Voilà un ouvrage dont la lecture devient source d'inspiration et de réflexion positive, un livre qui incite à rêver et qui encourage à aller de l'avant. Coécrit par Narimane Atchi et Taïeb Hafsi, Sonatrach, le temps de pionniers vient enrichir la collection «Les grands bâtisseurs» de Casbah Editions. Qu'ils soient cadres du secteur public, jeunes universitaires ou entrepreneurs privés, les lecteurs devraient même en faire un de leurs livres de chevet. A l'exemple de la première étude monographique de la collection — celle consacrée par Taïeb Hafsi au patron de Cevital (Issad Rebrab. Voir grand, commencer petit et aller vite, Casbah Editions 2012) — cette deuxième contribution sera pour eux pleine d'informations, riche d'éclairages, d'explications et d'enseignements. C'est le genre de livre qui aide à ouvrir les yeux, à cultiver son esprit et à entrevoir des perspectives nouvelles dans la vie. Une manière de voir qui réconcilie le rêve et la réalité, si on peut dire. Dans cette présente étude, les deux auteurs présentent des entrepreneurs publics dont l'histoire est liée à celle de Sonatrach et «qui ont réalisé des choses ayant valeur d'exemple». Ils nous racontent, en particulier, la belle «histoire de Mohamed Mazouni et de l'équipe d'Arzew». C'était au temps des pionniers... Narimane Atchi et Taïeb Hafsi savent trouver les mots justes pour faire partager aux lecteurs leur enthousiasme. Et cette histoire «est belle pour beaucoup de raisons», explique Taïeb Hafsi. «D'abord, elle nous montre que bâtir peut se faire dans le secteur public, lorsque celui-ci est capable de surmonter sa nature bureaucratique. C'est ce qui s'est produit à Singapour, à Taïwan et en Corée du Sud. Elle est belle parce qu'elle montre que les bâtisseurs du secteur public sont des êtres d'une grande générosité, d'une granhumanité. Ils se sacrifient pour le bien-être des autres. Cela nous dit qu'il ne faut pas les confondre avec les voleurs, ceux qui profitent des faiblesses du système pour s'enrichir au détriment de tous». Bien au contraire, souligne-t-il, «cette histoire nous montre que ce ne sont pas les personnes du secteur public qui sont la cause des malheurs de l'Algérie, mais le système qui s'est imposé à eux et dont ils sont aussi les victimes sacrificielles. Cette histoire nous réconcilie avec des instruments importants du développement économique, comme Sonatrach». Dans l'introduction, Taïeb Hafsi explique par ailleurs comment et pourquoi la passionnante histoire de la raffinerie d'Arzew devrait être un exemple de bonne gouvernance, et servir de modèle de management. «Un pays déprimé a besoin de modèles», et les dirigeants notamment «mériteraient de mieux comprendre ce qui s'est passé et de l'exploiter à créer un secteur public fécond et créatif qui peut faire la différence entre la réussite ou l'échec de la nation». Il n'oublie pas de préciser que «le travail a été fait en grande partie par Narimane Atchi», diplômée de HEC Montréal et qu'il avait eue comme étudiante (Taïeb Hafsi, en plus de l'écriture et de nombreuses activités académiques au sein d'associations, est professeur titulaire à HEC Montréal). Lui a «travaillé surtout à clarifier l'esprit» de l'expérience d'Arzew à laquelle il avait été associé de 1968 à 1976. Tout en rendant hommage aux jeunes managers algériens qui avaient lancé et réalisé avec succès le projet de la raffinerie d'Arzew, les coauteurs donnent donc à lire un travail scientifique rigoureux et de grande qualité pédagogique. Les lecteurs ont ainsi l'occasion de mieux connaître l'entreprise Sonatrach et ses promoteurs, en particulier l'histoire du projet d'Arzew ici racontée et analysée de fort belle manière en quatre parties. La première décrit le contexte des années 1960-70, au lendemain de l'indépendance. Toujours dans le secteur des hydrocarbures, la deuxième partie du livre met en lumière un collectif de jeunes cadres. Ces entrepreneurs publics avaient fait et animé l'histoire de la raffinerie d'Arzew et ils étaient «guidés par un leader inspiré», Mohamed Mazouni en l'occurrence. La troisième partie décrit, elle, «l'expérience technologique, managériale et humaine» de la raffinerie d'Arzew. Intitulée «Les grands défis du leadership et de l'entrepreneuriat publics», la quatrième partie souligne combien «les jeunes ingénieurs et cadres d'Arzew travaillaient sans aucune balise». A l'époque, «tout se passait comme s'il fallait tout réinventer», et ces jeunes «allaient découvrir les défis de la gestion». L'aventure humaine était formidable, dans la mesure surtout où «cette expérience révèle la résilience de l'esprit humain. Face à l'inconnu, les hommes sont capables de trouver leur chemin. Ils sont capables de création, de discipline, de courage, de travail hors du commun». Pour maîtriser la technologie, ces jeunes cadres et techniciens se sont naturellement servis du modèle fourni par le partenaire japonais. Ah ! toute cette énergie salvatrice. Des pionniers. Car «la raffinerie d'Arzew était aussi la première grande expérience de prise en charge totale d'un complexe industriel par des cadres algériens (...). En fait, ce fut le creuset dans lequel la culture Sonatrach s'est développée avant de s'étendre ensuite à l'ensemble de l'entreprise». Comme il est rappelé en quatrième de couverture, on peut alors dire que «ces pionniers dirigés par Mohamed Mazouni sont les véritable héritiers de la révolution de Novembre et il est intéressant de faire connaissance avec eux et avec une expérience qui a été, selon Sid- Ahmed Ghozali, l'une des pierres fondatrices de cette grande entreprise et de sa culture industrielle». En fait, le groupe d'Arzew avait la foi et l'optimisme de ceux qui croient en leur destin. «On réalise ce à quoi on rêve !» Il y avait une imprégnation positive sur l'esprit des Algériens, ajoutent les auteurs. Après la Deuxième Guerre mondiale et la révolution de Novembre 1954, il y a eu transformation. Et «cette imprégnation a donc changé un peuple triste et dominé en un peuple confiant et joyeux». Certes, aujourd'hui «Sonatrach peine à convaincre» et «l'expérience d'Arzew semble un lointain souvenir». Les scandales qui ont secoué l'entreprise, les luttes pour les privilèges rentiers, le renoncement à une stratégie économique génératrice de grandes réalisations..., ont terni l'image de Sonatrach et tiré celle-ci vers le bas. Malgré cela, l'espoir demeure, concluent les deux auteurs du livre. Les Algériens sont capables de grandes choses, de belles réalisations. «imprégnés par la guerre de Libération, les Algériens sont naturellements unis. Ils ne sont pas paresseux. Ils sont naturellement prêts à l'effort. Ils ne sont pas contents d'être pris en charge par l'Etat, ils sont naturellement entrepreneurs et prêts à prendre des initiatives. Ils sont capables du meilleur», nous disent encore ces deux auteurs qui veulent faire partager aux lecteurs un optimisme né de leur parcours de vie et de leur expérience respectifs (à découvrir à la fin du livre). Hocine Tamou ............. Narimane Atchi et Taïeb Hafsi, Sonatrach, le temps des pionniers, Casbah Editions, Alger 2014,