Par Kader Bakou Tout le monde parle des conquêtes, colonisations (ou présences) phénicienne, romaine, byzantine, turque ou française en Algérie, mais le royaume vandale d'Afrique est rarement évoqué. Le royaume vandale en Afrique du Nord a existé de l'an 429 à l'an 534. Il est tombé avec la reconquête byzantine et l'abdication de Gélimer, le dernier roi vandale d'Afrique, en mars 534. Les Vandales sont un peuple germanique d'origine scandinave. Entre le Ier et le IIIe siècles, ils se sont établis en Germanie orientale, dans une région située entre la Vistule et l'Oder, au bord de la mer Baltique. Ils sont mentionnés pour la première fois par l'historien et sénateur romain Tacite, né en 58 et mort vers 120 ap. J.-C. Lors des Grandes invasions, au Ve siècle, les Vandales ont conquis successivement la Gaule, la Galice et la Bétique (sud de l'Espagne), l'Afrique du Nord et les îles de la Méditerranée occidentale. Cette Grande invasion est accompagnée par l'arrivée et l'installation de populations germaniques. En 428, Genséric devient roi des Vandales et des Alains. Une année plus tard, il traverse le détroit de Gibraltar. Les Vandales s'allient avec les Romano-Maures et établissent leur capitale à Saldae (Bougie, aujourd'hui Béjaïa). Ils atteignent Hippone (Bône, aujourd'hui Annaba) en mai 430. La ville tombe en 431, après un long siège durant lequel meurt Saint Augustin. Les Romains reconnaissent l'établissement des Vandales dans l'actuelle Algérie et signent avec eux un traité (fœdus) en 435. L'apport et l'influence des Vandales en Afrique du Nord ont longtemps été évalués comme très faibles. Ce constat a été établi à cause de la rareté des témoignages archéologiques. Mais, en réalité, c'est dû au fait que les Vandales se sont installés dans un environnement et des villes déjà aménagés par les Berbères et les Romains. A partir de 442, une nouvelle aristocratie fait son apparition. Cette aristocratie vandale adopte progressivement la langue latine et le style de vie des dignitaires berbères romanisés. Elle emprunte aussi beaucoup à l'ancienne administration romaine. L'administration vandale applique la fiscalité et le droit romains et comprend nombre d'administrateurs romains de haut rang. Leurs tombes étaient généralement situées dans des nécropoles suburbaines, dans des églises, comme à Tébessa, permettant de confirmer un phénomène de romanisation des élites. Une mosaïque retrouvée à Tébessa, par exemple, montre un enfant vandale portant des vêtements romains. Les Vandales ont mauvaise réputation. En français, le mot vandale est employé pour la première fois dans un sens péjoratif par Voltaire en 1734. En 1794, l'Abbé Grégoire, député à la Convention, emploie le premier le terme de «vandalisme», pour décrire la destruction des monuments et œuvres de l'ancien régime par les révolutionnaires. Les Vandales étaient des adeptes de l'arianisme, une forme de christianisme considérée comme une «hérésie» par les trinitaires ou nicéens. C'est l'une des raisons qui a fait que leur réputation de pillards et de destructeurs a été largement exagérée par les anciens chroniqueurs, hommes de l'Eglise catholique d'Afrique ou ses partisans, en particulier le Berbère Victor de Vita. D'ailleurs, les principaux renseignements sur les incursions vandales sont fournis par une source qui leur est violemment hostile, l'Histoire de la persécution vandale en Afrique, écrite par Victor de Vita. Le pillage de Rome, par exemple, s'est déroulé sans destruction ni massacre. Les armées vandale et romano-maure ont même passé un accord avec le pape Léon Ier pour diviser la ville en secteurs et s'emparer des richesses de la ville sans violences. En réalité, le royaume arien d'Afrique du Nord a été organisé avec une méthode exemplaire. Aujourd'hui, rien ne semble démontrer que la période vandale a marqué la fin de la civilisation urbaine en Afrique. Bien au contraire, elle s'est développée comme le soulignent les travaux de Claude Lepelley, auteur de Les cités de l'Afrique romaine au Bas-Empire (1979). K. B.