Cette semaine, nous ne quitterons le centre d'Alger. Nous resterons dans l'Algérois pour y découvrir un plat traditionnel ancestral que beaucoup ont oublié, mais qui reste cependant un mets savoureux et goûteux, cuisiné et apprécié encore par bon nombre de familles. Cette recette, je la tiens d'une de mes belles-sœurs qui par la force des choses et du temps a redonné vie à cette vieille chtitha foued qui, il faut le dire, n'était pas très populaire dans notre maison. Ma mère, qui aimait beaucoup ce plat, a dû le jeter aux oubliettes et refouler ses envies secrètes car ses enfants et son mari, mon défunt père, n'aimaient pas trop la chose. Son aspect mou et visqueux n'arrangeait pas les choses et elle finit par abandonner et abdiquer en espérant manger son bien-aimé plat chaque fois qu'elle se rendait chez sa sœur ainée. Les années ont passé et les enfants ont grandi, se sont mariés et ont fondé un foyer chacun de son côté. L'aîné de ces garçons, mon grand-frère, avait épousé une fille d'Alger dont l'enfance malheureuse avait fait d'elle une femme bien avant l'âge. Elle ne fit pas de grandes études mais elle excella dans l'art de la cuisine et de la tenue de la maison et c'est ainsi qu'elle parvint très jeune à être une ménagère attitrée, rivalisant avec les plus chevronnées des maîtresses de maison. Sa belle-mère, qui était ma mère, lui réservait une place privilégiée dans son cœur et dans son monde culinaire. Elle ne permettait qu'à elle seule de rentrer en cuisine et de toucher aux plats prévus pour telle ou telle occasion. C'est de cette façon qu'elle fit réintroduire le plat fétiche de ma mère dans notre maison après avoir été totalement oublié à tel point que certains d'entre nous les enfants assuraient qu'ils n'en avaient jamais goûté. Ma mère lui en était tellement reconnaissante et lui portait un intérêt particulier qui se traduisait par une certaine complicité dont nous, ses filles, étions un peu jalouses. La recette Ingrédients : 1 mou de mouton ou d'agneau 3 pommes de terre 5 ou 6 gousses d'ail 1 piment vert ou 2 ou 3 piments de Cayenne 1 poignée de pois chiches trempés la veille 1 pincée de cumin 1 c. à c. de sel 3 c. à s. d'huile végétale 1 c. à c. de paprika Préparation : Pendre le poumon et enlever tous les petits caillots de sang qui ont coagulé à l'intérieur en le lavant abondamment à l'eau claire puis le couper en petits morceaux réguliers. Le faire bouillir pendant 15 mn dans de l'eau bouillante, puis le rafraîchir à l'eau froide, l'égoutter et réserver. Pendant ce temps, préparer la sauce rouge (dersa) dans laquelle on va finir la cuisson du mou d'agneau. Mettre le piment à ramollir pendant quelques minutes dans de l'eau chaude. L'épépiner et le couper en morceaux ; le mettre dans le pilon, ajouter l'ail et toutes les épices et bien écraser. Ajouter l'huile et bien mélanger jusqu'à obtenir une pâte homogène. (On peut aussi utiliser un mixer pour cette opération). Prendre un récipient allant sur feu, y faire revenir pendant 10 mn cette dersa puis mouiller avec de l'eau claire, ajouter le paprika et porter à ébullition. Plonger le mou dans la sauce, ajouter les pois chiches précuits et les pommes de terre épluchées, lavées et coupées en quartiers dans le sens de la longueur, puis terminer la cuisson à feu doux jusqu'à ce que la sauce réduise de moitié. Au moment de servir, parsemer de persil haché finement et décorer de quartiers de citron.