De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Les Européens qui ont la fâcheuse habitude d'assister le cambrioleur et de se lamenter avec sa victime, ont trouvé en Lamamra à qui parler. Flash sur le 8e conseil d'association Algérie-UE. Les naufragés en Méditerranée qui terminent leur aventure en cadavres à Lampeduza et les migrants qui meurent de soif, de faim et de peur dans les immensités sahéliennes viennent rappeler à l'ordre l'Union européenne. L'UE décidant de fortifier son espace, de transformer l'Europe en citadelle inexpugnable, Bruxelles a emprunté la voie la plus simpliste. Et la plus dangereuse. Les pays du Sahel, ceux du Maghreb ne peuvent pas devenir des centres de tri au bénéfice, au seul bénéfice des nantis, de ceux du Nord, des 28 de l'UE. Cette approche a montré ses limites et si elle n'est pas remise en cause, en toute responsabilité, transformera la rive sud en poudrière. Et la rive nord en passoire. C'est presque déjà le cas, les deux grands espaces de la mer d'Ulysse, de Guerrouabi, de Brassens et de Garcia Lorca sans oublier Raïs Hamidou ne seront plus, hélas, dans le proche avenir que des mouroirs à ciel et mer ouverts. Des zones de mort pour les réfugiés du Sahel et des harragas du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de la Libye... Quand donc Bruxelles se rendra-t-elle compte qu'une démarche unilatérale, égoïste et sans vision d'avenir n'est bonne pour personne. Ni pour l'UE ni pour ses voisins du Sud et son démembrement sahélien...C'est tout dans ce contexte que s'est tenu le 8e conseil d'association UE-Algérie. Le ministre algérien des Affaires étrangères a dit des choses vraies, parlé juste en restant dans les clous de ce que permet la diplomatie. Sur la mise en œuvre des dispositions de l'accord d'association avec l'UE, Lamamra a relevé «elle devra (la mise en œuvre, ndlr) satisfaire les besoins et les intérêts des deux parties», traduction en clair. L'Europe ne fait pas suffisamment à ce niveau. Sur la politique de bon voisinage (PEV), pour le relex algérien, cela ne peut, ne doit se traduire que par du «gagnant-gagnant». Concernant l'accord d'association dans son ensemble, le chef de la diplomatie algérienne considère qu'il doit «faciliter l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC)». Pour autant, si Lamamra n'a pas tout dévoilé lors du point de presse à l'issue de ce 8e conseil entre l'UE et l'Algérie, c'est tout à fait normal, les discussions politiques ont des canaux d'expression plus complexes et répondent à des critères d'appréciation plus nuancés, le sentiment est, cependant, que l'Algérie ne compte pas abdiquer son droit à la négociation la plue ardue, qui peut le lui reprocher alors même que Bruxelles lorsqu'il s'agit de défendre son intérêt ne lâche rien. En demandant à l'UE de se pencher sur «le respect de la dignité des citoyens algériens et aussi des Européens d'origine algérienne», Lamamra est dans son rôle. La négociation étant globale, il ne va pas de soi que seule l'Europe peut prodiguer des conseils en droits de l'homme, en valeurs universelles et en libertés. Le Sud aussi peut donner son point de vue en l'occurrence. L'Algérie l'a fait et ne cessera pas d'évoquer les distorsions, les incohérences, les dépassements ou les dérives de type raciste, xénophobe ou autres. Selon le conseil de l'Union européenne, «les deux parties s'engagent à approfondir les négociations en vue de l'adoption d'un plan d'action dans le cadre de la politique de voisinage». Tâche ardue. Pourtant, c'est la seule voie, si elle est respectée loyalement, qui peut constituer une véritable coopération bénéfique. La grande difficulté avec l'Union européenne est d'un autre ordre. Bruxelles ne se prive pas, pour ses intérêts propres, à fouler aux pieds tous les principes qu'elle proclame à satiété. L'accord de pêche signé avec le Maroc englobant les richesses halieutiques du Sahara occidental est illégal au vu du droit international. Territoires identifiés par l'ONU comme non autonomes, relevant de la doctrine des Nations-Unies en matière de décolonisation, ils ne pouvaient pas, ils ne devaient pas être inclus dans le traité de pêche contracté avec Rabat. Pourtant, Bruxelles a piétiné allègrement le droit, les traités, les résolutions de l'ONU, l'avis de Hans Blinx, l'expert onusien chargé de trancher juridiquement la question «à qui appartiennent les richesses du Sahara occidental ?» Ce n'est pas une raison de ne pas traiter avec Bruxelles. Ce n'est pas une raison, non plus, de prendre les paroles de l'UE comme étant sacrées. Lamamra, professionnel, maîtrisant son sujet, a su négocier avec les responsables de l'UE. Ils ont trouvé à «qui parler»... L'accord d'association UE-Algérie est une perspective intéressante. Il faut aussi le souligner.