L'Etat ne renoncera pas à la gratuité des soins. La nouvelle loi sanitaire consacre ce sacro-saint principe en vigueur depuis 1974. Le scepticisme des acteurs de la santé n'a cependant d'égal que leurs frustrations face à un système de santé budgétivore mais qui ne fait que des insatisfaits. Nawal Imès- Alger (Le Soir) La médecine gratuite a encore de beaux jours devant elle. Le gouvernement ne compte pas revenir sur ce principe. A quel prix ? se demandent les différents intervenants dans un secteur où l'Etat mobilise chaque année un peu plus d'argent pour un service de moins en moins performant. Mais qu'est-ce que la gratuité ? Est-ce le fait de pouvoir pousser la porte de n'importe quel hôpital et d'y recevoir un minimum de soins sans contrepartie financière ? Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique, estime qu'il est utopique de parler de gratuité des soins lorsqu'on se contente de vacciner, d'assurer une consultation en médecine générale. Si on s'arrête à ce niveau, dit-il, ce n'est nullement suffisant. La gratuité des soins doit être, selon Lyès Merabet, garantie également pour les explorations et les consultations spécialisées qui constituent un réel parcours du combattant. Pour échapper à ce dernier, le malade se tourne fatalement vers le secteur privé pour des prestations coûteuses mais dont le tarif de référence a stagné et reste dérisoire. Lorsqu'on évoque la vaccination, selon le Dr Merabet, cela relève du volet préventif pour éviter justement que des affections ne se manifestent plus tard. Si on définit, dit-il, un paquet de soins dit minimum, cela reste en deçà des attentes. S'il ne s'agit que de vacciner ou de dépister un cancer sans pour autant être en mesure de prendre en charge les patients, cela ne correspond nullement aux besoins réels. Un système de santé, affirme-t-il, a besoin d'objectifs clairs à définir en fonction de plusieurs paramètres. Il reconnaît que la santé a un coût et que l'équilibre est souvent difficile à atteindre. Depuis l'indépendance, le système de santé en Algérie est passé par plusieurs étapes. Dans les années 70 et particulièrement après la promulgation de la médecine gratuite, les dépenses de santé étaient prises en charge par l'Etat à hauteur de 75 % contre 25% par la Sécurité sociale. La crise que connaîtra le pays, dans les années 80, changera complètement la donne. Quasiment en cessation de paiement, l'Etat s'est progressivement désengagé de ce secteur obligeant en quelque sorte la Sécurité sociale à prendre le relais et les ménages à y contribuer, même de façon symbolique. La part des ménages est devenue ensuite de plus en plus importante. Aujourd'hui encore, l'essentiel des sources de financement repose sur l'Etat et la Sécurité sociale. Les dotations budgétaires ont été multipliées par quatre entre 2000 et 2010. La part de la CNAS a progressivement augmenté. Le secteur de la santé consomme chaque année de plus en plus d'argent. La transition sanitaire avec l'accroissement du poids croissant des maladies non transmissibles et la persistance de certaines maladies transmissibles, la révision de la rémunération des personnels, la révision des tarifs de la nomenclature des actes et l'augmentation des dépenses de la CNAS en sont les principales causes. En dépit de ces incessantes augmentations des dépenses, la qualité des soins laisse toujours à désirer. Au nom de la gratuité, les structures de santé publique offrent un pâle visage. Les services des urgences sont débordés, les maternités le sont tout autant alors que l'accès aux consultations spécialisées relève souvent du miracle, poussant souvent les malades à se détourner du secteur public au profit d'un secteur privé où exercent très souvent ces mêmes médecins inaccessibles dans le public...