Par Arris Touffan Le 28 octobre 1989 disparaissait Kateb Yacine. Ce nom ne veut sûrement pas dire grand-chose pour les générations d'aujourd'hui. Pour celles d'avant, c'était plus que celui d'un écrivain à la renommée internationale. C'était carrément le nom d'une certaine vision de l'Algérie : rebelle, laïque, fière de ses racines berbères, suspicieuse à l'endroit du rôle soporifique de la religion, soucieuse de ses couches les plus démunies, travailleuse, talentueuse, libérée, bien dans son génie créateur. Kateb Yacine a rempli à fond sa mission d'intellectuel. Il ne se souciait guère de carrière ou de biens matériels. Il a vécu dans un dénuement proche de la pauvreté. Il n'avait peur ni d'être marginalisé par les puissants ni d'être jeté en prison. Il a affronté ouvertement les forces du pouvoir, disant ce qu'il pensait avec toute la vigueur d'un agitateur d'idées sûr de sa pertinence. Aujourd'hui que la montée des médiocres caressant dans le sens du poil tout ce qui touche au Prince pourvoyeur de privilèges est la règle, des écrivains iconoclastes et bagarreurs comme Kateb Yacine manquent assurément. A. T.