«Des forces occultes essaient d'influencer la politique et la direction économique du pays.» C'est Slim Othmani, patron de NCA Rouiba, qui le déclare à notre confrère TSA, comme l'a très fortement suggéré la veille et dans le même TSA, Issad Rebrab. Si Othmani confirme les blocages subis par certains entrepreneurs, dont Rebrab, il va plus loin encore et affirme «qu'à la veille de l'élection présidentielle, une liste a été établie et sur laquelle figuraient des noms d'individus à qui on doit régler leurs comptes après l'élection» ! S'il ne faut pas s'étonner de pratiques qui n'ont rien à envier à la mafia, l'on est tout de même en droit de se poser la question «jusqu'où ira cette substitution du politique par les «affaires». La collusion barons d'affaires - hommes de pouvoir commence à être dévoilée au grand jour. Le patronat n'a pas attendu longtemps après les élections présidentielles du 17 avril dernier pour subir les effets collatéraux du grand soutien inconditionnel pour un quatrième mandat que le président — Reda Hamiani — du Forum des chefs d'entreprises FCE a signifié au nom de ce patronat. L'on se rappelle que pour parvenir à cet alignement sur la reconduction de Bouteflika, Hamiani a dû tenir plusieurs assemblées de son organisation pour réunir enfin le quorum. Dès la déclaration de soutien il en fut un, Slim Othmani, qui s'est démarqué publiquement de ce soutien. Il en fut certainement beaucoup d'autres qui n'ont pas osé se prononcer publiquement contre, mais qui n'en pensaient pas moins. Issad Rebrab, qui avait quitté le FCE, a très tôt défendu une autonomie de son groupe à l'égard du politique et refusé «de s'inscrire dans des enjeux de cette nature». Dans une interview accordée cette semaine à notre confrère de TSA, le patron de Cevital dévoile les nombreux blocages qui sont mis sur la route de cet investisseur qu'une campagne d'intox a tenté vainement de faire passer pour un investisseur qui veut délocaliser tous ses projets . «Nous n'avons absolument aucune intention de délocaliser quoi que ce soit», répond Rebrab au journaliste à propos de ces rumeurs, et de préciser : «Nous avons, aujourd'hui, les moyens nécessaires pour réaliser des projets en priorité dans notre pays.» Se refusant toutefois à vouloir se faire passer pour un philanthrope, il ajoute, et c'est à son honneur : «Nous voulons que Cevital continue à se développer en Algérie d'abord, puis à l'international.» Mais voilà, il est face à un mur, et de toute évidence, ceux qui décident là-haut préfèrent les importateurs aux créateurs d'entreprises, à ceux qui créent des emplois. Des emplois justement, il en parle et semble avoir intégré dans ses projets cette dimension. «Nous avons trois grands projets sur lesquels nous n'avons pas eu de suite. Parmi eux le projet de trituration de graines oléagineuses qui a été déposé depuis plus de 10 ans. Nous avons également un projet de pétrochimie qui pourrait, à lui seul, créer près de 3000 PME/PMI et engendrer près de 600 000 à 900 000 emplois et un projet dans le domaine de la sidérurgie.» Et lorsqu'il lui fut demandé pourquoi ces trois projets sont toujours bloqués, s'il répond qu'il ne lui a été signifié aucune réponse, dira toutefois : «... j'ai cherché à comprendre les raisons du blocage, j'ai fait mon enquête et il est vraiment triste de découvrir que certains confrères intoxiquent certains décideurs en leur rapportant des propos déformés. Des confrères qui sont très proches de certains décideurs. Et parmi ces confrères justement des membres du Forum des chefs d'entreprises que j'ai décidé finalement de quitter». C'est un euphémisme que de dire qu'ils sont proches des décideurs, ne sont-ils pas, plutôt, les véritables décideurs, les lobbys solidement installés, prospérant à l'ombre du pouvoir et décidant du devenir du pays, puisqu'ils influent sur ses grands projets qu'ils font accepter ou refuser au gré de leurs propres intérêts ? Othmani, qui dévoile cette liste rouge établie à la veille du 4e mandat pour briser les reins des véritables entrepreneurs, s'il estime que «l'on n'a pas un président dictateur aujourd'hui, mais autour de lui des gens se comportent comme s'il était dictateur», estime toutefois que l'Algérie commence à ressembler à un régime à la Ben Ali «et que certains chefs d'entreprise qui se substituent au Président «sont prêts à beaucoup de violence, il faut que les gens le sachent».