Par Boubakeur Hamidechi [email protected] A l'heure où se rédige cette «lettre», les dernières réparties vont s'échanger durant, tout au plus, 72 heures. Légalement, les acteurs en représentation quitteront en effet les tréteaux lundi soir pour laisser le temps au jury de l'électorat de se forger quelques intimes convictions avant, soit de voter par choix, soit de s'y abstenir par insatisfaction. En théorie, c'est à peu près ainsi que doit se conduire une élection et se traduire dans la transparence les libertés politiques lorsqu'on a affaire à une bonne république. Or, c'est peu dire que l'Algérie de 2014 ne fait pas encore partie de ces Etats de l'excellence. Pis encore, elle est notoirement perçue sous l'angle d'un avatar de la démocratie, si courant d'ailleurs dans les contrées africaines et arabes. C'est-à-dire une apparence projetée par le formalisme des mises en scène et une sorte «d'esthétique» à travers laquelle l'on s'efforce de maquiller le viol permanent des urnes. En somme, sous notre «triste tropique» l'urne, quand elle n'est pas funéraire, n'est rien d'autre qu'un gadget afin de bricoler ponctuellement de la légitimité. Or depuis le temps que ce genre de tour de passe-passe se répète et que la même désillusion est au rendez-vous, il se trouve pourtant quelques impénitentes personnalités qui se proposent tout de même à tenir des rôles de faire-valoir dans le perpétuel théâtre d'ombres. Certes, quelques-unes d'entre elles sont réellement portées par la solide conviction que les procédés de l'appareil d'Etat pourraient se gripper sous la pression de l'opinion. Mais encore leur fallait-il croire un seul instant ou tout au moins espérer que parmi ceux qui font tourner l'infernale machine administrative, il se trouva quelques scrupuleux commis de l'Etat pour s'opposer à la prévarication que l'on attend d'eux. Un fantasme... ! C'est ainsi peut-être que Benflis envisage la finalité de ce test électoral et par voie de conséquence justifie sa présence et explique le combat qu'il vient d'engager. Mais alors que dire du reste de ce panel de candidats (Hanoune, Touati, Rebaïne et Belaïd) dont le casting du Conseil constitutionnel est pour certains équivoque et pour d'autres, plus que suspect ? Globalement, ils ont battu campagne avec la seule certitude de bénéficier, soit d'un peu de visibilité pour la suite de la carrière, soit d'attendre un retour d'ascenseur en contre-partie des basses besognes effectuées. Folkloriques, comme il était attendu d'eux, ils ne s'assignèrent comme devoir de campagne que d'occuper la scène. Car avaient-ils vraiment de sérieuses feuilles de route politiques pour s'exprimer ? Eux qui au cours des deux semaines écoulées multiplièrent les promesses fantaisistes à destination de quelques auditoires dubitatifs combien de fois les a-t-on entendus sur la question centrale qui taraude l'Algérie entière ? Celle de disqualification constitutionnelle de Bouteflika pour cause d'incapacité. Alors que la hargne et les écarts de langage n'ont eu de cesse de prendre de l'ampleur dans le camp de ce candidat «voilé», nul parmi ces platoniques adversaires n'a osé remettre, sur la place publique, en cause l'infâme agrément. Alors que le mouvement informel appelant au boycott s'en tient au seul mot d'ordre de «tout sauf un impotent», Louisa Hanoune entre autres s'invente un abcès de fixation électoral en faisant de l'explication de texte critique sur les harangues de Benflis, par exemple. Cela s'appelle de la diversion commandée. Etrange et curieuse posture qu'un de nos amis est parvenu à décoder en une formule. «Parmi les 5 candidats qui affrontent l'homme d'El-Mouradia, dit-il, elle est la cinquième colonne du fantôme du palais». Hypothèse peu glorieuse pour celle qui a toujours prétendu incarner l'antisystème. A l'exception donc de Benflis qui ne voudrait sûrement pas tirer de dividendes politiques en termes de reclassement dans l'échiquier national, les autres candidats ont précisément fait de leur participation-alibi une opportunité dans ce sens. Comme par le passé, mais dans une configuration nationale très grave, ils ont accepté de jouer avec des dés truqués une partie électorale dont les conséquences vont au-delà de leurs petites ambitions. Alors que la maison Algérie part par petits morceaux, se prêter au jeu malsain de l'entrisme dans les bonnes grâces d'un pouvoir de pyromanes n'est assurément pas du simple carriérisme politique. Car il est difficile d'évoquer le civisme citoyen et le droit de s'en servir pour participer alors que l'on sait que cette fois la parodie peut virer au drame national. Dès le départ d'ailleurs et en connaissance de cause les candidats en question ne pouvaient nier qu'ils s'apprêtaient à devenir des complices actifs. Au soir du 17 avril, ce ne sera pas alors la simple amertume de l'échec qu'ils connaîtront et qu'ils sauront prendre avec philosophie comme le font habituellement les hommes politiques ayant agi pour témoigner de leur conviction. Ils découvriront à ce moment-là qu'ils ne furent que de bons samaritains volant au secours d'un pouvoir. Dit plus méchamment : les derniers chiens de garde d'un système à la dérive.