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Kiosque arabe
Connaissez-vous un terroriste singapourien ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 10 - 2014


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L'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), «L'Etat islamique», par raccourci et commodité, sera-t-il le fossoyeur de l'islam politique, après en avoir été le cruel révélateur? La réponse serait oui, selon un récent sondage qui indique une hostilité populaire croissante contre Daesh dans plusieurs pays arabes. Avant l'avènement du califat de Mossoul, l'argument politique majeur des islamistes était celui-ci : «Laissez-nous exercer le pouvoir, et jugez-nous sur nos résultats !» À ceux qui craignaient que l'expérience islamiste soit le tombeau de la démocratie et des libertés, on répondait invariablement par la fameuse réplique du chef du FIS, Abassi Madani : «Pourquoi as-tu peur de l'Islam, mon fils ?» Ledit «fils» interpellé aurait pu répondre qu'il avait surtout peur de Madani et des siens, mais ce n'était pas encore l'heure de l'épouvante. Comme tous les islamistes n'ont pas l'affront de confondre l'Islam avec leur personne, ceux qui n'avaient pas la stature de prophète ont pointé le doigt vers une autre direction que La Mecque. Tout en se méfiant du doigt, les musulmans, «à géométrie variable», pour reprendre l'expression de Saïd Bouamama, ont regardé vers la Turquie d'Erdogan, miroir aux alouettes naïves. Avec le temps, et surtout avec Daesh, on a enfin vu le vrai visage de la Turquie, celui du califat ottoman, ancêtre pas très lointain d'Erdogan, de Ghannouchi et de l'émir du Qatar.
Alors, Daesh instrument de Washington, du capitalisme, d'Israël, du Hizb-frança, on veut bien, mais Daesh, produit de la coalition, de la collusion de l'impérialisme et du sionisme, à d'autres! Question impertinente de notre confrère kurde, Hani Naqchabindi, sur les pages du magazine Elaph : «Au lieu de nous interroger sur les causes de l'apparition de l'organisation (l'Etat islamique), posons-nous la question de savoir pourquoi cette apparition a tardé jusqu'à maintenant ?» Refusant de voir la «main de l'étranger», là où la présence de la «Khamsa» est criante, il affirme que la moitié du monde musulman est susceptible d'être Daesh, une organisation qui n'est pas née du vide. «L'extrémisme prospère, dit-il, dans la division programmée et l'anarchie, et c'est dans ce climat que vit ce monde aujourd'hui. Il suffit de regarder nos livres et nos écoles. Et de voir dans quel désordre on a célébré le dernier Aïd El-Adha, une même date sur trois jours différents. Comment l'extrémisme ne naîtrait-il pas de cette discorde, même autour du simple choix scientifique d'une date de fête. Oui, Daesh est né de notre propre extrémisme, de notre ignorance et de notre dispersion.»
Dans les mêmes colonnes, et sur le même registre, l'Egyptien Sammy Al-Bahiry met en cause le soi-disant «éveil religieux», qui a suivi la défaite de 1967 et qui a donné naissance à toutes les violences. Il s'arrête, en particulier, sur les armoiries et les slogans du mouvement des Frères musulmans(1), comme l'image de deux épées croisées avec cette injonction «Oua-A'ïdou» (et préparez!). Référence au verset coranique incitant les premiers musulmans à se préparer militairement pour faire la guerre à leurs adversaires et les terroriser. Ce «para bellum», cher à la Rome impériale, est le vrai credo des Frères musulmans, en dépit de leurs protestations pacifistes, note le chroniqueur. S'ils étaient vraiment des prêcheurs et non des agresseurs, pourquoi n'auraient-ils pas choisi la plume et le livre, sachant que le premier mot révélé du Coran est «Lis !» ? Il n'y a aucun doute, ajoute-t-il, que les idées des Frères musulmans ont fait le nid de toutes les organisations terroristes, à commencer par Al-Qaïda, à finir par Daesh. Chacun de ces groupes a foi dans les deux épées, et dans la conquête, pour propager l'Islam. Or, si l'Islam s'est propagé par l'épée dans des pays comme la Perse, l'Egypte, la Syrie, l'Irak, l'Afrique du Nord, l'Andalousie, il s'est par la suite imposé par le commerce et l'incitation pacifique dans les autres pays d'Afrique et d'Asie.
Aussi, je ne comprends pas le recours aux deux épées et à la force, au 21e siècle, pour propager l'Islam, alors qu'il se répand si rapidement, notamment en vertu de la croissance démographique. Il y a une dizaine d'années, rappelle Sammy Al-Bahiry, j'ai publié un article intitulé «L'extrémisme commence par la barbe et le voile et finit par le terrorisme». Cet article a suscité la colère de nombreux lecteurs qui l'avaient considéré comme un écrit dirigé contre l'Islam.
Comme si les musulmans avaient réduit l'Islam à la barbe et au hidjab (sachant que Abou-Lahab(2) avait une barbe et que sa femme, la porteuse de bois, était voilée). En réalité, le pseudo «éveil religieux» a eu pour seul résultat le recul de l'Islam modéré face au fondamentalisme extrémiste, comme le constate l'auteur. Il en veut pour preuve l'attitude d'Al-Azhar, dont les cheikhs ont rejoint le convoi de l'extrémisme, de peur d'être accusés de tiédeur et de rester à l'écart de «l'éveil religieux».
«C'est ainsi, souligne notre polémiste, que les sciences modernes se sont délitées et ont été remplacées par le discours sur le miracle scientifique dans le patrimoine islamique. La médecine moderne a été remplacée par la thérapie de l'urine de chameau ou de la graine de nigelle. Je m'attendais à ce que de la manière dont se développait et se voyait cette pratique religieuse, la morale des musulmans allait gagner en élévation, mais bien au contraire : en dépit de la généralisation du hidjab et du niqab, le harcèlement sexuel a progressé, alors que le hidjab devrait justement protéger la femme. Malgré l'extension, en longueur et en largeur, des barbes, le vice s'est répandu et la corruption visible et invisible s'est développée».
Pour sa part, l'académicien Abdallah Madani met en cause les systèmes éducatifs des pays arabes qui ont besoin d'être réformés de fond en comble. «En dépit de l'engagement des Etats à réformer leurs systèmes éducatifs, après les attentats du 11 septembre, la moindre tentative se heurte à l'hostilité des milieux religieux», souligne-t-il. Et de poser, lui aussi cette autre question : «Qui d'entre vous a entendu parler d'un terroriste singapourien ?» La réponse est négative, bien sûr, parce que le Singapour (15% de musulmans) a expurgé ses programmes scolaires de l'enseignement religieux, de tous les enseignements religieux.
A. H.
(1) Pour une fois qu'il dit vrai, Karadhaoui a avoué que le calife de Mossoul, Al-Baghdadi, est un ancien militant du mouvement des Frères musulmans. On s'en serait douté...
(2) Abou-Lahab, surnommé littéralement le «Père des flammes dévorantes», à cause des brindilles enflammées qu'il jetait sous les pas du Prophète , dont il était l'un des persécuteurs.
Il est nommément cité dans le Coran, et promis ainsi que son épouse aux flammes de l'enfer.


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