Le cadavre encerclé, classique de l'œuvre du grand dramaturge algérien Kateb Yacine (1929-1989), a été présenté au public algérois par la troupe du Théâtre régional de Béjaïa qui a offert aux amateurs du genre, l'occasion de renouer avec le théâtre populaire. Mise en scène par Djamel Abdelli, cette pièce qui a pour thème le début des massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, qui ont fait des milliers de morts, a été présentée pour le compte du 9e Festival national du théâtre professionnel qui se tient depuis le 28 août à Alger. Se déroulant dans un espace scénique ouvert avec un décor très minimaliste, comme le veut le théâtre katébien, cette œuvre transmet l'angoisse, le désarroi et le désespoir de Nedjma cherchant au milieu des cadavres Lakhdar, personnage principal de la pièce, dont elle reste sans nouvelles depuis le 8 mai 1945, une journée que l'auteur avait vécue dans sa chair et qui a inspiré une grande partie de son œuvre. Supposé mort par ses compagnons de lutte, Lakhdar, militant de la cause nationale, errant à moitié mort entre les rues et la prison de la ville, rencontre une jeune femme, fille d'un officier de l'armée coloniale qui le soigne avant que Nedjma et ses compagnons ne le retrouvent abattu par la torture et refusant de les rejoindre. Ecrit dans une forme poétique recherchée et engagée dans un contexte de soif de libération de l'Algérie colonisée qui a vu naître l'auteur, le texte n'a pas réussi à saisir le public, qui s'est déplacé en masse pour assister à une pièce écrite par Kateb Yacine, puisque simplement inaudible, faute de comédien à la présence forte et à la voix puissante. Au niveau de la mise en scène, Djamel Abdelli a souhaité reproduire l'esprit katébien du théâtre populaire, en se passant de décor ne comptant que sur les lumières comme acteur, la profondeur du texte et le jeu des comédiens qui a été «décevant» selon les critiques de théâtre présents. Ajoutez à cela, l'absence de narrateur et de musique qui ont toujours été présents chez Kateb Yacine pour faire la jonction entre les tableaux et faciliter la compréhension. Conscient de ces insuffisances, le metteur en scène Djamel Abdelli a déclaré qu'il était tout de même «nécessaire» de s'essayer au texte de cet auteur afin de «revivifier le répertoire dramaturgique algérien» même si cette mouture doit être «encore travaillée». Le cadavre encerclé, œuvre parue en 1959 dans Le cercle des représailles qui contient également La poudre d'intelligence, les ancêtres redoublent de férocité et le Vautour, sera également à l'honneur du prochain Festival international du théâtre professionnel (Fitp) qui se tiendra à Béjaïa prochainement avec deux autres troupes étrangères qui présenteront leurs versions de ce texte, a annoncé Omar Fatmouche, commissaire du Fitp. Ouvert le 28 août, le Festival national du théâtre professionnel se poursuivra jusqu'au 8 du mois en cours avec encore sept pièces en compétition présentées au Théâtre national Mahieddine- Bachtarzi et des spectacles en off à la salle El-Mouggar.