancaires peuvent aussi prétendre au visa. Dernière option pour les candidats étrangers : avoir un projet créateur d'emplois, contribuant significativement à l'économie locale ou porteur d'innovation. Le visa pour investissement, valable un an, donne droit à un permis de séjour de deux ans renouvelable. Au Royaume-Uni, une commission gouvernementale doit faire des recommandations le mois prochain pour que l'argent investi bénéficie davantage au pays et à son économie. Les visas d'investisseur pourraient être mis aux enchères ou on pourrait demander aux candidats d'investir dans des hôpitaux ou des écoles. Où figurent les «riches» Algériens dans cette ruée vers l'achat de nationalités européennes ? Une chose certaine, ils sont de plus en plus nombreux, et ce, depuis au moins une dizaine d'années à acquérir au prix fort une nationalité d'un pays européen, blanchissant très souvent l'argent mal acquis et qui ont eu toutes les facilités internes à faire fuir des capitaux à l'origine douteuse. Hypocrisie des Européens qui ferment les yeux sur l'origine de ces fonds, car après tout, ils récupèrent d'une main les pots-de-vin qu'ils ont versé de l'autre main.