Ainsi se résume l'attitude des autorités qui avaient déployé une armada de policiers et d'engins anti-émeutes pour réprimer la traditionnelle marche commémorative du Printemps berbère du 20 avril dernier, et faire montre de souplesse et de flexibilité à l'occasion de la marche organisée, hier, à Tizi-Ouzou, à l'initiative de MAK, Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie. Une marche qui a drainé près de quatre mille personnes qui ont pris possession de la rue durant près de trois heures. Tout au long de l'itinéraire, qui va du campus de l'Université Hasnaoua à l'esplanade de l'ex-Hôtel de ville, il n'y avait pas l'ombre d'un CNS ou d'un engin anti-émeute, à l'exception, bien sûr, de quelques agents de la voie publique affectés à la régulation de la circulation automobile et qui ont dû, certainement, recevoir l'ordre de se retirer, au fur et à mesure que les marcheurs avancent. Une foule compacte au-dessus de laquelle flottaient des centaines de bannières aux couleurs jaune, vert et bleu frappées de la lettre «Z» en tifinagh. «Mazalgh di- Mazighan, (Nous sommes des Amazighs et nous le resterons), pouvoir assassin...», criaient les manifestants qui reprennent en chœur d'autres slogans appelant à l'autonomie de la Kabylie. Les mêmes slogans, chers aux militants du mouvement fondé par Ferhat M'henni sont visibles sur les innombrables banderoles et sur lesquelles on pouvait lire notamment, «votre répression renforce notre détermination ; 1962- 2014 : maffia politique, arabo-islamisme et misère pour le peuple.» Si les militants et sympathisants du MAK se sont mobilisés et constituent l'essentiel des bataillons de marcheurs, il y avait aussi de nombreux autres manifestants qui, sans s'inscrire dans la démarche autonomiste du MAK, sont venus marcher pour, disent-ils presque d'une même voix, marquer leur solidarité avec les manifestants réprimés les 20 et 21 avril derniers. «Je suis ici pour dénoncer la répression et revendiquer le droit garanti par la Constitution de manifester dans la rue», dira Hocine, un militant du mouvement Barakat. Il y avait aussi des universitaires et d'anciens militants politiques et du MCB, noyés au milieu des manifestants. Universitaire et militant du MCB, signataire en compagnie d'une quarantaine d'autres militants d'un appel pour la marche réprimée du 20 avril dernier, Saïd Doumane nous dira «être descendu dans la rue pour défendre le droit de manifester qui est reconnu par la Constitution à tous les Algériens. Je suis ici pour dénoncer la répression et manifester ma solidarité aux victimes de la répression du 20 avril dernier. Je ne suis pas du MAK, dira le Pr Saïd Doumane, mais je défends le droit à manifester pour les militants de ce mouvement». Un mouvement duquel les responsables se sont adressés aux manifestants rassemblés devant le rond-point faisant face à l'ex-Hôtel de ville, tout en saluant la grande mobilisation et la réussite de la marche qui, selon eux, constitue une avancée pour les idées qu'ils défendent mais aussi un message à ceux qui ont voulu rallumer le brasier kabyle. C'est aussi une démonstration que la Kabylie peut marcher pacifiquement, dira un autre responsable du mouvement autonomiste. Il faut signaler que si les forces anti-émeutes ont fait montre d'une grande discrétion, les services de sécurité n'étaient pas pour autant absents ; beaucoup de policiers en civil s'étaient mêlés à la foule.