A aucun moment depuis 1999, le pouvoir ne s'est retrouvé aussi isolé sur le front intérieur. L'engagement, tardif, il faut le dire, du chantier de la révision constitutionnelle, n'a pas manqué de lui en fournir la preuve. Etat de quasi-soliloque, tant il est réduit au partage avec ses seules clientèles. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) L'élection présidentielle du 17 avril a poussé, de par les conditions de son organisation et des résultats dont elle a officiellement accouché, à des ruptures jusque-là inattendues entre le pouvoir et l'opposition. La relance des consultations autour de la révision constitutionnelle n'aura pas constitué, le fait est là, le viatique par lequel le pouvoir aurait assurément souhaité sortir de son isolement. Dans sa large majorité, l'opposition politique a décliné son invitation aux consultations. Le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, auquel est confiée la mission de mener lesdites consultations, est assuré, à une semaine de l'entame des tours de table, que les forces agissantes de l'opposition manqueraient à l'appel. Ces dernières ont, d'ailleurs, enfourché d'autres perspectives, comme celle de travailler à asseoir les conditions d'une transition démocratique. En effet, c'est cet objectif qui anime les deux entités politiques, la Coordination nationale pour la transition et les libertés démocratiques (CNTLD) et le Pôle du changement. Ces deux conglomérats politiques, qui transcendent les chapelles et les obédiences idéologiques, se sont rendus maitres de l'initiative politique et travaillent à structurer des espaces de concertation les plus à même de servir de creuset à la fécondation de l'idée de l'évacuation des système et régime politique en place. Mais aussi à configurer des nouveaux rapports de force pour parvenir à imposer le changement pacifique. La Coordination nationale pour la transition et les libertés démocratiques est auteure d'une plate-forme politique qui sera soumise à discussion lors d'une conférence nationale prévue le 10 juin prochain à Alger. Le Pôle du changement, coordonné par l'ancien chef du gouvernement Ali Benflis, est auteur, lui aussi, d'une initiative politique similaire qu'il compte soumettre au peuple une fois peaufinée. Les deux initiatives, aujourd'hui distinctes mais qui pourraient converger à l'avenir, sont les deux seules significatives que la scène politique consigne pour le moment. Elles sont nées de la même idée de pousser vers le départ un système obsolète qui, pour se pérenniser, n'a pas hésité à reconduire à la magistrature suprême, et pour un quatrième mandat de suite, un homme impotent. En agissant de la sorte, le système s'est enfermé davantage dans l'impasse politique. Contreproductive, la reconduction de Bouteflika s'est en effet soldée par l'isolement du pouvoir. Un isolement qui rend difficiles les consensus nécessaires pour la gouvernance. L'autisme et l'entêtement risquent en l'espèce de s'avérer une erreur fatale.