J'ai toujours eu de l'estime pour votre journal que je trouve sérieux et objectif. Or, aujourd'hui, je suis sincèrement secoué pour ne pas jouer sur les mots. Je lis un entretien d'un imminent expert en astronomie. Il serait intéressant d'aller visiter le laboratoire d'astronomie de Mr Loth Bonatiro, s'il existe, avant d'abreuver les lecteurs de son imminente science. Or, à ma connaissance, Mr Bonatiro n'est pas astrophysicien, ni géologue et encore mieux sismologue. Prédire des séismes deux mois avant (lire TSA du 1er juillet 2014) et récidiver aujourd'hui dans votre journal, relève de l'astrologie et je suis sûre que vous comprendrez la nuance. Statistiquement, nous pouvons dire qu'il fait chaud en été et froid en hiver. Le même raisonnement est valable pour toutes les zones nord du pays où nous avons de fortes probabilités d'occurrence de séismes. Quant à savoir où et quand, toutes les technologies actuelles mises en œuvre et les grandes avancées dans la connaissance scientifique, ne permettent pas d'y répondre. Lors du tremblement de terre de Boumerdès du 21 mai 2003, pendant que nos équipes travaillaient sur le terrain et que tous les Algériens étaient mobilisés dans la douleur pour prêter assistance aux victimes, cet imminent expert, ne possédant ni laboratoire de mesure, ni équipe technique sous sa responsabilité, a passé son temps à concocter à sa manière, un article dans le journal l'Expression du 29/05/2003 pour prédire et affoler encore plus les Algérois et les Algériens, en prédisant plusieurs séismes majeurs. Ci-joint un extrait de cet article : de la pure folie. Voici un extrait de cet article : "La nouvelle lune prochaine aura lieu le 31 mai 2003 à 05h 20min du matin et de fortes secousses à l'échelle mondiale sont à prévoir autour de cette date. Les dates retenues, dans l'immédiat, pour d'autres secousses sont : - la nuit du 4-5 juin 2003 (1er quartier à près de 1h00min). - La nuit du 13-14 juin 2003 (pleine lune à 6h 40min). - La nuit du 22-23 juin 2003 (dernier quartier à près de 7h 00mn)». Nous sommes en face d'un cas que je pourrais assimiler à un état psychiatrique. Ne s'arrêtant pas là, cet expert récidive le jeudi 9 août 2007, en se substituant à un expert en tsunami lors d'une forte tempête ayant affecté le littoral ouest algérien en déclarant au journal Liberté ce qui suit : «De son côté, le Pr Loth Bonatiro, a estimé que la déferlante pourrait avoir été provoquée par une expérimentation d'armes conventionnelles en Méditerranée». Encore une fois, il devient cette fois expert en stratégie militaire. Le 12 juin 2008, suite au séisme d'Arzew, cet imminent expert se fait remarquer une énième fois au point de soulever l'ire de ses collègues. Dans un article du Quotidien d'Oran du 12 juin 2008, le Pr Mimouni de l'université de Constantine fustigea les démonstrations publiques, grotesques et éhontées de cet individu «La science fissurée : Encore une fois, avons-nous eu à subir les explications sidérantes d'un Bonatiro sur la secousse tellurique du vendredi 6 juin dans la région d'Oran, comme lors de chaque catastrophe naturelle dans le passé.» Toujours en 2008, cet imminent expert a fait paraître un article intitulé : «Bonatiro, l'homme qui fait trembler les Algériens» où il récidive en déclarant «Il faut s'attendre à d'autres activités sismiques dans les prochains jours et les prochains mois. Cela se passe généralement en phase lunaire. L'année 2008 marque la moitié de ce cycle et l'activité solaire est au minimum. La puissance des prochains séismes ne sera pas aussi violente que celle de 2003.» Je suis d'autant plus consterné par le silence de nos institutions scientifiques algériennes chargées de la prise en charge du risque sismique en Algérie en laissant un grand espace d'expression où la rhétorique et la médiocrité surpassent la raison scientifique. Chers journalistes, ayez la décence de contacter des gens de la profession, qui embarquent sur des bateaux équipés de moyens technologiques leur permettant de faire des scanners du fond marin algérien pour comprendre l'origine des séismes algériens. Ces mêmes équipes ont quadrillé l'Algérie d'équipements sismologiques ultra sensibles, leur permettant d'approcher au mieux ces phénomènes et les comprendre. Ce n'est qu'en comprenant les pathologies de notre terre que nous pourrons intervenir en amont et sur le long terme. Les plus grands spécialistes sismotectoniciens et sismologues du monde entier ne pourront jamais affirmer les folles déclarations charlatanesques de cet expert à qui vous donnez la parole. De grâce, épargnez aux Algériens ce type d'articles qui n'apportent rien à personne, si ce n'est la béatitude de son auteur. Votre dévoué lecteur A. B. * Consultant géologue. Membre du conseil scientifique du Craag. Enseignant et responsable du module Géorisques à l'Université de Montpellier.