Dans le projet de la nouvelle Constitution rédigée par le gouvernement, la lutte contre la corruption et le respect des droits de l'homme, une priorité. Pourquoi la lutte contre la corruption serait-t-elle maintenant une priorité, alors que durant les 3 précédents mandats de l'actuel chef de l'Etat, ça n'a pas été le cas ? Bien au contraire, la corruption, le crime organisé, le blanchiment d'argent, la fuite des capitaux, la fraude fiscale et l'exil n'ont jamais autant «prospéré» depuis près de 15 ans, c'est-à-dire depuis que les prix du pétrole n'ont cessé de grimper ? Selon une dépêche de l'APS datée du 16 mai dernier, «la lutte contre la corruption et l'interdiction de l'emprisonnement dans des lieux non prévus par la loi sont au centre du projet de révision de la Constitution, décidé par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans le but notamment de renforcer le respect des droits de l'homme et l'édification d'un Etat de droit». Dans son article 4, le projet de révision propose l'amendement de l'article 21 de la Constitution et sa reformulation comme suit : «Art.21.- Les fonctions et les mandats au service des institutions de l'Etat ne peuvent constituer une source d'enrichissement, ni un moyen de servir des intérêts privés». «Tout bien, de quelque nature qu'il soit, acquis par suite de corruption est confisqué conformément à la loi. Toute personne désignée à une fonction supérieure de l'Etat, élue au sein d'une assemblée locale, élue ou désignée dans une assemblée ou dans une institution nationales doit faire une déclaration de son patrimoine au début et à la fin de sa fonction ou de son mandat», a-t-on indiqué dans le même texte, ajoutant que «les modalités d'application de ces dispositions sont fixées par une loi organique». Encore une fois, une «tradition» gouvernementale depuis 15 ans, le gouvernement évoque, sans plus, la lutte contre la corruption. Cette dernière se généralise et se banalise sur fond de totale impunité. Extrait du communiqué du Conseil des ministres du 7 mai 2014 : «...Premièrement, la promotion de la bonne gouvernance, la lutte contre la bureaucratie et l'amélioration du service public qui doivent mobiliser l'ensemble des secteurs d'activité ; deuxièmement, la préservation des deniers publics de tout gaspillage, et la lutte contre la corruption et toute forme d'atteinte à l'économie nationale ; troisièmement, le renforcement de la démocratie participative en mobilisant le concours de la société civile, notamment dans la gestion locale.» Fin de citation. Ce n'est pas une loi organique qui fera le printemps En quoi une loi organique ferait mieux qu'une loi (2006) ou une ordonnance (1997) en matière de déclaration de patrimoine, dispositif législatif qui n'a jamais été appliqué mais qui a plutôt été piétiné et ignoré par ceux-là mêmes qui étaient concernés ? Pour rappel, le décret présidentiel du 22 novembre 2006 relatif à la déclaration de patrimoine avait défini le modèle de formulaire et les modalités de déclaration pour les agents publics non prévus par l'article 6 de la loi du 20 février 2006 de prévention et de lutte contre la corruption. A noter que le processus de déclaration de patrimoine actuel est complexe, insuffisamment détaillé, les catégories de déclarants sont multiples, et la multiplicité des niveaux de gestion des déclarations a encore davantage compliqué la situation. D'ailleurs, on a fait compliqué exprès, l'ensemble du processus étant volontairement rendu inapplicable. Il faut aussi relever que là aussi les auteurs du décret présidentiel avaient rédigé des dispositions surprenantes, notamment en matière de dépôt des déclarations (article 2 du décret du 22 novembre 2006) : ils ont inventé la notion de «délais raisonnables» ! Extrait de l'article en question : «La déclaration est déposée par l'autorité de tutelle ou hiérarchique, contre récépissé, auprès de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption, dans des délais raisonnables.» (JO n°74 du 22 novembre 2006). Là aussi, cet «Organe» a été totalement défaillant sur une de ses missions, pour ne pas dire complètement inexistant. Information, transparence contrôle, réforme, participation populaire, citoyenneté Au sujet de la déclaration de patrimoine des «agents publics» — l'on se rappelle la décision scandaleuse des députés en janvier 2006 de supprimer l'ex-article 7 du projet de loi anti-corruption qui prévoyait la déchéance du mandat ou la fin de fonction pour ceux qui ne déclarent pas leur patrimoine dans les délais. Comment prévenir et lutter contre la corruption avec de très mauvaises lois et des textes d'application insuffisants, et une inflation de réglementations inopérantes et/ou inappropriées ? Ni la meilleure des Constitutions (ce qui n'est même pas le cas), ni une loi fusse-t-elle organique, n'y changeront grand-chose. La lutte contre la corruption est avant tout politique. Information, transparence, contrôle, réforme, participation populaire, citoyenneté sont les maîtres-mots d'une avancée nécessaire qui se déclinerait en libertés à conquérir, en responsabilités à prendre, en ouvertures du pouvoir à d'autres secteurs de la société. Une des alternatives au phénomène de corruption se trouve dans la protection des dénonciateurs, la bonne gouvernance et la démocratie participative. Ce sont là des éléments essentiels pour mener la lutte contre la corruption. Les questions de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés sont fondamentales pour faire avancer ce combat, et en même temps plus il y aura de transparence dans la vie publique et la gestion des deniers publics, plus la pratique démocratique enregistrera des progrès.