Des Rafales français ont lancé leurs premières frappes dans le nord de l'Irak quelques heures seulement après l'annonce par Hollande de l'engagement officiel de la France en Irak. Pas question de déployer les forces terrestres et pas question d'aller frapper les terroristes de Daech en Syrie, a annoncé jeudi le président français. Hollande pourra-t-il rester longtemps sur cette trajectoire ? La Syrie ne constituera-t-elle pas la cible ultime de cette expédition ? Elle l'est en tout cas pour les Etats-Unis. Le projet français d'intervention militaire en Libye qui a amené des émissaires de haut rang dans beaucoup de pays, dont le nôtre, à déployer des trésors d'arguments pour tenter de convaincre de la nécessité d'intervenir militairement a été très vite abandonné (peut-être différé) pour laisser place à un front, celui de l'Irak dans lequel Hollande a décidé d'intervenir. Pour l'instant et peut-être pour longtemps, la France, face à la détermination des gouvernements de la région et notamment de l'Algérie qui a refusé et même menacé de toute intervention militaire, les autorités françaises ont abandonné leur projet de frappes en Libye, et dirigent maintenant plus loin leurs armes. «J'ai décidé, a annoncé, jeudi, François Hollande de répondre à la demande des autorités irakiennes de leur accorder un soutien aérien... nous n'irons pas au-delà, il n'y aura pas de troupes au sol.» François Hollande a peut-être répondu à une demande des autorités libyennes, mais il a surtout répondu à un appel, celui de Barack Obama dont les frappes aériennes sur le territoire irakien ont démarré depuis le 8 août dernier en renfort des troupes irakiennes et kurdes. Son appel à une coalition, la plus large possible, a été entendu par notamment les monarchies du Golfe et les frappes françaises de vendredi matin, par exemple, ont été lancées à partir de la base de commandement américain au Qatar. Quant aux missions de reconnaissance dans le ciel irakien , entamées lundi dernier, elles l'ont été depuis la base aérienne d'Al-Dhafra dont la France dispose depuis 2009 à 30 km au sud-ouest d'Abou Dhabi, la capitale des Emirats arabes unis. Quel rôle pour la France dans un dispositif conçu et coordonné par les Etats-Unis ? Il est clair que l'armée française ne fera que suivre, exécuter les décisions du commandement américain. Déjà, la liste des cibles à frapper en Irak, qui a fait l'objet, il y a plus d'une semaine, de rencontres secrètes d'officiers français avec leurs homologues américains, a été fixée par ces derniers, et seulement par eux, maîtres à bord dans cette expédition. «La France, qui est l'un de nos alliés les plus anciens et les plus proches, est un partenaire solide dans nos efforts contre le terrorisme», a déclaré M. Obama dès la décision française annoncée publiquement. Dans la même déclaration, le président américain a salué le vote du Congrès américain qui a adopté un plan de soutien aux rebelles syriens afin de les aider à combattre les djihadistes de l'EI (l'organisation terroriste qui se fait appeler Etat islamique ou Daech, en sigle arabe). Tout le problème est justement là. En bout de piste, le combat contre les djihadistes de l'EI se confond et s'imbrique fortement et se veut atteindre l'objectif final d'abattre Bachar el Assad par les rebelles syriens présentés par les Etats-Unis comme des islamistes modérés. Il en a été ainsi aussi des autorités françaises qui ont très fortement aidé ces rebelles «modérés» jusqu'à ce que ces derniers se fondent en groupes disparates et dont beaucoup nagent aujourd'hui dans les eaux sanguinaires et troubles de Daech. Toute la question est de savoir aujourd'hui comment fera l'armée engagée dans ce terrain depuis jeudi, pour combattre les djihadistes de l'EI lorsqu'ils se déploieront jusqu'en Syrie ? Rien ne dit qu'elle ne suivra pas, sans qu'elle en fasse grand bruit, la volonté américaine d'ores et déjà affichée, de profiter de l'intervention en Irak pour donner un coup fatal à la Syrie. Et lorsque les Américains et leurs alliés, notamment français, auront asséné un coup aux deux pays (Irak – Syrie) dans quel état laisseront-ils les populations de ces deux nations et quel avenir sont-ils en train de leur préparer : celui des lendemains de l'assassinat de Kadhafi?