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Rencontre (presque) imaginaire avec Kateb
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 05 - 2014


Par Ahmed Cheniki
Il n'en peut plus. Il piaffe d'impatience de s'exprimer devant les gens, ceux qu'il aime, les gens modestes qui vivent l'ineffable condition d'humiliés au moment où on n'arrête pas de parler en leur nom alors qu'ils n'existent pas, aux yeux de ceux qui, à longueur de journées, ânonnent sans fin qu'ils sont le «peuple».
Il respire un coup, comme au théâtre, se prend à témoin tout en me bombardant d' un regard hagard et commence à me narrer ses positions, notamment en octobre 1988, et son article tronqué, mal interprété à l'époque, paru dans un journal, Le Monde, qui se targue d'être libre alors qu'il fait tout pour manipuler le propos de l'autre, refusant même, d'autorité, de publier sa mise au point. Kateb était affligé, lui qui a, de tout temps, été là, présent, dans toutes les luttes, disant son mot, au théâtre, à Tizi en 1980, condamnant les arrestations de Constantine en 1986.
Il était présent partout. Ce n'est pas sans raison qu'il a choisi de rentrer au pays en 1970, lui, le plus grand romancier maghrébin et africain, abandonnant un genre où il excellait, le roman, pour se consacrer au théâtre.
Il me disait souvent et même dans mon entretien paru dans Révolution africaine en 1985 qu'il ne pouvait s'imaginer loin de sa terre et des combats quotidiens, optant pour l'expression théâtrale parce que, là, il pouvait «communier et communiquer avec le peuple». Je lui parle du théâtre et de cette absence totale de productions sérieuses, de ces festibouffes qui mobilisent énormément d'argent, dilapidé, et d'auteurs démiurges à partir du moment qu'ils sont responsables, courtisé par d'autres directeurs craintifs, peureux, écuelle à la main, de ces «coopératives» (c'est le nouveau jargon, lui dis-je) de cinéma et de théâtre qui se sucrent à n'en plus finir, de ces «écrivains», «éditeurs» et «traducteurs» amateurs qui, comble de la démesure, ne maîtrisent sérieusement aucune langue. L'argent qui corrompt tout à la pelle au moment où l'Algérie agonise et les vrais producteurs mis à la marge.
Il écoute, lui qui allait à l'essentiel, refusant la danse du ventre, spécialité favorite de nombreux écrivains et artistes de l'époque et d'aujourd'hui qui se taisent, se terrent, queue en l'air, déconfite, ne voulant nullement s'impliquer, attendant les miettes du roi comme ce personnage de Dib, Wassem, un faux intellectuel, qui n'arrête pas de s'imaginer le bouffon incongru d'un roi en plastique. Il aimait le théâtre, mais bien plus que l'art scénique, il aimait son peuple.
Je lui ai raconté, lui l'ami d'Armand Gatti, de Jean-Marie Serreau et de bien d'autres grands noms de la littérature et des arts et surtout de Hrikès et de ce cordonnier du coin dont il a oublié le nom et aussi... cet imam de Sidi Bel Abbès, El Ouafi, qui devait être le héros d'une de ses pièces, mais jamais écite.
«Peut-être, me dit-il, qu'aujourd'hui, parce que j'ai beaucoup de temps, je l'écrirais et je la mettrais en scène avec de grands comédiens».
Je lui apprends que certains de ses anciens proches l'avaient lâchement attaqué, allant jusqu'à dire qu'il n'avait rien à voir avec le théâtre. Il sourit tristement et ne dit rien, lui, beau comme ce pin de Collo que nous visitâmes ensemble. Pas un traître mot. Il est au-dessus de la mêlée. Non, ce n'est pas important. L'essentiel est ailleurs.
Il ne veut pas trop s'appesantir sur le passé. Je lui apprends la mort d'amis communs : Alloula, Medjoubi, Lacheraf, Djaout, Mimouni et bien d'autres artistes et intellectuels de renom.
Il est affligé : «Quelle perte ! Djaout, avec ses moustaches, ressemblait à un saint ; Mimouni, génial maître du mot, avait un sourire timide qui ne le quittait jamais. Ah ! Abdelkader, je l'ai toujours imaginé comme un coureur de fond, Lacheraf était l'inusable forgeron des mots et d'idées nouvelles. Je les aimais beaucoup. Que dire d'autre de ces vrais poètes ? Je les ai toujours appréciés.»
Ce qu'il appréciait beaucoup chez eux, c'est leur engagement politique, leur courage et leur sincérité qui se conjuguaient avec leur manière de dire le monde et la littérature. Il rejoint ainsi Sartre qui, dans sa psychanalyse existentielle, insistait, en citant Faulkner, qu'aimait également Kateb, sur la relation dialectique entre style et vision du monde. Sartre et Kateb lancent en chœur : «Être c'est s'unifier dans le monde.» C'est cette idée justement qui semble plaire à Kateb qui veut s'informer sur les derniers soubresauts marquant le terrain social et politique : «Du nouveau ?» Enormément, lui répondis-je ? C'est l'impasse. «Comme j'aurais aimé être là, avec mes frères de combat. Il faudrait en finir avec les simulacres de démocratie et la terne pensée unique. Pour cela, il faudrait mobiliser tout le monde, au-delà de leurs appartenances politiques.» Volubile, il s'arrête, c'est un train qui passe tout en donnant l'impression qu'il est à l'arrêt : «Où sont les «intello» ou du moins ceux qui s'autoproclament comme tels ?» Je lui parle de l'élection, de Barakat, de la «coordination», des syndicats autonomes... Il reprend : «Tu sais, Ahmed, beaucoup m'ont tourné le dos quand j'avais, dans un entretien à Jeune Afrique, dit que les intellectuels, je m'en moquais. Ils attendent souvent une petite récompense du «chef», ils sont trop bavards quand il s'agit de s'attaquer aux petits chefs qui sont partis pour célébrer le nouveau venu paré de toutes les qualités. Je suis sûr que rien n'a changé. Ils mangent goulûment, tels des chacals et de mauvais bourricots, à tous les râteliers. Ils n'arrêtent pas de justifier leur lâcheté. Maintenant, vous avez internet et facebook, m'a-t-on appris, ils sont tellement d'impénitents froussards qui n'arrêtent pas de présenter des portraits figés et des images d'animaux sur leurs pages comme celles qu'on montrait à la télévision au moment de graves crises comme en octobre 1988 où la télévision était devenue un véritable aquarium. Mais tu trouveras toujours quelques rares écrivains, artistes, qui vont s'indigner sincèrement, vite lynchés par une meute de chiens avec de fausses dents. Mais, Ahmed, je crois toujours que ce sont des femmes qui vont changer les choses.» Je lui raconte les histoires de femmes-ministres.
Il sourit, il n'accorde nulle importance à mon propos. Puis, dès que je lui raconte l'histoire d'une jeune femme qui pourrait être une véritable Fatma n'Soumer et d'autres présentes dans un espace restreint d'universitaires, de journalistes et quelques rares écrivaines, elles se battent, selon la rumeur, pour mettre en œuvre une véritable refondation politique s'articulant autour de la quête renouvelée d'une légitimité et d'une citoyenneté à installer, avec des jeunes dont un romancier, son visage, déjà très beau, s'éclaire davantage : «Ah! quelle chance !» Puis, il se retourne, me fixe et me dit : «Et les autres écrivains ? Les autres artistes ? Les universitaires ? «Il y en a quelques-uns, très peu nombreux», lui rétorquais-je.
«C'est important, conclut-il, ses yeux lumière en bandoulière, c'est déjà un bon départ, tout est possible.» Je n'ai pas voulu l'accabler davantage, je l'ai laissé avec son livre de chevet, J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda.


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