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Ecrit sous la potence du quatrième mandat
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 04 - 2014


Par Mohamed Chebila, moudjahid
Mohamed Chebila, dans ce texte, «écrit sous la potence du quatrième mandat», parle sans complaisance du Président-candidat à sa propre succession et vitriole ses fondés de pouvoir. La narration oscille constamment entre présent et passé avec un sens aigu de la mise en apposition. L'exercice de pédagogie auquel il nous convie lorsqu'il commente, quelquefois avec une mortelle ironie, les évènements qui ont marqué ce mois de mars 2014, ne laissera personne indifférent.
Petit matin de gueule de bois. L'homme rempile. Je tourne en rond dans ma chambre, rompu comme si j'avais couru le marathon. Sur le guéridon, des journaux pêle-mêle. Panorama d'une semaine particulière. Un titre les résume tous : «Il a osé !» Le silence alentour me renvoie des bruissements anciens. En face, accrochées au mur, des photos jaunies. Je regarde hébété les visages de compagnons qui ne sont plus. Leurs regards sont pleins de reproches et le miens, embué par un immense sentiment d'humiliation, un immense sentiment de honte, ose à peine les croiser.
A l'époque, je me gaussais un peu de Hama Chouchène. Il photographiait à tout-va. Hama utilisait son «6/9 petit moyeu» avec une incroyable férocité. C'est grâce à cette manie de Hama que ses compagnons ont pu garder quelques souvenirs du maquis. Le seul jour où Hama oublia de fixer, pour l'histoire, une scène de notre vie quotidienne fut celui où un méchant aviateur, du haut de son impunité, lui transperça la poitrine avec une balle de 7/62. C'était, je crois le 25 novembre 1956. Photos anciennes que je ne regardais presque plus et qui m'interpellent ce matin : bivouacs hétéroclites. Moudjahidine affalés çà et là après une journée de peine. Treillis épousant les corps. Pataugas révélant la moindre aspérité du pied. Mausers au repos. Para-soliers ébouriffés d'incendies.
Petites sœurs héroïques courant vers la crête, malgré la mitraille, attentives à ne pas perdre une goutte du précieux liquide qu'elles transportaient dans des bidons en fer blanc.(1) Plus bas, dans l'angle, malgré l'ombre projetée par le rideau, une plaine assagie après la retraite des GMC.(2) Elle est là, avec ses moindres aspérités, bulbant de la chair de ma mémoire.
Elle est située à l'envers du monde actuel où le grandissime règne depuis quinze ans.
Le clair-obscur, dans la pièce aux volets mi-clos, vêt de couleurs et de sons vrais ses moindres méandres. Image encore, plus poignante celle-là, saisie, volée à l'instant fugace, demeurée indélébile dans ma mémoire, la mise en terre d'un pauvre corps brisé par une tranche d'obus, compagnon laissé au bord du long chemin, au bord de la longue nuit. Je me rappelle la laconique oraison funèbre de
Boumaaraf : «Eli aach, aach saïd, ou li mét, mét chahid !» «Essaada». Le bonheur, tu parles !
En boucle, le son assourdi de la T.V, le préposé aux sourcils épilés et retracés au khol, commis aux dithyrambes, «litanise» les vertus du grand moudjahid sans lequel le ciel nous tomberait sur la tête. J'ai gardé «le quart» en fer blanc de Boumaaraf. Un petit objet plein de plaies et de bosses, legs inestimable d'un rescapé de la huitième katiba. J'ai gravé au flanc de la relique une date, 12 février 1958, un autre jour sanglant des mille et une batailles de Souk Ahras.
Le jour où le feu du ciel ligué à celui de la terre a consumé cent vingt de mes compagnons. Mon moka, dans le vieil ustensile évapore, soudain, une odeur ancienne. Le café odoriférant du bivouac imprègne mes muqueuses. Le téléphone sonne. Je sais qu'il n'arrêtera plus de sonner. Je regarde machinalement mon vieux «bayard». Il marque 6h piles. Ils se lèvent tôt à Souk Ahras. Ils ont gardé cette habitude du temps où le soleil se levait du côté de Souk Ahras. Je suis né à Alger. Je suis devenu de Souk Ahras, de hautes luttes.
Particule conquise par la sueur et par le sang. Particule écrite en majuscules. Ainsi, tel combattant est de Chélia, tel autre est d'Ahmar Khédou, de Bouarif ou de Sidi-Ali-Ness. d'Ouled-Béchih ou de Beni-Salah, hauts lieux de l'ALN. Lieux mythiques, lieux de grandes convergences de tous les Chaouis d'Algérie, qu'ils soient par l'humus et l'argile ou par la légitimité du sang versé. (Hachek, monsieur le Premier ministre).
Donc, le propriétaire de tous les leviers de l'Etat publie son acte de propriété. «JE RESTE ! Je parcours en diagonale quelques indignations de journalistes. Courageux journalistes. Honneur de l'Algérie. Ils ont été longtemps les seuls à se battre. J'éteins le téléphone. J'étouffe. Je me dirige vers la porte extérieure en me heurtant dans l'ombre aux meubles obscurcis.
La villa Boumaaraf
Vendredi. Alger est vide L'asphalte brille. Une pluie fine hachure les façades. Les trottoirs éventrés font leur énième lifting. Je me retrouve, sans l'avoir prémédité, devant la «Villa-Boumaaraf». Je gare la voiture de l'autre côté de la rue. Je ne quitte pas le siège. Un souvenir remonte, le matin où le colonel Bouglez, le corps rigide, recouvert par le drapeau dessiné et tissé par ceux de ma génération, le front d'ivoire offert au regard des compagnons venus à son cercueil appeler pour leur vieux chef la pitié de Dieu. Cette maison, quelquefois lieu de mémoire, où se sont arrêtés avant l' ultime voyage, les grands chefs de l'ALN, ce temple où les moudjahidine, les moudjahidine anonymes immergés dans le pays profond, oubliant les misères de l'âge, les jours de grand deuil, convergent pour se souvenir et laisser libre cours à leur émotion, saura-t-il inspirer ceux qui y siègent, en leurs noms, afin qu'ils disent, haut et fort, «ya ness, où va l'Algérie ?». Heureux ceux qui sont morts. Ils ne verront pas ce que, impuissants et le cœur brisé, nous voyons. «Eli aach saïd, ouli mét, mét chahid.» «Le bonheur.» J'y croyais encore, lorsqu'en 1966, chargé des Relations extérieures du parti, je baptisais la grande villa mise à la disposition de mes services du nom du glorieux chahid.
Que puis-je répondre à ceux qui m'interrogent et qui s'indignent des allégeances impudiques démontrées le jour de la rotonde.(3) Par les séniles, les repentis, les sans-honte, les insatiables de la prébende, les petits seigneurs de la haute ville qui, au premier rang, réduit à la piètre hauteur de l'estrade, eux qui ont connu d'autres altitudes, applaudissaient à la criée des saltimbanques. Abus de faiblesse ? Non abus de largesses! Ceux qui m'appellent de là-bas, qui s'offusquent face à l'impensable, ce sont ceux qui, lorsque l'hydre terroriste ravageait l'Algérie, encore une fois au rendez-vous de l'histoire, ont guidé nos jeunes fils de l'ANP qui traquaient les assassins dans les dédales compliqués des djebels. Ils savent que ce qui est remis en cause aujourd'hui, par le silence tonitruant de l'armée face à la privatisation arrogante de l'Etat et de ses moyens, le triomphe des clans de l'argent sale et la disparition de l'éthique et de la morale, c'est le contrat de confiance entre le peuple et l'institution à laquelle ils ont consacré leur vie.
Le zéro et l'infini
Ils croient là-bas, à Souk Ahras, à Ouenza, à Annaba, à Tébessa que, parce que je vis à Alger, je suis forcément dans les secrets des dieux. Leurs indignations sont inénarrables. Le quatrième mandat que veut s'arroger un président, définitivement malade, les assomme. Ils ragent. Ils imaginent des colères divines qui viendraient rendre justice à leur pays. Je ne sais quoi dire à ceux qui pensent encore que l'armée est celle-là qu'ils ont créée. Des interrogations éperdues fusent, refus têtu d'admettre l'impensable : «Pourquoi Gaïd Salah tolère-t-il un tel acte contre nature ?». «Pourquoi les jeunes sont-ils indifférents ?» «Pourquoi les généraux insultés se taisent ?» «Tu nous as, à chaque fois, dit que le général Toufik défendra toujours l'Algérie. Où est-il ?». «Mnin khrej hadha Amara Benyounes ?». La tristesse de ces vieux compagnons passe en moi, tristesse épaisse et lourde qui fait soudain sentir le poids de l'immonde et impudique loi du plus fort. Les généraux !... Certaines épaulettes renforcent la carrure et fond croire à la bonne étoile. Bouteflika a pris son temps pour les ternir. Nezzar ne parle plus. Il a sous-traité son silence à un engrenage patient et précis. L'horloge suisse marque l'heure de la revanche. Bouteflika n'y est pour rien, bien sûr.Lamari a été trahi. Il en est mort. Tewfik se débat, impuissant, dans une toile de l'araignée cousue main, dans l'ombre, avec une extraordinaire patience par Fra Diavolo(4). Les autres ont été achevés. Il y a plusieurs façons d'achever un général. Celle du champ de bataille, il s'est engagé pour. Celle de la calomnie (containers et quituequi ?), et enfin celle de la banalisation par la démultiplication. Monsieur-tout-le-monde n'est plus à craindre. Hier, Boumediene appliquait au grade de général la prévention du zéro, Bouteflika la thérapeutique de l'infini.
Et c'est ainsi que le seul véritable contre-pouvoir a été réduit à l'impuissance. Interrogez-vous tant que vous voulez, compagnons du temps jadis, du côté de l'armée il n'y aura pas de retour d'écoute. La grande muette, derrière ses cloîtres, a fait vœu de surdité.
L'historien de la révolution, Mohamed Harbi, dans un texte publié dans El Watan, le 4 juin 2012, nous rappelle cette phrase de Sâad Dahleb : «Nous devons (au fait du prince) de voir nos concitoyens constamment s'incliner devant le fait accompli. Nous ne discutons jamais les initiatives unilatérales du chef encore moins ses ordres, même lorsque nous sommes responsables devant la nation. Nous nous contentons d'entériner le fait du prince et même de l'applaudir quel que soit ce que nous pensons». Ce constat désabusé de Saad Dahleb s'applique, ô combien, à nos braves soldats. Rien n'a changé depuis les temps héroïques du CCE. Benhadid, Yala, Benyellès, Antar, dignitaires indignés, révoltés, écœurés, bavant de colère, pensez ce que vous voulez, pestez tant qu'il vous plaira, le sommet actuel de la hiérarchie militaire, passant outre vos mises en garde quant à l'intérêt de la nation, refusant de se rendre à toutes les bonnes raisons, à toutes les évidences, a décidé de maintenir au pouvoir un régime failli et un homme diminué, aphone, en proie au pitoyable désespoir des faibles qui ne veulent pas accepter leur fragilité humaine. La quête éperdue du quatrième mandat sonne comme cette supplication pathétique qui a traversé les siècles : «encore une minute, monsieur le bourreau». Hier, fringant et maniant élégamment le verbe, l'homme avait bénéficié de l'immense naïveté des «décideurs», qui — monsieur de Buffon consulté(5) — avaient vu en lui le spécimen «le moins mauvais» de l'espèce politique algérienne. Quinze ans plus tard, rivé à un fauteuil roulant, le visage ravagé par l'acharnement thérapeutique, les yeux hagards, il est imposé par la volonté d'un seul général. ANP, chère à nos cœurs, tu es innocente du passé outre insensé que Gaïd Salah entérine en ton nom.
Jeune officier de l'armée algérienne qui lit ce texte, je te propose cette leçon d'histoire. Je serai bref. Ce n'est pas une digression incongrue, une bifurcation inopinée dans un «fourbi d'ancien combattant», mais un rappel utile en ces temps de grandes forfaitures. 1958, la cinquième République lance toutes ses forces militaires contre la résistance algérienne. Les maquis ressentent le bouclage des frontières. Nos katiba meurent en tentant le passage des lignes fortifiées. La grogne s'installe à la frontière Est. La restructuration de l'ALN est difficile. Le CCE(6), composé par une poignée d'hommes de fer, ne désespère pas. La direction politique de la révolution sait qu'elle dispose d'une arme redoutable dont les Français, méprisants, n'ont qu'une vague idée et qu'ils pensent pouvoir isoler et réduire, grâce à quelque muraille de Chine, à quelque mur d'Hadrien et par un déluge plus intense de fer et de feu. Cette arme n'est pas une organisation secrète, une phalange née d'un dogme étroit, un conglomérat de bandes armées «à la solde de l'étranger», c'est une centrale d'énergie alimentée par les pulsions intimes de millions de poitrines.
Cette force — l'union des Algériens autour d'une idée partagée par leur plus grand nombre — est le produit de leur histoire vieille et douloureuse, de leur espérance, de leur immense et tragique cimetière indivis. Le fer de lance de ce Front des Algériens, de cette nébuleuse indestructible, de leur NIDHAM, était l'armée algérienne issue de ses entrailles, porteuse de ses espérances, dépositaire de sa fierté sur les champs de bataille et plus tard, une fois le pays libéré, matrice originelle des segments qui ont construit l'Etat. Vision étriquée que celle de la primauté de ceci par rapport à cela. La porosité, l'effet va-et-vient des cadres de la nation entre l'armée et les institutions civiles de la révolution et plus tard de l'Algérie indépendante est dû à la spécificité fondamentalement populaire de l'armée algérienne, dans les moments de grandes confusions, elle a su rester digne de ses racines. Ses chefs, attentifs au poids de l'histoire, à sa texture nationale, ne l'ont jamais commise à la défense des clans du pillage et de la grande corruption.
En 1992, malgré les historiques parjures, les islamistes impies, les clercs mal pensants, les ONG (ces canonnières des temps modernes), les monarchies arabes liguées et la presse des pays «frères» qui annonçaient, chaque matin, sa débandade, l'ANP a agi, a résisté et à vaincu. Elle était en phase avec l'Histoire et l'Histoire, regardons autour de nous, lui a donné raison. L'ANP n'était pas seule. Elle était en communion avec notre peuple. Que personne ne se méprenne. Qui mieux que les moudjahidine connaît les malheurs de la division et les conséquences de la discorde ? Les moudjahidine appellent et appelleront toujours notre armée à l'unité. Mais il est bon de se rappeler que ce sont les bonnes causes qui garantissent la cohésion des rangs. Malheur au peuple dont l'armée, oubliant les leçons de l'histoire, devient une phalange de prétoriens.
Le dernier des généraux
Il nous restait un dernier espoir. Un général. Un ancien. Celui qui a croisé le fer avec les tueurs et qui les a réduits. Celui qui était revenu en 1993 de son exil volontaire, dire à ses anciens camarades qui affrontaient la barbarie terroriste : «Pourvu que vous m'acceptiez, je reprends le treillis. Je désire me mettre au service de mon pays, à n'importe quel échelon.» Ils firent de lui ce que nous savons. Il est venu. Il a vu. Il est reparti avant d'avoir totalement vaincu. Mars 2014… On attendait de lui un mot, un seul, celui que lance le soldat placé au carrefour : «halte là !» et rien d'autre. On attendait de Liamine Zeroual un cri du cœur : «halte au quatrième mandat de la honte, halte à une présidence par procuration, halte à la corruption, halte à la dictature de la famille». Il n'a pas su dire ces quelques mots. Il s'est égaré dans les circonvolutions de la carte du tendre, auberge espagnole où chacun a apporté ce qu'il avait dans sa besace. Si Liamine, laissez donc les analyses politiques à Mouloud Hamrouche, qui vient d'attenter à la mémoire des «B», (sakata dahran ou nataka koufrane). Contentez-vous d'appeler, à haute et distincte voix, vos anciens subordonnés à se ressaisir. Puissiez-vous les convaincre. L'ère des analyses politiques est révolue.
Tout a été dit et tout est connu. Votre récente adresse aux Algériens est un prêche inutile. Les Algériens disent, depuis longtemps, avec des mots simples, ce que vous avez tenté de démontrer avec des tournures compliquées. Honnête et respectable, personne, jusqu'ici, n'a osé vous dire que vous portez une immense responsabilité dans ce qui arrive à l'Algérie depuis quinze ans. Atteint du syndrome de la porte claquée vous avez fait, en I999, ce que vous avez toujours fait : jeter le bébé avec l'eau du bain et advienne que pourra. Aux forces terrestres, aux affaires étrangères, à la présidence, vous avez été un fameux claqueur de portes. Piètre posture que celle des abonnés absents à l'appel. Vous n'étiez pas libre de partir, Si Liamine, surtout de cette façon. Vous avez unilatéralement brisé le contrat de confiance que nos suffrages sincères vous ont donné. Vous n'en aviez pas le droit. Jamais aucun président, dans aucun pays arabe, n'a été élu aussi démocratiquement que vous, Si Liamine, mais vous n'avez pas accordé son juste prix à cette manne, à cette bénédiction divine. Je me suis fait violence pour ne pas cesser de croire en vous, le jour où vous avez accordé votre plein concours à celui qui inaugurait, par une atteinte à votre dignité, sa carrière de grand humiliateur. Souvenons-nous, la salle était pleine et nous — millions— étions rivés à nos écrans. Vous avez étreint la main potelée de Bouteflika et l'avez élevée au-dessus de votre tête, alors que l'autre, frémissant dès les premiers jours du désir d'humilier, venait, quelque temps auparavant, d'éructer à votre adresse : «que les présidents stagiaires rentrent chez eux !».
Votre acceptation de la gifle, assénée en public, alors que vous étiez encore président, dépositaire des sceaux de l'Etat, a été le premier grain du long chapelet des humiliations qui ont suivi : «la médiocrité» des Algériens, confié à El Kabach, les «nains» de Kabylie quand ils sont regardés de plus près. Les «chiyatine» de Batna, certains de ceux qu'il injuriait ainsi, dans la fière capitale de l'Aurès, avaient revêtu pour l'honorer la cachabia qu'ils portaient le 1er novembre 1954.
Les moudjahidine de l'Aurès qui, jusqu'à ce jour, n'avaient trouvé dans son composé rien à redire, s'aperçurent soudain que ce président qui les offensait, alors qu'il était leur hôte, s'exprimait avec un accent étranger. Si Liamine, c'est à cet homme qui ignore nos dialectes — l'éthique et la morale — que vous avez livré les Algériens, pieds et poings liés et eux, candides, eux généreux, ont trouvé matière à vous grandir et à vous vénérer.
Le résultat de votre retrait précipité est là, autour de vous, autour de nous. Mesurez l'immense gâchis. Avant de partir Si Liamine, vous lui avez satiné le chemin en faisant le principal: le dialogue national et la loi de la «Rahma», préludes à la paix. Il s'en est attribué les dividendes de bien inconvenante manière, avec le faux témoignage de Ouyahia qui était à vos côtés, à vos côtés pour le meilleur seulement. Passons. L'homme à qui vous avez servi le pays sur un plateau d'argent est devenu l'Etat, carré, cubique, tragiquement schizophrénique. Il a dévié par les dithyrambes et l'encens. Il est omnipotent par ses vizirs, omniscient par ses polices et immortel par le Val- de-Grâce. Il a mis les Algériens dans la posture qui satisfait à son ego, celle d'hommes à genoux. Cela ne lui suffit pas. Malade, incapable de se mouvoir, incapable de parler, par la bouche de ses fondés de pouvoir, qui invectivent et menacent, il leur commande de se taire et de ramper. D'une certaine façon, Si Liamine, par votre départ, puis votre long silence, vous l'avez aidé à construire son système, cette affreuse maison sans lumières où nous tournons en rond, désespérés. Vous aviez l'occasion d'éclairer, par un seul mot, une issue. Cette lumière n'est pas venue. Mais il n'est pas trop tard. Dites à voix haute, ce que les Algériens attendent de vous. Dites que ce quatrième mandat est une offense à la dignité de notre pays. Vous risquez quoi ? Une seule atteinte à votre intégrité et l'Algérie entre en ébullition. Le séisme les emportera comme fétus de paille. J'ose écrire tout cela parce que je sais que vous êtes un homme de courage et de conviction. Au nom des grands combats que vous avez menés, au nom des jeunes Algériens qui s'aspergent d'essence et se tordent dans les flammes, au nom de ceux dont les cadavres pourrissent dans les morgues espagnoles, au nom de ceux qui ont fait leur devoir sous votre commandement et qui sont morts, arfaa rass bledek, ya Si Liamine !
Le jour de gloire de monsieur Yo Yo
En boucle, sur l'Unique, le préposé aux dithyrambes, les sourcils épilés et redessinés au khol, «litanise» les vertus du grand stabilisateur sans lequel le ciel nous tomberait sur la tête. La nouvelle tombe. C'est le scoop de la semaine. Ouyahia ressuscite. Bel et bien vivant, frais, dispos, il a sauté à pieds joints dans la galère. Il a accepté un étrange rôle. Connaissant les us et coutumes de la fratrie, et convaincu que le salut est dans la retraite, il était parti sur la pointe des pieds, et chacun de nous lui a trouvé du mérite. A quel signal a-t-il obtempéré ? A un mouvement saccadé de l'index incurvé en crochet ou à un petit coup de sifflet? Vous venez de faire la preuve, Si Ahmed, que dans les ermitages forcés ne pousse pas la fleur de sagesse mais le calice du fiel. Qu'est-ce qui vous a fait revenir ? L'ardent désir de prendre une revanche sur la meute qui, au signal, avait tailladé vos mollets ou bien la perspective d'être demain, par la grâce de Buridan l'ancien, le maître de la carotte magique, l'ombre de l'ombre de lui-même ? Les deux sans doute. J'ai fait un rêve. J'ai vu dans cet état de veille inconsciente, qu'on dit être le sommeil, un autre Ahmed Ouyahia, l'ancien énarque qui avait donné un maître coup de pied dans les containers de «l'argent sale qui gouverne», le chef de gouvernement «qui a mal à (son) pays», le fusible récalcitrant qui a eu le courage de dire «l'échec est collectif», le vigile qui a communiqué au DRS les pistes qui lui ont permis d'aller droit à Chakib Khelil, l'homme politique avisé qui a conclu «que le quatrième mandat ne servira pas l'Algérie». J'ai vu, dans mon rêve, cet homme les épaules recouvertes par un burnous blanc tissé par sa grand-mère, la moustache hérissée, à l'avant plan des crêtes du Djurdjura, asséner en direct sur la TV Ennahar : «Ils m'ont proposé de revenir uniquement pour les aider à passer le gué. Je ne suis pas dupe. Ils veulent obtenir un sursis pour continuer à faire ce qu'ils ont fait depuis le début. Je ne mange pas de ce pain. Je maintiens ce que j'ai dit : l'argent sale gouverne le pays. Je ne veux pas être complice. Je retourne chez moi. Algériens réveillez-vous, refusez ce quatrième mandat du cynisme, de l'arrogance et du mépris!». Ah Si Ahmed, quel coup mortel vous auriez donné à ceux qui pensent que tout le monde est «achetable» et qu'il suffit d'y mettre le prix. Ainsi, dédaigneux de leur procédé, vous auriez mis un point final, à vous tout seul, à leurs contorsions. Je fais quelquefois dans l'anecdote quand elle a un côté épique. Certaines occurrences, de temps à autre, offrent à un homme son jour de gloire. Elles fixent l'instant fugitif de sa vie par leur densité et lui confèrent la seule dimension qui vaille, celle de la grandeur. Les humeurs du sérail avaient fait de vous un homme- yoyo. Vous connaissez, bien sûr, le jeu de la figurine au bout du fil que le garnement fait redescendre d'un mouvement brutal de la dextre dès qu'elle monte un peu. Votre prestation sur Ennahar a cassé le fil. Vous êtes à jamais par terre. Vous ne perdiez, jadis, que pour un temps, le hall monumental du palais du gouvernement, vous venez de rater pour toujours la montée des marches du palais. Vous n'aurez pas l'oscar. Vous ne serez jamais président, Si Ahmed. Vous avez manqué le podium où trônent les grands Kabyles qui, l'aura de la Soummam pour seul viatique, ont conduit l'Algérie à la table d'Evian. Alors cette anecdote ? Pardonnez-moi, Si Ahmed, les délires ambiants brisent ma linéarité. Mais ce n'est pas seulement une anecdote, c'est une grande leçon de dignité humaine. Un jour de l'année 1959, un grand jour pour un petit tyranneau de SAS un de ces Français qui croyait en l'action psychologique et qui avait réuni des villageois du côté de Mdaourouch, sous le prétexte habituel de la mangeoire. En réalité, pour qu'ils écoutent un fameux repenti. Rien moins que Ali Hambli, le révolté du djebel Sidi Ahmed. En guise de bonnes paroles, l'homme que les erreurs du colonel Nasser avaient contraint à monter dans l'hélicoptère des «dragons» démontra que, s'il s'était bel et bien rendu à l'ennemi, il n'avait pas, pour autant, rejoint le camp des Français. A la stupeur du petit officier de l'action psychologique, Hambli tint aux villageois, un discours de commissaire politique du FLN. Il lui en coutât la vie. Comme quoi la conviction chevillée au corps ressemble à une fièvre ardente. Certains hommes en meurent. Au passage, une pensée à Yazid Zerhouni qui a, le premier, dénoncé la loi Chakib sur les hydrocarbures. Il avait mis sa démission dans la balance. J'ai eu une copie de sa lettre sous les yeux. Il parlait de gravissime trahison. Il n'est revenu sur sa décision qu'une fois assuré que la loi sera abrogée. Une pensée aussi au moudjahid Daho Ould Kablia, plein d'usages et de raison, qui a montré que la loyauté avait ses limites et qui a fait savoir qu'il ne serait pas partie prenante dans la partie du quatrième mandat qui montrait le bout du nez. Il est rentré chez lui la tête haute et l'âme en paix. Si Ahmed, quel est donc ce bout touchant sur votre tempe qui vous a conduit à un aussi incompréhensible reniement, qui vous a conduit à rejoindre avec armes et bagages le camp de ceux que vous dénonciez hier ? A quel prix avez-vous accepté de revêtir la soutane du bon apôtre du quatrième mandat ? Sans doute le secret espoir de devenir vice-président. Attendez que cesse de souffler pour eux le septentrion et vous verrez les «vices» qu'ils vous réservent. Ouvrez donc les yeux. La place est déjà occupée. Le titulaire de droit divin, le Bien Heureux, (traduisez, Si Ahmed, vous êtes un parfait bilingue), s'y vautre depuis le premier jour. Ecoutez le batteur émérite, (Amar-El Gafsi eli tabal ouidansi) quand il assure qu'«un train en cache un autre». Il n'y a pas de place pour deux dans le diwan. Larbi Belkheir l'a appris, jadis, à ses dépens. Depuis que les anathèmes de Saâdani sont restés impunis, nous savons qu'il n'y a plus de deus ex-machina qui viendrait, comme au théâtre, installer, subrepticement, un fauteuil dans le décor. Lorsque, pressé comme un citron, vous n'aurez plus rien à donner, ils vous feront partir sans autre forme de procès et vous partirez, les yeux humides et la mine défaite en grand danger d'être rossé. D'autres Yahya Guidoum, hommes des bonnes besognes, seront toujours prêts à reprendre du service.
Tu seras un homme, mon fils…
Par simple curiosité je suis allé regarder du côté d'une permanence de Benflis. Peu d'agitation. En face, au bout de la perspective de la rue, au-delà de l'autoroute, un immense portrait de Bouteflika pendille le long d'une façade. Le vent irrespectueux qui a soufflé hier a malmené la toile et l'a repliée sur elle-même. En d'autres temps, des acrobates virtuoses auraient remis la chose à l'endroit, en un clin d'œil. Le cœur n'y est plus, sans doute. Deux hommes d'âge mûr s'arrêtent à ma hauteur. L'un deux me demande l'adresse de la permanence de «Si Ali ». Un préposé à l'accueil des visiteurs les hèle de loin. Ils s'éloignent dans sa direction. Je reste seul. Je m'interroge. Benflis avez-vous eu raison d'y aller? Conservez-vous le moindre doute sur l'issue de la mascarade en cours? Si vous répondez par l'affirmative, il faudrait vous élire à la dignité du plus grand naïf au monde. Si Ali, vous vous êtes attaqué à la montagne avec une pioche. Ne récriminez pas contre la fraude. La fraude n'a rien à voir avec le bourrage annoncé des urnes. La scandaleuse tromperie réside dans la candidature d'un homme qui n'a plus la force d'assumer les lourdes servitudes de la charge et qui le reconnaît lui-même. Cette fraude originelle, cette atteinte à l'honneur d'un peuple, contraint de subir une présidence par procuration, vous l'avez tolérée et admise en acceptant de jouer le rôle que la mécanique des élections à l'algérienne vous a imparti. Le jour d'après, lorsque Bélaïz aura, magnanime, doublé ou triplé votre score de 2004 ; (un encouragement pour la prochaine fois, rira-t-il sous cape) vous allez vous trouver devant le vrai dilemme : ÊTRE OU NE PAS ÊTRE. Ce jour-là, rappelez-vous ce vers de Kipling : «Si tu sais voir l'œuvre de toute une vie…». Ce jour-là, démontrez que vous connaissez la suite en vous mettant «sans dire un seul mot à rebâtir». Pour l'Algérie, et pour l'honneur du nom que vous portez, le jour d'après, ne rentrez pas une fois de plus chez vous, en refermant à double tour votre porte. Soyez un recours. Fédérez l'opposition non Embedded autour d'un généreux programme commun. Le véritable combat va se jouer après la diversion du 17 avril. Cela ne sera pas facile, mais vous pouvez compter sur la tribu au pouvoir pour abattre toute seule son propre système. Par ses incommensurables appétits, par ses contradictions, par ses impatiences, par son aveuglement devant la colère de la rue, par son mépris de la colère des cadres, toutes institutions confondues, elle travaille efficacement à sa propre ruine. La dynamique de son inéluctable déconfiture est en branle. La rue algérienne gronde plus que jamais et elle grondera davantage. Les supplétifs de la présidence à vie commencent à ressentir la peur. Quand ces ébranlements de macadam qui retentissent çà et là, atteindront les profondeurs et réveilleront ceux qui hésitent encore, ce jour prochain, ce jour très prochain, les Algériens désemparés et meurtris, ces Algériens en colère, auront besoin, non de totems sacrés ou de guides infaillibles, mais d'hommes de conviction et de courage pour rebâtir leur pays défiguré et ruiné. Peu importe la violence que vous allez subir du fait du quota infamant qu'ils vous ont déjà fixé. Cette violence ne fera que forger votre légitimité morale et renforcer votre stature politique. Votre grand destin est devant vous. L'Histoire vous donne rendez-vous. Tous ceux qui ont l'Algérie au cœur seront à vos côtés.
Qui êtes-vous monsieur le président ?
Vous ne pouvez pas me répondre. Je sais. Vous êtes trop malade pour articuler une seule phrase. Vous avez d'ailleurs écrit une lettre à défaut de pouvoir parler. Je dirai donc quelques mots à votre place.
En vérité, vous ne devez rien à personne. Et vous avez raison de prétendre à la présidence à vie. Nul ne vous a fait roi. Vous avez gagné par le jeu d'échecs votre trône. Vous avez pris le temps de réduire vos censeurs et de placer sur les crêtes vos maréchaux. D'abord faire oublier Boumediene. Il sentait trop le soufre. Vous avez fait ensemble tant de choses, des bonnes et des moins bonnes. Il a été le maître d'œuvre, vous avez été l'architecte. Derrière «le pan du burnous», pour paraphraser un général célèbre, vous avez courageusement accompli votre part de la besogne. L'inéluctable audit des décennies brunes ouvrira bien des placards. La poussière qui couvre les étagères n'a pas fait disparaître l'empreinte de votre main. Pour exorciser la malédiction des crânes vous avez usé de la gomme. La gomme a effacé le nom de Boumediene. La gomme est une arme terrible entre les mains de celui qui veut écrire sa propre saga. Elle est à peine moins douloureuse que la fiole florentine, la dague romaine ou le lacet du sérail ottoman. Vous n'avez jamais manqué de dire, par l'ellipse du calendrier tronqué d'un jour et la parabole de quelques fauteuils de la chambre des sages(8), que vous êtes blanc comme neige et surtout que vous ne devez qu'à votre propre géni la pourpre de vos magistères. Même Ben Bella en a été convaincu. Votre charme lui a fait oublier ses années de cul de basse fosse. Boumediene disparu, il vous a fallu de nouveau gravir la pente. L'enfer de Sisyphe. Vous avez eu plus de chance que le roi déchu de Corinthe. Vous avez fini par atteindre le sommet. La peine que vous vous êtes donnée, la longue patience qui a été la vôtre, les peurs que vous avez ressenties, les ruses dont vous avez usées, l'hypocrite considération dont vous avez fait montre envers ceux qui pouvaient servir votre destin, vous ont inspiré plus tard le désir pervers d' humilier.
Le danger vous émoustille et met à l'épreuve votre sens de la manœuvre. La réussite de la feinte est votre suprême délice. Vous avez porté le coup d'Etat par personne interposée au sommet des arts politiques. Vous ne nourrissez jamais de sentiments de haine même envers ceux qui vous ont offensé au temps de votre traversée du vide, ce «no erguez land» qui désespère les has been». Vous leur dédiez la plus mortelle des pointes, le silex ciselé qui reste dans la plaie. Votre adresse à Abdesslem, le vaguemestre d'Accra, en est un cas fameux. La médaille qui a accompagné votre investiture, présentée sur un écrin de soie par le survivant des 22, vous est précieuse, non pour le symbole qu'elle représente, mais parce qu'elle garde la trace des larmes de Banaouda.
Pour asseoir, à vie, votre pouvoir et les privilèges de votre famille, vous vous êtes occupé à plein temps à diviser les membres de la hiérarchie militaire et à accentuer leurs discordes, à briser leur bague de Soliman, à corrompre une partie de la classe politique, à user de la pacotille contre les jeunes Algériens, et à fabriquer par l'argent une phalange d'inconditionnels.
Cette redoutable capacité à réussir tout ce que vous entreprenez avait un seul ressort : l'ambition d'ETRE au-dessus des autres. L'Algérie dans votre canevas n'était qu'un accessoire et ses habitants un simple parterre. Vous voilà donc au sommet par la grâce de vous-même. Votre système fonctionne désormais en roue libre. Les institutions de l'Etat ne sont plus au service du peuple algérien. Elles sont une mécanique à votre unique profit. La Constitution n'est plus la loi fondamentale dont procèdent toutes lois. Elle se résume à une loi : la vôtre ! Le Conseil constitutionnel s'incline devant le droit divin.
Et, soudain, alors que tout baignait dans votre ordre, un coup de tonnerre dans votre ciel serein.
Le quatrième mandat, vous le voulez comme la plus belle de vos victoires. Convaincre le monde que vous êtes plus fort que jamais, plus fort que ceux qui disent que vous n'êtes plus en état de cogiter, de projeter et d'agir. Le 17 avril en fera la preuve. Plus la tâche est difficile et plus vous vous obstinez. Ceux qui vous décrivent tel que vous êtes, un vieil homme malade et accro au pouvoir ont perdu le sens commun. Ils délirent. Il leur en cuira. Les cinq chevaux légers dont vous tenez la bride courent l'Algérie. Ils écument la campagne. Ils raclent les fonds de tiroirs de votre maigre popularité passée. Ils hennissent devant des auditoires contraints que votre quotient intellectuel est supérieur à celui de tous les Algériens réunis. Ils s'étranglent de fureur si on ricane. On les croyait gens de bon sens, leur démesure, leurs outrances, traduisent votre emprise pharaonique sur eux. Vous êtes «ELAZZIZ». Dieu. Ghoul, l'islamiste à éclipses, le ministre des transports de joie, connaît ses classiques, il nous refera, au besoin, le coup du scanner. Observons le ciel, au-dessus du «5-Juillet», le 18 avril, les lettres qui composent votre nom vont apparaître sur l'écran des nuages. Le machine huilée va sonner, le 17 avril, soixante-trois fois par l'urne violentée, la perfusion sans laquelle vous ne sauriez vivre, obtenue au prix de la fraude, de la division du peuple et de l'odeur de la terre brûlée. Lorsque vous jurerez sur le saint Coran, d'une voix à peine audible que vous aimez l'Algérie et que vous respectez la Constitution, rappelez-vous, à l'orée de votre quatrième paradis terrestre, ce que vous avez dit un jour, le pied à peine sorti de la tombe : lahila maa rab el alamine.
M. C.
1) Pendant la bataille du Bouamoud, le
25 novembre 1956, alors que le combat faisait encore rage, trois jeunes Algériennes, venues
d'un douar proche, étaient montées jusqu'à la crête pour approvisionner les moudjahidine en eau et en petit-lait.
2) Transports de troupes fabriqués par Général Motor Corporation, en service dans les années
1950 dans l'armée française.
3) La salle omnisports dans l'enceinte du
complexe du 5-Juillet où s'est déroulé un meeting de Sellal.
4) Fra Diavolo, frère diable, est la réplique algérienne du père Joseph.
5) Naturaliste français.
6) Comité de Coordination et d'Exécution, direction politique issue du congrès de la Soummam.
7) Le 19 juin n'est plus commémoré.
8) Les pires ennemis de Boumediene ont été fait sénateurs.


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