Chercheurs et experts s'accordent à dire aujourd'hui que l'alternative au phénomène de corruption se trouve dans la protection des dénonciateurs, la bonne gouvernance et la démocratie participative. Ce sont là des éléments essentiels pour mener la lutte contre la corruption. Les questions de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés sont fondamentales pour faire avancer ce combat, et en même temps, plus il y aura de transparence dans la vie publique et la gestion des deniers publics, plus la pratique démocratique enregistrera des progrès. L'indépendance de la justice est aussi un des objectifs à atteindre et nous en sommes encore loin. La démocratie participative et l'émergence de contre-pouvoirs au sein de la société sont une alternative incontournable, surtout dans des situations où la démocratie représentative subit encore des contraintes et où le pluralisme dans toutes ses expressions peine encore à se faire une place. Par rapport aux dénonciateurs de la corruption et aux donneurs d'alerte, en termes d'objectifs, il s'agirait plutôt de contribuer à créer un climat et une dynamique favorables à leur implication dans la lutte contre la corruption, plus que de se limiter à les protéger : ils doivent à terme devenir de véritables acteurs de ce combat. Ce qui est valable aussi pour les médias et les journalistes : le droit à l'accès à l'information et leur indépendance sont indispensables pour mener des enquêtes et faire un travail professionnel d'investigation. Le 9 décembre, depuis 2004, a été déclaré par les Nations unies, Journée internationale contre la corruption. Cette décision avait été prise par l'Assemblée générale de l'ONU en octobre 2003 dans le prolongement de l'adoption de la convention contre la corruption. En Algérie, il a fallu attendre 2006 pour que les pouvoirs publics évoquent la célébration de cette journée : le chef de l'Etat le 9 décembre 2006 dans son discours aux walis. En Algérie, la répression contre ces dénonciateurs est la règle Placer cette célébration sous le signe de la protection des dénonciateurs, des donneurs d'alerte et des victimes de la corruption a du sens, car cette protection est essentielle dans l'implication de la société dans la prévention et la lutte contre la corruption et que, malheureusement, en Algérie, c'est plutôt la répression contre ces dénonciateurs qui est la règle : c'est un combat que nous devons mener pour que cette répression arbitraire cesse et que les Algériens soient de plus en plus nombreux à faire entendre leur voix. D'ailleurs les dispositions négatives de la loi du 20 février à ce sujet vont davantage alimenter cette répression contre les dénonciateurs. La contribution de la société civile, à l'échelle locale et internationale, à la création d'une dynamique de lutte contre ce fléau est primordiale. Il y a une dynamique dans ce sens en Algérie, encore fragile, malgré toutes les contraintes, les restrictions, les intimidations et les représailles de toutes sortes que cette société subit. Cette dernière essaye de contribuer à casser un tabou à travers la dénonciation haut et fort de la corruption sous toutes ses formes, et en mobilisant le plus de personnes, d'associations et de syndicats, tout en préservant son autonomie et son indépendance. Parallèlement, il faut conquérir une crédibilité, principalement auprès de l'opinion publique : ce qui n'a pas été facile, d'autant plus que le combat se menait, et continue de se mener, à contre-courant d'un contexte semé d'obstacles évoqués plus haut et fait de désespérance, de scepticisme et de méfiance. Il faut maintenant préserver et consolider ces acquis, prendre en compte les premiers fruits de cette nouvelle dynamique dans la stratégie d'action à mettre en place pour les prochaines années. Il faut consolider le développement d'une expertise et d'une expérience reconnues par de nombreux partenaires à l'étranger, à un point tel que les sollicitations se multiplient pour en faire part ou pour émettre des avis, des analyses ou des points de vue sur des questions importantes liées à la lutte contre la corruption et aux mécanismes à mettre en place tant au plan national qu'international. Mettre en place un réseau informel de lutte contre la corruption C'est ce qu'il faut poursuivre aussi en direction de la société civile en Algérie, en développant d'abord une écoute et des échanges d'expérience, et en mettant à sa disposition tout le savoir-faire, les informations, les données, les analyses, la formation et les études. Un réseau informel de lutte contre la corruption regroupant des syndicats et des syndicalistes, des associations et des militants associatifs, organisations et militants des droits de l'homme, des universitaires, des chercheurs, des avocats et juristes, des personnalités issues de divers secteurs, des journalistes, des élus, des hauts fonctionnaires à la retraite, voire d'anciens ministres, militants de partis politiques, doit se mettre en place dans toutes les régions du pays, chacun apportant sa contribution à dessiner ce qui pourrait s'apparenter en termes de perspectives à un «système national d'intégrité ». Si le chemin est encore loin pour y parvenir, il est temps de l'emprunter.