Architecte de formation et docteur en histoire de l'art de l'université Paris-Sorbonne, Nabila Chérifa-Seffadj est par ailleurs enseignante et chercheur. Elle a consacré une bonne partie de ses recherches aux bains. Elle a publié à ce titre un ouvrage intitulé Les bains d'Alger durant la période ottomane (xvie-xixe siècles), où elle explique que, durant cette période, la ville d'Alger était réputée pour le nombre important de bains qu'elle possédait et pour la performance de son système hydraulique. Les sources textuelles arabes et occidentales, les documents iconographiques produits en grand nombre à cette époque ajoutés aux pièces authentiques de première importance émanant des archives de l'administration ottomane et de celles des autorités françaises établies durant les premières décennies de l'occupation permettent de dresser un tableau général sur l'histoire urbaine et socioéconomique des bains d'Alger. Ce livre fait un tour d'horizon complet sur les bains d'Alger : leur nombre, leur histoire, leur situation dans la topographie de la ville, leur répartition géographique par rapport aux autres fonctions, leur mécanisme d'implantation dans la structure urbaine, leur alimentation en eau et leur relation aux éléments du réseau d'adduction urbain, leur gestion et mode d' exploitation. Ce dernier aspect touche au problème des fondations waqf dont les bains algérois ont souvent fait l'objet en vertu de leur valeur économique potentielle mise au service des œuvres de bienfaisance. Rappelant que ces établissements sont les héritiers des bains collectifs de l'Antiquité, elle souligne qu'ils se sont diffusés dans la civilisation musulmane en adoptant certaines transformations architecturales. «À Alger, il ne s'agit pas de monuments imposants mais de bâtiments discrets qui correspondent à un modèle andalou ou ottoman et qui sont désignés, par les observateurs occidentaux, comme «bains maures» ou «bains turcs». Jusqu'au milieu du XVIe siècle, précisera-t-elle, la ville ne possédait que quelques vieux bains, implantés pour la plupart dans la ville basse avant l'arrivée des Ottomans. Grâce aux aménagements hydrauliques opérés par ces derniers, le XVIIe siècle apparaît comme la grande période d'édification des bains, mais ce phénomène connaît ensuite un net ralentissement au cours des deux siècles suivants. L'auteur souligne que la plupart des fondateurs de ces bains jouissaient d'un statut social important (pachas, corsaires, fonctionnaires de l'administration ottomane, commerçants). C'est d'ailleurs par le nom de leur fondateur que sont d'abord identifiés certains de ces bains avant d'être désignés par un toponyme. A l'instar des autres villes où des recherches ont été effectuées sur ces édifices, la plupart des bains d'Alger mentionnés dans les archives ont aujourd'hui disparu. Les recherches sur le terrain ont permis à l'auteur d'en retrouver seulement neuf, dont deux à l'état de vestiges archéologiques, deux effondrés et à l'état de ruines ; les cinq autres ont été conservés dans un état plus ou moins bon. Trois zones de la ville se distinguent par la densité de leur équipement en bains. Plus de la moitié des bains étaient situés dans la ville basse où les lieux de séjour collectifs, comme les casernes et les fondouks, assuraient à ces établissements une clientèle régulière. Moins bien équipée en bains était la ville haute où ces édifices étaient concentrés le long de quelques artères ou au sein de quelques noyaux. Le quartier de la Marine, qui abritait de grandes demeures, vraisemblablement équipées de bains privés, était, quant à lui, dépourvu de bains publics, à l'exception de deux édifices situés en périphérie. Cette approche de la répartition géographique des bains consiste en une analyse très précise du tissu urbain où le lecteur se laisse guider dans les moindres recoins du réseau viaire. n