Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Le déni d'une réalité, vieille d'au-moins dix années, est enfin battu en brèche. Officiellement ce sont donc les praticiens de l'enseignement qui viennent de reconnaître l'étendue d'un échec après l'avoir réfuté par le passé. Sans doute qu'il faut saluer cette «conversion», même tardive, en ce sens qu'elle pourrait constituer le bon levier, susceptible de sortir l'école d'un marasme que n'ont eu de cesse de dénoncer les parents d'élèves. Sanctionné pour ses piètres performances, l'enseignement algérien souffre toujours de l'environnement politique détestable, lequel, durant un quart de siècle, a été le commanditaire de ses orientations. Même les plus didactiques ! Or, la légion de pédagogues qui l'encadrait fut, elle aussi, sélectionnée sur des critères idéologiques au point de s'ériger en digues imperméables autour de certaines matières d'enseignement. Dire par conséquent que le contrôle de l'école a, de tout temps, été un enjeu politique primordial n'est pas excessif. Sauf que les luttes concernant sa captation ont connu des modulations différentes selon les séquences des pouvoirs qui se sont succédé. A ce propos, il est évident que les nuisances idéologiques des deux dernières décennies ont contribué, bien plus que les précédentes, à en saper ses fondements. Incarné par la longévité hors normes d'un ministre, le mythe d'une réforme, qui a tourné au massacre d'une génération scolarisée, se veut aujourd'hui le point de rupture à partir duquel l'on perçoit un certain désir et peut-être aussi une volonté politique de reprendre à zéro la restauration pédagogique de l'école. Madame Benghebrit, héritière d'un véritable pot-pourri, est à son tour condamnée à pousser au-delà du ravalement des programmes ou bien de l'harmonisation des coefficients entre les matières enseignées, au nom de la performance et de l'excellence. Il lui faut concevoir une autre architecture pédagogique qui permettrait au cursus des 3 paliers d'être le bon fournisseur de l'université. Vaste chantier qui concernera une génération. Autant dire que les pré-requis devrait à leur tour être remis en question. En effet, ne suffit-il pas de passer au «scanner» des spécialistes ès pédagogie pour se convaincre de l'obsolescence du système qui prévaut à ce jour ? Un véritable «corps malade» qui n'a généré que d'approximatifs impétrants à la formation supérieure. Aussi, si cette école s'était véritablement mise à l'heure du changement dès 2001 on en aurait perçu les effets positifs à travers la notoriété de nos universités. Hélas se fut l'inverse qui s'était commis, comme ont dit d'un «délit». Celui des insoutenables replâtrages de tâcherons, préoccupés honteusement à la falsification des résultats. L'exemple de ce tripatouillage ne nous avait-il pas été fourni encore par la risible instauration d'une seconde session à l'examen de passage vers le palier du moyen ! A lui seul celui-ci est révélateur des errements d'une institution qui, en son temps, avait hérissé tous les pédagogues sérieux. Comment en effet pouvait-on, il y a une dizaine d'années de cela, souscrire à une improbable évaluation en «deux temps» alors que l'on a affaire à des bambins de 11 ans dont le suivi a théoriquement duré 5 années ? Même si l'on est dans l'anecdotique avec cette historie de rattrapage en culotte courte néanmoins l'on touche là à l'esprit qui a présidé globalement à cette fumisterie que fut la réforme 2003-2012. Celle qui s'est confinée dans une «révolution» copernicienne au point de faire tourner en rond l'école algérienne. L'immobilisme est justement le qualificatif qui la caractérise depuis une décennie. Car malgré les diagnostics et les mille et une propositions faites par des spécialistes (la commission Benzaghou 2001), elle est demeurée assujettie aux injonctions du politique. Et cela même dans la gestion des quotas de réussite aux examens ! C'est-à-dire que... ! Alors que quelque part il se dit que l'école s'apprête à connaître un «autre temps et d'autres mœurs» évidemment ce ministère ne serait-il pas bien inspiré s'il venait à évacuer de ses objectifs le recours au réformisme à la petite semaine ? Celui qui ne concerne que les manuels et leur contenu ou bien la hiérarchisation du temps de cours pour chaque matière. Aller à l'essentiel ne consiste-t-il pas effectivement à l'harmonisation transversale du savoir pour les trois paliers ? C'est sur cela qu'est attendu ce nouveau ministère lequel bénéficie pour le moment d'une bonne presse. Or que vaut un capital de sympathie lorsqu'il faudra résister au feu roulant de la critique et des accusations venant des chapelles traditionnelles prônant une école uniquement rivée dans le socle de quelques constances identitaires ? Il ne fait pas de doute que la plupart de ceux qui eurent à conduire la politique scolaire avant l'actuel attelage succombèrent vite à la compromission que l'on connaît. Car faute d'un pouvoir d'Etat conséquent dans ses choix et suffisamment courageux pour mettre ses réformes en application, l'on imagine à l'avance, qu'une fois de plus, la déstabilisation visera ceux qui eurent la probité de faire le procès d'un système éducatif décadent. Voilà pourquoi l'enthousiasme, suscité par les récents effets d'annonce, doit être tempéré. Et pour cause ce ministère de l'école, «nouvelle version», est d'ores et déjà sous haute surveillance.