Dans quel état d'esprit sont depuis hier, à Alger, les partenaires du dialogue inclusif intermalien qui vient d'entamer son second round ? Une phase cruciale longuement préparée y compris par les groupes armés qui y sont venus en ordre groupé. Si l'on s'en tient aux déclarations publiques de l'une et l'autre des deux parties depuis quarante-huit heures — gouvernement malien et groupes politicomilitaires — l'on serait tenté de penser que l'optimisme est de mise. Si l'on se réfère à la volonté clairement affichée par la partie algérienne, médiateur chef de file dans ce processus, de faire aboutir cette phase l'on pourra alors se dire que même difficile, ce deuxième round a toutes les chances d'aboutir. Toutefois et chacune des parties en présence le sait, il s'agit cette fois-ci de négociations sur le fond, très dures, de points extrêmement sensibles qui engagent les uns et les autres sur le devenir du Mali et conséquemment de toute la région. Ce sera d'autant plus dur, que le report qu'a subi ce deuxième round prévu d'abord pour le mois d'août a permis aux groupes armés de s'entendre sur un minimum de revendications à faire peser sur cette rencontre d'Alger. Après la première phase de pourparlers d'Alger – du 17 au 24 juillet dernier qui s'est soldée par une feuille de route pour les négociations à venir, aujourd'hui les protagonistes sont à Alger pour poursuivre le dialogue et entamer la concrétisation de cette feuille de route. L'objectif ultime étant naturellement d'arriver à la paix durable dans le pays. La présence à Alger pour cette deuxième phase de nombre de représentants d'organismes tels que la Cedeao, l'Union africaine, l'ONU, l'Union européenne donne bien sûr beaucoup de crédit et de poids à ces pourparlers. Précédant l'ouverture des travaux de lundi, une rencontre d'évaluation du premier round de ces pourparlers tenue avec les représentants de l'ONU, l'UA et de la Cedeao a conclu, selon Ramtane Lamamra, que «ce processus a été mené dans le bon sens et ses résultats ont trouvé un écho favorable tant au Mali que sur la scène internationale». Il est vrai qu'en faisant asseoir autant de groupes avec les autorités maliennes et en s'engageant sur la cessation des hostilités et sur une feuille de route pour la poursuite des rencontres cela a quelque peu stimulé encore la volonté d'aboutir. Nous ne sommes manifestement pas encore là. Les groupes, partie prenante de ces négociations (le Mouvement arabe de l'Azawed MAA, la Coordination des mouvements et Fronts patriotiques de résistance CM-FPR, la Coordination pour le peuple de l'Azawad CPA ; le Mouvement national de libération de l'Azawed MNLA, le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawed HCUA et le Mouvement arabe dissident de l'Azawed) ont tous ou en partie demandé au chef de file des négociations, le report de cette rencontre initialement prévue en août. Ce report devait permettre aux groupes parties des négociations de se concerter dans l'intervalle et mieux encore de se préparer à ce deuxième round. Ce fut fait du 25 au 28 août dernier à Ouagadougou où six groupes ont tenté d'harmoniser les points de vue «pour parler d'une même voix» à Alger. Un accord a été obtenu «à l'arraché» dit-on, mais obtenu quand même. Le document signé au cours de la rencontre de Ouaga scelle l'apparente unité de la plupart des mouvements armés du nord du Mali, à l'exception des mouvements djihadistes. Outre leur détermination à parler d'une même voix face au gouvernement malien, l'accord déclarerait la légitimité de la lutte que mène le nord du Mali (nommé Azawed) et la nécessité de mettre sur la table le «statut spécifique conforme aux réalités géographiques, économiques, sécuritaires, sociales et culturelles». C'est ce statut qui va sans doute constituer l'axe central de cette phase de négociations. Avec l'accord obtenu entre les groupes du Nord, les autorités maliennes se disent malgré tout ouvertes à toutes les questions. Alger le dit aussi, pour peu que l'intégrité territoriale du Mali ne soit pas touchée. Comment faire et quel statut vont revendiquer les groupes en présence et se contenteront-ils d'une décentralisation un peu plus importante que celle envisagée jusque-là par Bamako et avec quels pouvoirs et jusqu'où ? L'on se trouve manifestement dans une phase très cruciale des négociations. Les volontés affichées de part et d'autre suffiront-elles pour réussir ce round 2 d'Alger ? Tous les participants l'espèrent en tout cas et l'Algérie autant sinon plus que les autres. La feuille de route prévoit 8 semaines à ce deuxième round mais eu égard aux problèmes de fond qui vont être examinés, il va certainement prendre beaucoup plus de temps.