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Le théâtre contestataire contre l'absolutisme des régimes arabes
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 06 - 2013


Par Ahmed Cheniki
Souvent, quand on parle des intellectuels ou des artistes dans les pays arabes, on commet une grave injustice en omettant de parler d'auteurs qui ont risqué leur vie pour dire l'indicible, assumer leurs responsabilités historiques. Certains hommes de théâtre ont souvent bravé les interdits en s'attaquant aux pratiques politiques des dirigeants en charge des affaires dans les pays arabes. Une lecture de l'évolution de ce théâtre nous permet de mettre en relief ces attitudes contestataires. Ce n'est pas pour rien que de nombreuses pièces furent censurées et plusieurs auteurs arrêtés, exilés ou interdits d'écrire. Le théâtre est donc par essence politique.
Dans des pays où l'expression est souvent bâillonnée, le théâtre peut également servir, dans certaines conditions, d'espace privilégié pour détourner la censure. Même durant la nuit coloniale, des auteurs ont pris la parole pour témoigner des luttes de leurs compatriotes, dénonçant fortement le colonialisme. Ainsi, jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les troupes recouraient aux allusions, à la parabole et aux images quand il s'agissait d'exprimer une opinion politique. L'histoire pouvait constituer un maillon essentiel dans la mise en branle d'idées politiques. Mais la comédie permettait également aux acteurs d'utiliser des digressions et des images qui, selon le contexte, étaient vite comprises par les spectateurs. Durant la colonisation, de nombreuses pièces étaient censurées. Les autorités coloniales veillaient au grain, d'autant plus que les troupes faisaient souvent appel dans leurs représentations à l'improvisation. L'administration connaissait l'importance de l'art scénique. Ce n'est pas pour rien que les Français ont fait appel à James Sanua qu'ils ont envoyé dans les pays du Maghreb pour diffuser la parole coloniale vers la fin du XIXe siècle. Les problèmes de censure et de manque de liberté d'expression ont poussé de nombreux auteurs arabes à recourir à l'allusion, aux allégories et aux paraboles et métaphores. Quand les faits ne sont pas précis, ils «convoquent» des espaces-temps indéterminés. La mise en branle d'un espace et d'un temps mythiques prémunit parfois contre certaines désagréables surprises. Pour dire un présent décevant et insupportable, il est fait allusion à des événements qui peuvent éventuellement susciter la réflexion du spectateur autour du présent. Le Tunisien Habib Boularès tente de mettre en accusation le pouvoir personnel et inscrit dans sa logique une sorte de direction collective dont les fondements seraient, par anticipation, démocratiques (Mourad III). Boularès évoque les faits historiques, mais suggère de nombreuses ouvertures susceptibles de permettre une lecture du présent. Le passé n'est ici affirmé que pour donner à voir une actualité propice aux désillusions. L'Egyptien Abderrahmane Charqawi, dans El Fata Mehrane (l'Enfant Mehrane), ne vise pas l'exactitude historique, mais, à travers le récit de ce jeune homme révolté par le pouvoir corrompu du prince, qui profite de l'absence du sultan pour faire la loi et opprimer les gens, donne à voir la nature des puissants prêts à tout pour prendre ou se maintenir à la tête du pays. La critique satirique du pouvoir est presque une constante dans l'écriture dramatique de certains auteurs arabes. Soukout Feraoun (la Chute de Feraoun) d'Alfred Faraj est l'histoire d'une révolution avortée qui suggèrerait peut-être l'échec de l'expérience du 23 juillet 1952. Sokr Qoraichde Mahmoud Taymour fait le parallèle avec le présent, notamment après la révolution de 1952. Souleymane El Halabid'Alfred Faraj donne à voir, à travers l'assassinat de Kléber par un jeune étudiant alépin durant la campagne de Napoléon, une société où les responsables politiques et les cadres d'El Azhar se trouvent prisonniers de leur opportunisme et de leur peur de perdre des privilèges. Ezzir Salemest une parabole sur le pouvoir et la justice. Ce théâtre de la désillusion est apparu juste après les indépendances et surtout à l'issue de la défaite de juin 1967. La «convocation» du passé sert à montrer un présent caractérisé par la corruption, l'opportunisme, la mauvaise gestion politique et la répression. Haflat Samar min ajli khamsa houzairane (Soirée de gala à l'occasion du 5 juin)de Saadallah Wannous, interdite juste après sa sortie, critique sévèrement, à travers la représentation d'une pièce de théâtre sur le 5 juin 1967, les véritables responsables de cette catastrophe incarnés par les hommes du pouvoir qui n'agissent que par l'usage de l'arme de la répression contre leur peuple. Le pouvoir politique est, pour beaucoup d'auteurs arabes, le grand responsable de ces tragédies vécues par les pays arabes. Tewfik el Hakim, dans sa pièce Essoultane el Hayer (le Sultan inquiet ou embarrassé) montée dans plusieurs théâtres arabes, traite de la question du pouvoir à travers l'itinéraire du cadi Abdelaziz Abdesselam (1181-1262). Le Sultan est fortement embarrassé par une question fondamentale : faut-il, pour gouverner, recourir à la répression ou à la loi ? Cette pièce pose donc le problème du fonctionnement des structures du pouvoir et la précarité du simple «citoyen» ou de l'individu désarmé devant la puissance absolue du gouvernement. Dans le texte d'El Hakim, le roi finit par faire respecter la loi. Estce réellement ainsi que se passent les choses dans les sociétés arabes ? Autre exemple : Moughamarat ra's mamelouk Jaber (les Aventures de la tête du mamelouk Jaber) de Saadallah Wannous met en scène un jeune homme qui, malgré lui, va être à l'origine de l'invasion de son pays par des étrangers. Une mésentente, due à une sorte d'excès de zèle de la part d'un serviteur de la cour, va enclencher un conflit entre le roi et son ministre qui dégénèrera en une véritable course pour le pouvoir. Le ministre décide d'adresser un message écrit sur la tête du mamelouk Jaber à un pays étranger dans lequel il l'appelle à l'aide. Ainsi, il prend le pouvoir en présence d'une puissance extérieure. Il s'agit là d'une reprise actualisée du conflit qui opposa le dernier khalife des Béni Abbès à son ministre. El Masamir (les Clous) de Saadeddine Wahba évoquait la lutte contre les Anglais en 1919, mais la pièce sert surtout à produire une critique acerbe contre les responsables égyptiens de (année) qui ne surent pas mener la guerre contre Israël. D'ailleurs, les autorités égyptiennes censurèrent cette pièce pendant une certaine période. Hussein Révolté et Hussein martyr (Hussein Ta'ir et Hussein Chahid), enfin, d'Abderrahmane Charqawi, qui abordait également, à travers le martyre de Hussein, la question du pouvoir, fut elle aussi interdite par les autorités égyptiennes. Ainsi, Alfred Faraj, Charqawi ou Wannous prennent le passé comme simple cadre pour dire les déceptions et les désillusions nées de promesses non tenues et d'une désastreuse gestion politique des sociétés arabes. Kateb Yacine, Abdelkader Alloula et Slimane Bénaissa tentent pour leur part de démonter les mécanismes du fonctionnement des pouvoirs en place à travers leurs œuvres. Kateb Yacine, dans ses pièces en arabe «dialectal», montre les relations qu'entretiennent rois et chefs d'Etat arabes qui oppriment leurs peuples ( Mohamed prends ta valise, Palestine trahie, le Roi de l'Ouest ). Alloula met souvent en situation, avec une verve satirique très acerbe, la petite bourgeoisie opportuniste qui s'allie avec le pouvoir en place contre le peuple. Slimane Bénaissa fustige les autorités algériennes dans une pièce très critique : Babor Eghraq ou le Bateau coule. Une autre question importante, souvent liée au problème du pouvoir, est abordée par certains dramaturges. Il s'agit de la place de l'intellectuel dans la société et des relations, souvent conflictuelles, qu'il entretient avec les dirigeants politiques. Le personnage d'El Hallaj inspira quelques auteurs arabes comme Salah Abdessabour, Azzedine Madani et Abdelkrim Berrechid. Salah Abdessabour, usant d'un style poétique, inaugure sa pièce par la crucifixion de l'intellectuel sur un arbre et dévoile clairement les relations conflictuelles des dirigeants avec cet homme qui les dérange, parce qu'il réfléchit autrement et se libère de sa solitude pour appeler à une sorte de résurrection sociale (Ma'sat el Hallaj ou Tragédie d'El Hallaj). Azzedine Madani propose trois personnages différents et trois lectures parallèles de ce personnage (El Hallaj). Le Marocain Abdelkrim Berrechid met en scène certains personnages comme El Hallaj, exclus, et marginalisés par les pouvoirs en place. L'intellectuel est marginalisé, isolé et, dans de nombreux cas, liquidé physiquement dans des sociétés arabes qui n'arrivent pas encore à admettre l'émergence d'une parole critique. Azzedine Madani dans El Ghofrane (le Pardon)met en scène Abou el Ala'El Maari recouvrant sa vue et faisant, à travers un itinéraire nouvellement construit par l'auteur, la critique des pouvoirs en place et de leurs clercs. C'est un texte qui donne à l'Histoire une dimension actuelle. Hourouf el Ala (les Lettres du mal) de l'Algérien Hacène Boubrioua, largement inspiré d'un texte d'Ali Salem et Def el goul wel bendirde Tayeb Dehimi, tentent de démonter les mécanismes de la relation d'allégeance de certains intellectuels avec les pouvoirs en place. C'est surtout vers les années 1970 que cette question de l'intellectuel et de sa responsabilité fut sérieusement traitée, d'autant que la défaite de juin 1967 laissa d'indélébiles traces dans l'inconscient arabe. Un sentiment de culpabilité gagna de nombreux hommes de culture, qui n'hésitèrent pas à aborder ce sujet comme s'il leur permettait en quelque sorte de se libérer d'un certain embastillement psychologique et social. Rida Qaysar d'Ali Akla Arsane décrit, quant à elle, le dilemme d'un écrivain romain, Plaute, qui n'arrive pas à se retrouver devant son désir d'exprimer les préoccupations du peuple et de satisfaire César. Mais ses hésitations vont le mener à la prison et à la déchéance, ce qui le pousse à trahir le peuple et à accepter de servir de faire-valoir auprès du puissant du jour. Saadallah Wannous ne fait pas de détour en mettant en scène un directeur de théâtre qui ne fait que servir les dirigeants politiques sans se soucier de sa responsabilité sociale, alors que l'écrivain, comme libéré par une sorte de prise de conscience subite, prend position pour le peuple et la vérité. Deux personnages antithétiques et antagoniques qui représentent deux types d'intellectuels possibles dans les sociétés arabes (Soirée de gala à l'occasion du 5 juin)marquent le territoire dramatique. Al Hallaj de Abdessabour se libère de sa solitude quand il se rend compte de la
pauvreté et de la misère de son peuple. Il s'oppose ouvertement au pouvoir, qui finit par l'assassiner. Mais il savait déjà que sa mort allait enfanter la vie. La parole est dangereuse, c'est pour cette raison qu'elle est combattue depuis des siècles par des régimes qui, s'ils n'arrivent pas à la dompter et à la corrompre, la condamnent au silence. La désillusion et le désenchantement, consécutifs aux indépendances et à la défaite de juin 1967, favorisent un discours parfois nihiliste, marqué par la déception et l'impuissance. Les personnages plongent dans le passé pour dire les trahisons présentes et les divers retournements historiques. Dans El Mouharej ( le Clown), Mohamed Maghout fait parler Abderrahmane Eddakhel, qui effectue un voyage dans les pays arabes pour s'enquérir de la situation présente. Déjà, à chaque frontière, il est arrêté, puis, comble de la tragi-comédie, il est remis, après quelques négociations, aux autorités espagnoles en échange de quelques tonnes de matières alimentaires. Les Algériens Ziani Chérif Ayad et M'hamed Benguettaf tentent, dans leur pièce Echouhada yaoudouna hada el asbou' (les Martyrs reviennent cette semaine), d'après une nouvelle de l'écrivain Tahar Ouettar, de mettre en scène les dégâts causés à l'Algérie indépendante par les opportunistes et les arrivistes du parti unique et des autres appareils de l'Etat. Nous avons affaire à un aller-retour entre le passé représenté par la lutte pour la libération et le présent. Cheikh Abed, un vieux moudjahid porté pour mort, revient dans le village et se rend bien vite compte des nombreuses trahisons et du détournement de la révolution par d'anciens traîtres et des opportunistes notoires. Le thème de la désillusion se retrouve par ailleurs dans Mille hourras pour une gueuse de Mohamed Dib qui, à travers l'itinéraire d'une ancienne maquisarde, Arfia, nous donne à voir les déceptions et les désillusions du présent. Chez Mamdouh Adouane, le présent éclaire certaines zones d'ombre du passé et permet de mettre en accusation les détenteurs du pouvoir et les mécanismes de la répression. Des pièces comme Mouhakamet Errajoul elladi lem youharible (Procès de l'homme qui n'a pas combattu), Hamlet yastayqad mouta'akhiran (Hamlet se lève tard), ou encore Layl el abid (Nuit des esclaves)donnent à voir, à travers les procédés du théâtre dans le théâtre, la présence de personnages fictifs et réels et la circularité du récit, les amertumes des temps présents. La parodisation de l'histoire participe d'une certaine manière d'enclencher une lecture politique, quelque peu exceptionnelle, du fait social et subvertit un certain nombre d'éléments souvent considérés comme des lieux communs. Des problèmes du passé sont mêlés à des situations présentes. Les auteurs ne se conforment nullement aux détails de la «vérité» historique, mais proposent une lecture très personnelle de faits considérés comme évidents. Les Mille et Une Nuitset les contes populaires fournirent souvent le cadre à cette reprise en charge du passé. De nombreux auteurs utilisent des personnages et des situations tirés des Mille et Une Nuitset des contes populaires et modifièrent souvent le discours et les intrigues. Saadallah Wannous retravailla ces contes et leur donna une dimension esthétique et politique nouvelle. Dans ses pièces, il y a une sorte de confrontation directe entre le passé, la légende et le présent. L'intervention du hakawati, les protestations et les commentaires des clients du café et le récit pris en charge par le conteur construisent un discours théâtral original, qui obéit à une logique politique et idéologique précise. Cette manière de faire n'est pas absente chez d'autres auteurs comme Alfred Faraj, Mamdouh Adouane ou Kateb Yacine. Ainsi, Alfred Faraj conserve le récit-cadre des Mille et Une Nuits, mais transforme les éléments constituants du discours théâtral donnant à voir une représentation originale. Hallaq Baghdad (le Barbier de Baghdad) s'inspire des Mille et Une Nuits, mais reprend également un certain nombre d'éléments de deux textes de Beaumarchais : le Mariage de Figaroet le Barbier de Séville. Aboul foudoul, le personnage central de la pièce, bavard et envahissant, n'arrête pas de construire et de déconstruire un univers dramatique qui charrie en lui toutes les contradictions sociales. Kateb Yacine, en recourant à Djeha, pose des problèmes directement politiques. Ce personnage va se transformer et tenter de transformer la société en ridiculisant les puissants et en s'opposant à leurs manœuvres et à leurs manigances. Djeha devient un révolutionnaire, à la fois conteur et acteur, qui use souvent d'un langage sarcastique, pour fustiger les pouvoirs en place, les opportunistes et les arrivistes. Certains auteurs emploient un discours politique direct et s'attaquent ouvertement aux dirigeants arabes présentés souvent comme les seuls responsables de la tragédie actuelle. D'autres développent un discours nationaliste et illustrent, dans leurs pièces le discours officiel. De nombreux auteurs empruntent à l'histoire des éléments pouvant contribuer à la mise en œuvre du discours théâtral. Il n'est souvent pas question de reconstitution de faits historiques, mais plutôt d'une relecture de certaines réalités tirées de l'histoire qui éclaireraient le présent. L'objectif de la réutilisation de faits historiques est souvent dicté par des considérations esthétiques et idéologiques. Wannous, Kateb Yacine ou Alfred Faraj recourent au passé pour mettre en lumière la situation présente et suggérer des moyens de lutte. Le temps et l'espace sont souvent traités de façon élastique. L'histoire n'emprunte pas une suite chronologique ou linéaire. Dans de nombreuses situations, les auteurs commencent leurs textes par le dénouement. C'est le cas, par exemple, de la Tragédie d'El Hallajde Salah Abdessabour et du Roi inquietde Tewfik el Hakim. Dans ces pièces, des faits datés sont souvent mêlés à des réalités imaginées, ce qui permet la rencontre de deux temps et de deux espaces tout à fait différents : l'un réel, l'autre mythique. L'intégration d'éléments du présent dans le passé donne au texte une nouvelle dimension et lui permet d'interpeller l'actualité avec plus d'acuité. Cette manière de faire est renforcée par l'usage de la technique du théâtre dans le théâtre qui provoque un certain effet de distanciation et suggère une lecture différente des faits. El Mouharij (le Clown), Moughamarat ra's mamelouk Jaber, Soirée avec Abou Khalil el Qabbani, Ma'sat el Hallajet bien d'autres textes emploient ce procédé qui donne la possibilité au récepteur de participer et de réfléchir au développement de l'action et permet au spectateur de mieux situer les faits et de comprendre la logique discursive. La narration est ponctuée par la progression des différentes images, arrêtée et freinée par l'apparition de signes renvoyant à d'autres instances spatio-temporelles. C'est à travers les propos d'un narrateur, hakawati, conteur ou personnage périphérique, que les éléments re-théâtralisés apparaissent et s'imposent sur scène comme illustration du discours de l'auteur. Ce n'est pas tant la vraisemblance historique qui intéresse les auteurs, mais le message développé. Les objectifs politiques et idéologiques de leurs œuvres sont souvent précisés dans des manifestes et des articles. À côté de ce théâtre, qui plonge dans l'histoire pour décrire le présent, existent d'autres formes d'expression thématique qui prennent l'actualité comme l'élément central du récit. Certains dramaturges se limitent parfois à l'illustration d'un discours politique, en empruntant parfois à Brecht et à Piscator certains procédés comme l'effet de distanciation. Ce sont souvent les troupes d'amateurs qui développent dans leurs pièces un discours direct, une sorte de théâtre d'actualité ou documentaire. Quelques auteurs abordent des thèmes philosophiques, à la suite de Tewfik el Hakim qui fut le premier à traiter de ce type de sujets. Le théâtre a donc, contrairement à des idées reçues, été, grâce à quelques auteurs et metteurs en scène, à l'avant-garde de la lutte contre l'absolutisme. C'est vrai que ces dernières années, l'art de la scène connaît une grave régression.


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