En deux mois d'activité du gouvernement, trois ministres ont réussi à se faire remarquer par leurs actions et leurs déclarations. Nouria Benghabrit pour sa volonté de réformer le système éducatif, Mohamed Aïssa par sa vision moderne de la gestion du culte et Hamid Grine par ses tentatives de mettre de l'ordre dans la presse. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Ils dérangent, font grincer des dents et bouleversent l'ordre établi. Mais une chose est sûre, Nouria Benghabrit, Mohamed Aïssa et Hamid Grine ne laissent pas indifférent. Membres du premier gouvernement du quatrième mandat, ces trois ministres sortent du lot. Honneur aux dames, commençons par Nouria Benghabrit. Sociologue de formation, elle quitte son poste de directrice du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle pour le ministère de l'Education nationale. Premier défi: réussir l'organisation des examens du baccalauréat et du brevet d'enseignement moyen. Mais dans un secteur dominé par des cadres essentiellement arabophones, islamistes et baathistes, son arrivée suscite de vives critiques. Pour s'en prendre à elle, ses détracteurs passent directement à la calomnie : «Elle est juive et ne sais pas parler l'arabe.» La campagne est telle, qu'elle estime nécessaire de se justifier. «C'est une méconnaissance totale et dramatique, et une absence de culture qui trahit ceux qui ont colporté ces informations. Mon grand-père, le fondateur de la Mosquée de Paris, était un grand humaniste. On reproche à cet homme son humanisme, lui, qui durant la Seconde Guerre mondiale, a sauvé des juifs aux côtés des Arabes qui ont vécu dans la paix totale. Ce qui dérange est de porter aujourd'hui un nom qui représente cette paix fondée sur un grand humanisme», explique Benghabrit dans un entretien accordé à El Watan. Pour elle, la priorité consiste à réformer au plus vite le secteur de l'éducation. Un chantier que Nouria Benghabrit lancera les 20 et 21 juillet à l'occasion de la Conférence nationale de l'éducation. Anti-tabou Au sein du gouvernement Sellal III, le ministre des Affaires religieuses s'est révélé être un véritable «briseur de tabous». La méthode Mohamed Aïssa diffère totalement de celle de son prédécesseur, Bouabdellah Ghlamallah. Plus d'ouverture et moins de rigorisme. «Quand je dis que je suis le ministre des Affaires religieuses, il faut entendre toutes les religions. Quand nous sortons de la sphère musulmane, il y a la religion chrétienne et ses églises au pluriel, catholique, protestante, méthodiste, évangéliste, calviniste, et j'en passe encore, nous les recevons toutes !», déclarait, la semaine dernière, Mohamed Aïssa lors de son passage au forum de Liberté. Et le ministre ira jusqu'à regretter que les synagogues soient toujours fermées pour des raisons de sécurité. Au sujet de la lancinante question du jeûne durant le mois de Ramadhan, il expliquera que son observation «est d'ordre privé». «Nous n'allons pas décréter contre eux de fetwa ni solliciter les forces de l'ordre pour les arrêter !», dira-t-il à propos des non-jeûneurs. Nous sommes loin de l'esprit de chasse aux sorcières qui caractérise chaque Ramadhan. Zorro est arrivé... Il est journaliste, écrivain et a été pendant une douzaine d'années le tout-puissant directeur de la communication de l'opérateur de téléphonie mobile Djezzy. Hamid Grine, le nouveau ministre de la Communication, s'est fixé un but : assainir le paysage médiatique. Dès sa prise de fonction, il prend pour cible les journalistes «pas assez professionnels» à son avis et les éditeurs privés qui ont amassé des fortunes grâce à «l'indulgence de l'Etat». Pour les premiers, il développe un programme de formation censé leur inculquer «l'éthique et la déontologie». Quant aux seconds, ils auront droit à des suspensions et des mises en demeure afin de les forcer à payer leurs factures d'imprimerie. Le ministre veut également imposer de nouvelles règles d'attribution de la manne publicitaire institutionnelle. Ses actions ont soulevé une tempête de critiques. Mais Hamid Grine sait qu'il doit faire vite. Un ministre de la Communication reste rarement en poste plus d'une année.