Hassane Zerrouky En 2006, le chef du département d'Etat américain, Condoleeza Rice, qualifiait l'implosion de l'Irak de «chaos créateur», en référence à la stratégie de l'Administration Bush de «remodelage du Moyen-Orient». Huit ans après, le «chaos créateur» a fait plus que son œuvre. L'Irak a de fait implosé. Et ce qui reste comme Etat n'existe pratiquement plus depuis l'irruption de l'Etat islamique sur un territoire à cheval sur le nord de l'Irak et une partie de la Syrie, avec à l'horizon la possibilité d'un Etat kurde indépendant. La Syrie est dans le même cas de figure : elle est le théâtre d'une guerre destructrice. Plus à l'ouest, en Libye, pays sans Etat où les rivalités politico-religieuses structurent plus que tout le champ politique, la situation ne prête guère à l'optimisme. Partout dans ce «Moyen-Orient compliqué» comme le qualifiait le général de Gaulle, mais aussi au Maghreb, aucun pays, pas même l'Algérie, n'est pratiquement à l'abri de ce « chaos créateur ». C'est dans ce contexte que Barack Obama, ne pouvant plus maîtriser les «monstres djihadistes» que lui et ses alliés arabes et occidentaux ont créés pour combattre le régime de Bachar al-Assad, a dû se résoudre à mettre en place une coalition internationale pour soi-disant les éradiquer ! Selon l'expression de Jean Daniel, les Occidentaux veulent «mettre de l'ordre là où ils ont semé le désordre». Et selon Jim Carper, directeur du renseignement national américain, Barack Obama «a reconnu qu'ils (les experts) avaient sous-estimé ce qui se passait en Syrie». Allons donc ! Les services de renseignement américains ne savaient pas à qui Washington avait affaire et à qui étaient destinées les armes fournies aux insurgés syriens via leurs alliés saoudiens et qataris ? Les Etats-Unis ne savaient pas que l'Etat islamique (ex-EIIL) et ses alliés le Front al-Nosra et Ahrar Cham avaient pris le contrôle de l'insurrection syrienne réduisant l'Armée syrienne libre (ASL) à une peau de chagrin et que la Coalition nationale syrienne (CNS) créée de toute pièce par les pétromonarchies du Golfe n'avait aucune maîtrise sur les insurgés syriens ? Quant aux esprits éclairés, je pense à cette opposition syrienne non partisane de la militarisation de la contestation populaire au régime de Bachar, opposée à toute intervention militaire occidentale ou arabe et qui semblait prêcher dans le désert quand elle demandait aux capitales occidentales d'agir en faveur d'une solution politique basée sur un compromis entre tous les protagonistes de la crise, y compris les islamistes, ces esprits éclairés on ne les entendait pas. La raison ? Washington et ses alliés occidentaux et arabes croyaient à l'imminence de la chute de Bachar à l'instar de ce qui était arrivé à Khadafi en Libye où, du fait de l'intervention de l'Otan, le pays est aujourd'hui l'otage de milices islamo-mafieuses. Qui plus est, Barack Obama tout comme François Hollande savaient parfaitement que le massacre du village alaouite de Houla (plus de 100 civils alaouites dont 32 enfants égorgés) le 25 mai 2012 par des djihadistes, a constitué le tournant de cette guerre civile. C'est à ce moment-là que les insurgés syriens ont perdu la guerre. A l'époque, ce massacre avait été attribué aux forces syriennes par Washington, Paris et Londres, lesquels ont aussitôt rompu leurs relations avec Damas en expulsant ses ambassadeurs. La France, elle, avait fait mieux, en reconnaissant la Coalition nationale syrienne (CNS) comme « unique représentant » du peuple syrien ! Et depuis, en dépit des multiples vidéos et témoignages montrant à voir les crimes commis par ces djihadistes, prétendument musulmans, agissant à la manière des sanderkommandos nazis entre 1939-45, cet Occident donneur de leçons a choisi de regarder ailleurs. Aujourd'hui, ils bombardent en Syrie et en Irak pour «mettre de l'ordre dans le désordre» qu'ils ont semé, et ce, après avoir réalisé que le régime de Damas tient encore. Mais sans nous dire ce qu'ils veulent faire après avoir écrasé l'Etat islamique. En revanche, on sait par expérience, au moins une chose : les djihadistes tirent leur force des désastres en chaîne provoqués par ces interventions et du délitement sociopolitique et moral (corruption) des régimes autoritaires en place.