A Bouira, la traditionnelle marche du 20 Avril a eu lieu même si celle-ci n'a pas été organisée d'une manière aussi parfaite. Des centaines d'étudiants auxquels se sont joints des militants du MCB et des militants amazighs appartenant pour certains au RCD, des enseignants amazighs, des enseignants universitaires, ont battu le pavé en empruntant l'itinéraire habituel des étudiants depuis l'université Akli-Mohand-Oulhadj jusqu'au siège de la wilaya avant de poursuivre la marche pour se rassembler au niveau de l'esplanade qui fait face à la maison de la culture Ali-Zamoum, avec une prise de parole puis la dispersion dans le calme. Il faut dire que la marche à laquelle ont appelé certains militants de la première heure du MCB, mais qui a vite été relayée par le MAK, n'était pas bien partie. Dès les premières heures de la matinée, une chasse à l'homme a eu lieu aux abords du portail principal de l'université. A notre arrivée sur les lieux aux environs de 10 heures, des étudiants faisaient déjà état de l'arrestation d'une dizaine de jeunes par la police. Une certaine tension régnait au fur et à mesure de l'arrivée des militants amazighs. Ali Brahimi, l'une des figures de proue du MCB, était là et il nous informa qu'il venait de parler aux responsables de la police pour libérer les manifestants arrêtés. Quelques minutes plus tard, les représentants des étudiants sont sortis de l'enceinte universitaire pour annoncer aux présents leur intention d'insister auprès des responsables de la police pour libérer leurs camarades avant d'entamer la marche. Vers 10 heures 30 minutes, les manifestants arrêtés furent libérés, et la marche pouvait commencer. Cependant, dès le début, nous avons remarqué la formation de deux carrés distincts : l'un était composé de militants du MAK avec un portrait géant de leur président, Ferhat Mhenni, et des banderoles appelant à l'autonomie de la Kabylie, et l'autre carré était composé de militants amazighs de la première heure à l'instar de Ali Brahimi auquel se sont joints les enseignants du département amazigh de l'université Mohand-Oulhadj, et plusieurs autres militants amazighs qui revendiquaient l'officialisation de tamazight, le caractère obligatoire et graduel pour son enseignement en Algérie, la nécessité d'ouvrir automatiquement des postes budgétaires pour les licenciés en tamazight, et enfin, une académie berbère dans laquelle les chercheurs et les linguistes puissent travailler pour la promotion de tamazight dans un cadre officiel et légal . Aussi, outre ces deux carrés formés et même distanciés par endroits, ce furent même les slogans qui étaient différents : d'un côté, l'on entendait les «Assa, Azekka, tamazight, tella, tella», «Djazair horra dimocratia», «Serraqin, chiatine, wi ougoulou wataniyin», et surtout «Ecchaâb yourid isqat annidham», des slogans politiquement corrects ; et de l'autre «Ulac smah ulac», «Pouvoir assassin», «Bouteflika, Ouyahia, houkouma irhabia», «Corrigez l'Histoire, l'Algérie n'est pas arabe» et autres «Kabylie chouhada», « Da L'Mouloud mazal agh d Imazighen». En somme, lors de cette marche, à chacun ses slogans et ses banderoles et à un certain moment, l'on a frôlé même la catastrophe, lorsqu'un groupe d'étudiants autonomistes avait essayé de s'infiltrer dans l'autre carré, avec certains mots déplacés à l'endroit des militants de la première heure pour tamazight. Finalement, au niveau de l'esplanade de la maison de la culture, l'un des enseignants de tamazight au niveau de l'université Akli-Mohand-Oulhadj a eu le courage de rappeler certains étudiants radicalistes à la raison et au respect qu'ils doivent vouer aux militants de la première heure comme Ali Brahimi et grâce auxquels des avancées notables ont été enregistrées par la langue amazighe dans le pays. Cela, tout en leur rappelant que le combat doit se poursuivre dans l'unité des rangs pour faire avancer davantage tamazight et la consacrer comme langue nationale et officielle, avec un enseignement obligatoire et graduel, et une académie qui puisse s'occuper de son développement. Vers 13 heures, les manifestants de tous bords se sont dispersés dans le calme.