Expert/Consultant en gestion et prévention des risques de catastrophe 1- Etat des lieux L'Organisation météorologique mondiale, dans un rapport publié début septembre, affirme que le niveau du gaz carbonique dans l'atmosphère en 2013 était de 42% supérieur à celui qui prévalait avant la révolution industrielle. Il en est de même des autres gaz à effet de serre avec un accroissement de 153% pour le méthane et 21% pour les oxydes d'azote par rapport à leur niveau de 1 750 ! L'augmentation du volume de ces gaz ainsi que ceux dus à l'activité humaine ont provoqué le réchauffement de la planète de 2°C depuis l'ère préindustrielle, entraînant la fonte des glaciers, l'élévation du niveau des océans, l'intensification des vagues de chaleur et la récurrence des pluies torrentielles. En 2013, les émissions mondiales de CO2 par personne et par an étaient de 5,1 tonnes de CO2 avec 16,4 tonnes de CO2 aux Etats-Unis, 7,2 tonnes de CO2 en Chine, 6,8 tonnes de CO2 dans les pays de l'UE et 1,9 tonne de CO2 en Inde. Elles sont de 3,7 tonnes en Algérie pour une émission de 143 millions de tonnes, une nette augmentation par rapport à 2010 quand l'Algérie était classée 35e pour l'émission de 123, 475 tonnes de CO2, soit 0,39% du volume mondial. Une émission en hausse de 16% en trois ans due à la combustion de l'énergie fossile, à la production de ciment, l'exploitation des gisements miniers et l'extraction des hydrocarbures. La production électrique, à elle seule, génère 547.8543g/kWhel (grammes par kiloWatt heure électrique)[1] . En Algérie, ce gaz carbonique est rejeté directement dans l'atmosphère. Seul 1% de ce gaz était géologiquement séquestré jusqu'en 2011. Le seul site connu du public relatif à la séquestration géologique du dioxyde de carbone, jusqu'à l'arrêt de cette activité en juin 2011, est celui de Krechba près du site gazier d'In Salah[2]. Cette séquestration avait débuté en 2004 suite à l'agrément accordé par la direction de Sonatrach en 2000 et approuvé par le ministère de tutelle[3] en l'absence de tout cadre juridique et réglementaire ! Selon la revue américaine The North Africa Journal du 10 novembre 2010[4], les compagnies pétrolières la pratiquent depuis plus de vingt ans dans d'anciens puits de forages pétroliers abandonnés. Ils ne sont point répertoriés puisqu'il n'existe aucune publication le confirmant, ni une quelconque surveillance, ni monitoring, ni inspection et contrôle réguliers de ces puits selon une règlementation et une juridiction dument établies, comme cela s'opère dans les pays d'où sont originaires les différentes compagnies pétrolières telles que BP, Statoil, Total, Gaz de France, GDF Suez, Shell, Anadarko, etc. 2- Estimation de la quantité de CO2 enfoui dans le sous-sol saharien Selon le Massachusetts Institute of Technology[6], le volume de CO2 séquestré dans le site de Krechba de 2004 à 2011 serait de 3,8 millions de tonnes. Initialement, il était prévu d'y injecter 20 millions de tonnes ! Quant aux puits abandonnés, il n'existe aucune donnée sur le volume de CO2 injecté. Sonatrach ne fournit aucune information ! S'est-elle inquiétée d'établir un inventaire et disposerait-elle de statistiques crédibles ? Il reste à savoir si cette expérience de séquestration géologique va être élargie aux gisements de Rhourde Nouss et Gassi Touil. Le groupe Sonatrach, Total et Gaz de France compte mettre en œuvre cette technologie dans les champs gaziers de Timimoun, Ahnet et Touat. Ces gisements ciblés représentent 20% des capacités d'exportation de gaz de l'Algérie à moyen terme. La récente décision du gouvernement d'exploiter le gaz de schiste dans ces champs gaziers laisse penser qu'elle pourrait viser à trouver de nouveaux sites de stockage de CO2. 3- Risques de pollution et de contamination de la nappe albienne L'Algérie semble ne pas mesurer l'impact catastrophique à très long terme du choix de la séquestration géologique du dioxyde de carbone, filière qu'elle ne maîtrise point. Aucun pays développé, parmi les rares qui la pratiquent, ne peut prétendre avoir un retour d'expérience. La nouvelle publication du Christian Science Monitor [5] n'a-t-elle pas révélé, à la grande surprise des chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory, la migration du CO2 à travers la roche de couverture dans le site de Krechba. Il a entièrement occupé l'aquifère salin. Le Sahara va-t-il continuer à servir de champ d'expérimentation et de dépotoir au profit de pays et de laboratoires d'outre-mer comme ce fut le cas pour B2-Oued Namous[11] ! Ce sont d'abord les puits d'injection qui constituent la première source de risque de fuite à court, moyen et long termes. Lors de la phase d'injection du CO2 à au moins 800 m sous terre, ces puits sont soumis à d'importants écarts de température entre fluide et roche ainsi qu'à la dissolution de matière. Deuxième source de risque : les perturbations de nature thermo-hydro-mécano-chimique (THMC), qui pourraient dissoudre la roche-réservoir, faire varier sa porosité et la fissurer. Les perturbations THMC seront induites par l'injection du CO2 à l'état supercritique (c'est un excellent solvant de la matière organique), les impuretés associées au CO2 lors de son captage (oxygène, oxydes de soufre ou d'azote) et les réactions chimiques avec la roche. Le dioxyde de carbone (CO2) est plus lourd que l'air. Il est asphyxiant quand il chasse l'oxygène. Il est acide lorsqu'il est dissous. Toute fuite massive de grande quantité de CO2 dans une zone habitée peut avoir des conséquences humaines et écologiques immédiates graves et même mortelles (asphyxie immédiate des humains et des animaux). Dans certaines configurations de fuite et de relief, compte tenu de la vitesse et des directions prévalentes des vents, le CO2 d'une fuite pourrait se déployer en une chape de gaz irrespirable. Le risque de fuites diffuses n'est donc pas à exclure dans les puits d'injection qui ne seraient plus étanches à cause de défauts dans la réalisation, du défaut d'étanchéité des vannes de régulation du débit de gaz, de la dégradation du cuvelage et de la cimentation des puits suite au vieillissement des matériaux au contact du CO2, de la dégradation de l'étanchéité de la roche-couverture du gisement, de l'apparition de failles ou suite à des tremblements de terre. De nos jours, aucun expert au monde n'est en mesure de garantir la préservation des nappes phréatiques et de la nappe albienne de la contamination et de la dégradation irrémédiable par l'injection de produits chimiques et la migration du dioxyde de carbone, du méthane et autres gaz. Cette contamination risque d'être la pomme de discorde entre pays maghrébins qui partagent cette richesse commune. Il est utile de rappeler que la nappe albienne est la plus grande réserve d'eau douce au monde et constitue donc une immense réserve d'hydrogène, source d'énergie du futur stockée naturellement ! Il faut aussi ne pas oublier la catastrophe, qu'il faut citer à titre d'avertissement, le fameux forage de Berkaoui [11-12] dans la wilaya de Ouargla, célèbre par l'immense effondrement qu'il a engendré suite à une «manœuvre accidentelle» et à une cimentation et un équipement inadéquats qui ont eu pour conséquences un effondrement gigantesque et contribué à une salinisation des nappes supérieures créant un risque certain pour l'existence même de la ville de Ouargla et la disparition de sa palmeraie. 4- Gaz de schiste et dioxyde de carbone Une des caractéristiques du gaz de schiste, c'est son énergie calorifique. Elle est relativement faible comparée au gaz naturel, car le gaz récupéré n'est pas pur. Il renferme en plus du méthane et de l'azote deux produits dérivés particulièrement problématiques : l'hydrogène sulfuré (H2S) qui est un gaz acide agressif et le dioxyde de carbone (CO2) connu pour sa nature de gaz à effet de serre. Il faut donc le purifier avant de l'acheminer et de le fournir au client comme cela se fait pour le gaz conventionnel. Sa liquéfaction sans purification est très onéreuse, jusqu'à 4 fois son prix de revient. 5- Risques générés de la séquestration du CO2 La notion de risque possède deux dimensions indissociables : la probabilité d'occurrence d'un événement et la sévérité des conséquences de sa réalisation. Analyser les risques, c'est donc répondre aux questions suivantes : Qu'est-ce qui peut mal tourner ? Quelle est la probabilité que cela se produise ? Si cela se produit, quelles en seront les conséquences ? Quel crédit accorder aux réponses données à ces questions ? Le CO2 n'est pas un gaz inflammable. Il est plus lourd que l'air et donc susceptible de s'accumuler au-dessus du sol. En cas de fuite à travers une brèche dans une canalisation de transport, à forte concentration dans l'air, il peut causer la mort par asphyxie. Le CO2 est soluble dans l'eau. Il conduit à une acidification de celle-ci. Il peut donc provoquer la dissolution de métaux présents dans le sous-sol et leur transfert dans l'eau. Ces modifications chimiques au niveau des aquifères profonds peuvent influencer la qualité des nappes d'eau moins profondes dont certaines sont potables. Le plus grand danger, c'est de voir le CO2 s'échapper dans un ancien aquifère situé au-dessus du champ gazier suite à une fissuration liée à l'augmentation de pression du CO2, ou suite à un tremblement de terre ou un accident naturel de la croûte terrestre entraînant la rupture de l'étanchéité du confinement. Le CO2 peut s'avérer corrosif vis-à-vis des tubages en acier, des ciments classiques et des roches souterraines (ce qui, outre le risque de fuite, peut l'amener à remobiliser des micropolluants minéraux ou organiques). Le Lawrence Berkeley National Laboratory indique qu'«au cours de la dernière décennie, il a été observé un certain nombre de cas de sismicité induite par l'exploitation du pétrole et du gaz naturel, ainsi que par l'injection de liquides à haute pression». L'analyse à partir de 2010 des données sismiques et géomécaniques du réservoir de Krechba a abouti à la décision de suspendre en juin 2011 l'injection du CO2, suite à des fuites verticales dans la roche de couverture (6) dues au volume de CO2 injecté et à l'accumulation de la pression dans l'aquifère salin [7]. Ces fuites font suite à celles déjà détectées en 2007 et à la mise en évidence en 2009 d'une élévation de la surface du sol suite à l'injection de CO2. Ce fut l'objet de l'étude commandée au BRGM pour «évaluer l'impact d'une éventuelle fuite de CO2 sur le système aquifère du Sahara septentrional, immense réservoir d'eau douce souterraine qui alimente aujourd'hui trois pays (Tunisie, Libye, Algérie), et dont une partie est située à la verticale du gisement gazier[8]». Cette étude n'a jamais été rendue publique ! Par ailleurs, n'est-il pas logique et impératif de soulever la question sur l'état de santé des centaines de travailleurs activant ou ayant exercé une activé lors des différentes étapes de forage et d'édification des différents complexes pétroliers et gaziers en milieu saharien ? Une carte sanitaire et un inventaire de l'ensemble des malaises et pathologies liés à cette activité en milieu saharien ne doivent-ils pas faire l'objet d'une attention particulière et être réalisés par des équipes multidisciplinaires, y compris pour les populations environnantes ? 6- Silence et absence de mesures sécuritaires Le silence des autorités concernées relève de l'indifférence et de l'impéritie dans le domaine. Il s'explique par l'absence de législation et de règlementation propre à l'activité. L'amendement de 2013 à la loi sur les hydrocarbures est muet à ce sujet. Elle échappe donc au contrôle et au suivi par les institutions nationales concernées. Il existe certes un centre d'enfouissement pilote de Krechba (In Salah). Il est supervisé par le «Joint Industry Project (JIP)», associant les compagnies pétrolières BP (33,15%), Statoil (31.85%) et Sonatrach (35%). Ce JIP bénéficie d'un cofinancement de 30 millions de dollars du département de l'Energie des Etats-Unis (US DoE) et de la DG de la Recherche de l'UE dans le cadre du sixième Programme-Cadre de recherche et développement européen (PCRD)[9-10]. La maîtrise du procédé de séquestration du CO2 (conception, injection, fermeture) a toujours été gérée par BP et Statoil avec l'appui de l'Agence internationale de l'Energie (AIE) et les différents laboratoires européens et américains à qui tous les travaux d'analyse et de recherche sont confiés. Les seules mesures sécuritaires à prendre sont celles qui consistent à investir massivement dans la ressource humaine, à impliquer les compétences nationales en cessant de les marginaliser et d'arrêter de livrer le pays à toutes les expérimentations rejetées ailleurs en se dotant d'un cadre législatif et réglementaire clair, précis et efficient pour sauvegarder la santé des citoyens, l'intégrité du territoire et la souveraineté du pays. H. B. Références 1- International Energy Agency (IEA). 2- H. Bensaad Séquestration géologique du doxyde de carbone : enjeu pour l'intégrité territoriale et la souveraineté nationale. http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/05/15/print-41-148915.php. 3- M. Keddam, manager, In Salah Gas, 2-nd Symposium on CCS development and deployment. Sonatrachhttp://network.carboncapturejournal.com/video/mohamed-keddam-manager-in-1 4- CO2 Sequestration to Expand in Algeria's Gas Fieldshttp://www.north-africa.com/mobile/naj_economy/industries_markets/1noveleven45.html 5- Can we hide carbon dioxide underground? Algeria site offers note of caution. MAY 27, 2014 http://www.csmonitor.com/Environment/2014/0527/Can-we-hide-carbon-dioxide-underground-Algeria-site-offers-note-of-caution 6- In Salah Fact Sheet: Carbon Dioxide Capture and Storage Project.http://sequestration.mit.edu/tools/projects/in_salah.html 7- James Kanter, Obstacles to capturing carbon gas. The International Herald Tribune August 1, 2011 http://www.nytimes.com/2011/08/01/business/global/obstacles-to-capturing-carbon-gas.html?pagewanted=1&_r=0&partner=rss&emc=rss 8- En Algérie, étude de l'impact d'une éventuelle fuite de CO2 en contexte de stockage http://www.brgm.fr/content/algerie-etude-impact-eventuelle-fuite-co2-contexte-stockage 9- In Salah CO2 Storage JIP: Site Selection Management, Field Development Plan and Monitoring Overview Wright I. W., Mathieson A. S., Riddiford F., Bishop, .Energy Procedia 00 (2010) 614–000 10- CO2 Technology Centre Mongstad Project (formerly European CO2 Technology Centre Mongstad Project). http://cslforum.org/projects/europeanco2tech.html 11- Note relative aux forages pétroliers convertis en puits d'eau. http://www.abhs.dz/php/fr/files/note_forage_petrolier_converti.pdf 12- La grande catastrophe pétrolière en Algérie champ de Berkaoui H80mD120m.3gp http://www.youtube.com/watch?v=9ZC2r7YJc4Y http://www.forum-algerie.com/actualite-algerienne/92818-ou-en-est-laffaire-okn32-l-effondrement-d-un-forage-realise-par-total-en-1978-a.html 13- Essais chimiques B2.Oued-namous.beni-ounif.62-7 http://www.dailymotion.com/video/x5blxn_essais-chimiques-b2-oued-namous-ben_webcam.