Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Après une éclipse ayant duré plus de 9 ans, il vient d'annoncer son retour. Samedi dernier Benflis a, effectivement, déclaré qu'il allait «s'exprimer bientôt» sur le sujet. Dans la bonne tradition des politiciens, qui font preuve de prudence devant les micros de la presse, il n'en dira pas plus, laissant ainsi le soin aux journalistes de conjecturer sur ses intentions futures. Il est vrai qu'il y a, au moins, deux ou trois bonnes raisons de s'intéresser à cette personnalité qui fut, par le passé, celle qui a posé à Bouteflika le problème crucial de l'alternance en des termes différents de ceux qui avaient cours au sein des courants radicaux et anti-système. Le fait même que cet ex-chef du gouvernement ait été crédité de solides appréciations auprès des décideurs ne lui avaient-ils pas valu d'occuper des fonctions régaliennes (ministre de la Justice) et permis de devenir par la suite un collaborateur majeur dans la promotion de la candidature de Bouteflika dès janvier 1999 ? Son cheminement lisse au cœur du processus mis, alors, en place par l'armée pour élire, en avril de la même année, l'actuel Président, avait contribué à faire de lui une pièce maîtresse de l'échiquier du nouveau pouvoir. Et c'est sans doute au tournant de l'année 2000 lorsqu'il succéda, en août, à Benbitour à la chefferie du gouvernement et après avoir récupéré les clés du secrétariat général du FLN, que se «remodelèrent» ses convictions. Sur ce dernier point, il faut bien insister sur le vocable «conviction» qui a peu de similitude de sens avec «ambition. Benflis est en effet une personnalité profondément nourrie d'un certain scrupule moral en politique contrairement à celles, plus nombreuses, qui seraient affligées par l'esprit de conquête quel qu'en serait le prix. C'était par conséquent à partir de ce double levier du régime constitué par le FLN et l'intendance de l'Etat qu'il commença à prendre la mesure du décalage énorme entre les sentencieux discours du Président et les incessantes manœuvres qu'il dirigeait depuis le palais. Les législatives de juin 2002 qui dopèrent par la fraude le FLN, dont il avait formellement la responsabilité, n'avaient pas, à ce moment-là, alerté sa méfiance. S'accommodant du score et de cette majorité absolue au Parlement sans trop se poser de problème, il n'a finalement pas su anticiper le verrouillage qui se préparait autour du FLN. Tout au long des mois qui suivirent, ses rapports avec El-Mouradia se firent un peu plus tendus au fur et à mesure que se rapprochait la réunion du comité central issu du 8e congrès. Mettant en avant la logique formelle de la représentation nationale Benflis laissait, alors, entendre chaque fois qu'était évoquée sa relation détestable avec le Président, qu'«il ne voyait aucune raison de quitter le gouvernement dès l'instant où le FLN est assuré de la majorité absolue à l'APN». Cette posture, très vite perçue comme un casus-belli entre Bouteflika et son Premier ministre, le désigna à la vindicte qui lui reprochait de transgresser la Constitution. Or au printemps 2003, ce malentendu foncier qui s'efforçait de préfigurer un début d'émancipation des mécanismes de fonctionnement de la gouvernance sera déplacé par la violence des nervis en dehors des structures de l'exécutif. Autrement dit, il fallait démanteler les instances de délibération du parti et ainsi parvenir à convaincre les députés et les ministres que le secrétaire général ne représentait que lui-même en matière de discipline militante. La suite, comme on le sait, s'accomplira après le parachutage de Belkhadem et le nettoyage par le vide qu'il orchestra jusqu'à faire invalider le 8e congrès. Or, malgré les innombrables recours à l'intimidation et à la confiscation illégale de tous les moyens pour faire valoir ses droits sur l'inventaire du FLN, Benflis décida quand même de se porter candidat en 2004. Accompagné de quelques carrés de fidèles partageant ses convictions, il semblait ne viser qu'une campagne de témoignage. La férocité et les truquages de l'administration conforteront ses certitudes quant à l'impossibilité de changer de l'intérieur un système en lequel il avait lui-même cru et servi avec parfois du zèle et souvent avec loyauté. Or après avoir observé 10 années de silence et sûrement divorcé du FLN, il est maintenant attendu surtout sur d'autres sujets du passé et pas seulement sur la situation actuelle du pays et ses projections personnelles. Car, en ce qui concerne son parcours et les péripéties qui l'ont ponctué, ne serait-il pas désormais en devoir de clarifier toutes les zones d'ombre relatives à la détérioration de la confiance entre eux ? Il y a certainement du désir de tout savoir. Et c'est maintenant ou jamais que cette obligation de transparence et de sincérité est utile à une opinion encore intoxiquée par la désinformation en vigueur dans toutes les institutions de l'Etat. Benflis, protagoniste du pouvoir durant 4 années, est désormais tenu de révéler les pratiques et de nommer les tireurs de ficelles. Là où se croisent les dérives de l'Etat et les officines de l'intrigue qui ont fini par faire le malheur du pays. C'est uniquement à cette condition qu'il pourra se prévaloir de quelques ambitions afin de quitter définitivement son désert politique.