Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
L'entretien de la semaine Dr Nacerdine G., médecin généraliste, au soirmagazine :
«Seul le médecin est habilité à juger si l'état de santé d'un diabétique lui permet de faire le carême»
Dans cette interview, Dr Nacerdine revient sur les dangers qu'encourent les diabétiques qui s'obstinent à observer le jeûne. Il insiste sur la méconnaissance des incidences sur leur état de santé, et parfois même l'inconscience de certains malades à vouloir à tout prix jeûner. Soirmagazine : Comment expliquez-vous, d'un point de vie physiologique, la réaction de l'organisme lorsque l'on jeûne ? Dr nacerdine G. : Le jeûne provoque la diminution du glucose circulant. Pour s'approvisionner en ce nutriment indispensable, l'organisme puise dans la quantité stockée au niveau du foie sous forme de glycogène. Les réserves de l'organisme en glucose permettent de couvrir ses besoins pendant 24 heures. Au-delà, le glucose est obtenu à partir des protéines au niveau des muscles et des acides gras des tissus adipeux. Ce mécanisme explique bien l'amaigrissement chez les sujets en manque de glucose. Chez les diabétiques, la production de glycogène au niveau du foie est perturbée et la sécrétion de l'insuline altérée. Les conséquences du jeûne vont donc se faire sentir rapidement à travers un tableau clinique typique. Quels sont les risques et les complications liés au jeûne chez les diabétiques ? Pendant le Ramadhan, la glycémie des diabétiques est fortement perturbée. Généralement, on enregistre une hypoglycémie durant la journée. Mais après le f'tour, le diabétique peut faire une hyperglycémie et même une décompensation métabolique due à un apport alimentaire excessif. On assiste généralement à un syndrome polyuro-polydipsique qui se manifestera par une soif intense et une envie fréquente d'uriner. La grande quantité de glucose qui circule dans l'organisme ne peut être utilisée en absence d'insuline. La complication majeure, c'est le coma acidocétosique qui sera lourd de conséquences, sa prise en charge est désagréable, elle se fait en milieu hospitalier. Mais il y a également la déshydratation, un risque non négligeable, notamment en période de grosses chaleurs, comme c'est le cas cette année. Peut-on dire que le jeûne est contre-indiqué ? Le Saint Coran indique clairement dans quel cas le jeûne est contre-indiqué. Donc il ne faut pas mettre en péril la santé de celui qui l'observe. Je dirais que le diabète est un grand volet. Il existe plusieurs situations, comme par exemple pour les diabètes non insulino-dépendants qui s'installent progressivement, le patient peut faire le carême sous surveillance. Surtout chez les sujets dont l'état général est conservé. Par contre, le jeûne est contre-indiqué en cas de diabète traité par insuline et qui est donc déséquilibré, en cas de complications dégénératives ou si le patient présente une affection associée. Il peut dans ce cas reporter le jeûne. Notre religion a tout prévu. La sourate II, verset 184 : «Celui d'entre vous qui est malade ou qui voyage jeûnera ensuite un nombre égal de jours.» En plus cette période de jeûne peut être compensée pour une personne dispensée de Ramadhan par son médecin traitant. Quel praticien spécialiste doit-on consulter pour avoir un avis médical ? Faire le carême est si profondément ancré dans le cœur des musulmans, et ce, quel que soit leur état de santé. Donc, c'est très difficile de convaincre des diabétiques de s'abstenir de jeûner. Le problème doit être pris en charge par un spécialiste. Les complications de l'état de santé d'un diabétique, liées au jeûne, présentent un péril imminent pour sa santé. Donc avant le début du Ramadhan, les malades chroniques doivent impérativement consulter leurs médecins traitants, qui sont généralement des praticiens qui maîtrisent parfaitement le sujet. Mais l'idéal est de consulter un diabétologue, surtout quand il s'agit d'un diabète déséquilibré ou compliqué. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, les patients ne sont pas toujours bien conseillés, des fois ils sont même orientés par des gens hors du domaine médical. Ils s'agit d'attitudes qui peuvent avoir des conséquences très graves. Enfin, je déplore le comportement de certains praticiens généralistes qui déconseillent systématiquement le jeûne pour les diabétiques et il y a même ceux qui laissent le libre choix au patient. Quelle est la conduite à tenir par un diabétique en matière de préparation au jeûne ? Généralement, le patient ne veut pas faire de lien entre sa maladie chronique et les obligations religieuses, il refuse d'admettre que le jeûne a une influence sur l'état de sa santé. Le médecin traitant doit l'informer sur les risques potentiels qu'encourt un diabétique qui fait le carême d'une manière anarchique. Le patient doit savoir que le diabète est une maladie chronique évolutive qui nécessite un régime alimentaire adapté et une thérapie régulière et adéquate. Quelles sont les contre-indications absolues pour le jeûne ? Je dirais les sujets âgés, les diabétiques déséquilibrés et ceux présentant des complications liés à leur maladie, le diabète. Mais aussi ceux qui sont sous traitement potentiellement hypoglycémiants. Quels conseils donner aux personnes diabétiques avant le ramadhan ? Seul le médecin est habilité à juger si l'état de santé d'un diabétique lui permet de faire le carême. Avant de prendre une telle décision, le patient doit en premier lieu passer une visite médicale de contrôle et discuter avec son médecin traitant. Chaque diabétique qui pratique le Ramadhan sans un suivi médical préalable s'expose aux risques et aux complications graves liées au déséquilibre de son diabète. Pour les conseils, il faut savoir qu'un diabétique discipliné connaît bien les symptômes de l'hypo et l'hyperglycémie, il peut donc prévoir les complications. Il doit renforcer son auto-surveillance durant le Ramadhan. Surtout en cas d'hypoglycémie, il doit rompre le jeûne et se resucrer immédiatement. Eviter les efforts physiques et sportifs intenses durant le jeûne et particulièrement lorsqu'il est confronté à des conditions climatiques de fortes chaleurs, comme c'est le cas cette année. Cela augmente le risque d'un malaise hypoglycémique. Fractionner les repas après la rupture du jeûne est recommandé, en deux ou trois prises alimentaires, pour éviter les grosses collations, qui augmentent considérablement le risque des hyperglycémies.