Par Leïla Aslaoui-Hemmadi Certains parmi les lecteurs qui liront cette contribution pourraient penser que, confronté à de grands défis économiques et sociaux, notre pays n'a que faire de «polémiques stériles». (Quotidien L'expression du 19 novembre 2014). En conséquence de quoi, celles-ci ne devraient pas susciter de réactions encore moins de débats. Force, cependant, est de constater que la vigilance acquise depuis la triste période de gestion islamiste des mairies en 1989-1990, ainsi que depuis les années sanglantes de l'islamisme terroriste, a appris à beaucoup d'entre nous à déceler les véritables intentions des voix islamistes qui se font entendre. Elles se saisissent en effet de prétendues opportunités pour atteindre leur objectif, toujours le même : faire reculer la société et imposer leur diktat. Et là il ne s'agit nullement de questions secondaires ou mineures, parce que s'il est un poison que l'islamisme sait inoculer à la perfection au sein de la société, c'est bien celui de la régression des mentalités. Pour ce faire, il ne lésine pas sur les moyens. Tout y passe : la «morale» pour sauver une société en perdition, la vertu, voire les «libertés individuelles». A peine croyable ! lorsqu'on se souvient de celles et ceux que l'islamisme terroriste a égorgés, décapités — aujourd'hui encore — au nom de sa «liberté» à lui. Il ne reste plus que l'occasion ou prétendue telle, pour monter au créneau et occuper l'espace. C'est ainsi qu'il a suffi d'une instruction émanant du directeur général des douanes rappelant aux agentes des douanes affectées dans les lieux sensibles (ports - aéroports) l'interdiction du port du hidjab pour que des voix islamistes se sentirent pousser des ailes et brandir leur épouvantail habituel : la société est menacée de dépravation ! Afin qu'il n'y ait aucun malentendu, cette contribution n'est pas un débat stérile sur : pour ou contre le hidjab. Cette question ne m'intéresse plus depuis fort longtemps étant forte de mes seules convictions auxquelles j'ajoute celle de l'interdiction non négociable faite à toute hidjabisée d'empiéter sur mes plates-bandes et ma liberté. Par contre, lorsqu'il s'agit d'uniforme, c'est-à-dire un costume dont la forme, la couleur et le tissu sont définis par un règlement applicable à tous, je me reconnais le droit non seulement d'acquiescer à la décision du directeur général des douanes, mais également de l'accueillir par une ovation. Des vivats qui ne signifient pas pour autant que je qualifierai ladite décision de courageuse ou de héroïque. Je dirai qu'elle est tout bonnement normale et attendue dans un Etat républicain où le rôle de l'uniforme au sein de professions précises, crée un ensemble homogène quelles que soient les opinions politiques et religieuses des uns ou des autres. Ou des unes et des autres puisque dans ce cas précis, c'est d'agentes de douanes dont il s'agit. Il serait en effet aberrant de rencontrer une douanière, une policière ou encore une femme militaire, dans un autre accoutrement que celui d'un uniforme imposé par le règlement. Pas seulement les dames, d'ailleurs. Pourrait-on imaginer un douanier, un gendarme, un policier, en tenue afghane et barbe hirsute ? Cela ressemblerait plutôt à un faux barrage de la décennie noire. Alors trêve de plaisanterie ! Le rappel d'une décision somme toute banale puisque attachée au respect d'une tenue réglementaire ne méritait pas cet inutile tohu-bohu initié par des islamistes. Passe encore qu'une femme d'un petit parti islamiste marque sa désapprobation et sa crainte de voir «la société déstabilisée» (sic !). Elle n'en est plus à une ineptie près. N'est-elle pas celle qui se voit parfaitement heureuse auprès de son époux polygame ? C'est sans doute son droit. Mais seulement le sien. Les Algériennes dans leur grande majorité veulent acquérir plus de droits. Elles ne rêvent nullement de harems et de coépouses. laissons donc la dame à ses fantasmes ! Que penser par contre de l'opposition à ladite décision d'un ministre de la République et pas n'importe lequel : celui des Affaires religieuses ? L'on ne peut que s'en émouvoir et le regretter. Ce ministre est-il conscient qu'il appartient au même Etat dont fait partie le directeur général des douanes ? Ce ministre connaît-il seulement la définition des mots : uniforme et corps ? Ce ministre qui donna l'impression parfois d'être un tantinet audacieux à l'égard de l'extrémisme des salafistes aurait-il été rattrapé par le naturel revenu au galop ? Il nous livre ainsi à l'occasion d'une question réglementaire non négociable, son vrai visage. Ses véritables positions entendant sacrifier l'uniforme des douanières au profit du hidjab. Au nom de quoi ? De ses opinions, cela va de soi qu'il dissimule sous le vocable de «liberté individuelle». Il se trouve qu'un ministre est solidaire du gouvernement auquel il appartient et des autres institutions étatiques. S'il entend défendre ses convictions personnelles, il sait ce qui lui reste à faire : démissionner de son poste. Ce ministre aurait certainement été mieux inspiré en demeurant silencieux, car en exprimant une opinion personnelle sur une banale histoire de «khimar», a-t-il seulement pris conscience qu'un ministre responsable ne doit jamais créer de cacophonie au sein de l'Etat ? Le directeur général des douanes a rappelé qu'un uniforme de douanière doit le demeurer et qu'il n'a rien à voir avec tout autre accoutrement, fût-il le hidjab ! Là prend fin ce feuilleton «de haram et halal». Par contre, le ministre des Affaires religieuses, chargé comme l'indiquent ses fonctions, d'éduquer ses compatriotes qui en ont grandement besoin en leur rappelant les règles basiques de l'Islam dont la propreté, le respect de soi-même et d'autrui, serait fort bien inspiré s'il comprenait ceci : l'incivisme que subissent les citoyens au quotidien est de très loin plus grave qu'une histoire stupide de «khimar». Pour quelles raisons ce ministre et son administration ne se rendraient-ils pas utiles en rappelant des choses simples mais de plus en plus rares ? Si rares que le quotidien en est devenu pénible. Pour quelles raisons le «haram» et le «halal» seraient-ils les seules préoccupations des affaires religieuses ? Et par ricochet, celui des Algériens ? La décennie noire ne nous a-t-elle donc rien appris ? Pourquoi ne pas rappeler que jeter des détritus n'importe où dans les rues de la capitale (et autres villes du pays) est un irrespect à l'égard de toute la collectivité au sein de laquelle on vit ? C'est simple, pourtant. Pourquoi ne pas rappeler lorsqu'on est chargé de rappeler les préceptes de l'Islam que cracher dans les lieux publics est irrespectueux pour autrui et dégradant pour soi-même ? Dégradant et répugnant. Pourquoi ne pas rappeler une règle simple appelée à faciliter les rapports entre compatriotes : avoir des droits n'exclut nullement celui d'avoir des devoirs ? L'un d'entre eux et le plus important étant que la citoyenneté est un mot creux lorsque la saleté le dispute à l'irrespect. Irrespect à l'égard de la chose publique, à l'égard du voisin, de ses aînés, de ses enseignants, des représentants de l'Etat, de l'uniforme qu'un foulard ou une barbe sauraient déclasser, n'en déplaise au ministre des Affaires religieuses ! L'incivilité étant devenue la règle à laquelle il convient d'adjoindre celle du populisme sciemment entretenu depuis tant d'années, force est de constater que la bonne éducation et le savoir-vivre sont tantôt une exception, tantôt une tare qu'il faut vite cacher. Et le pire est que l'incivisme gagne toutes les catégories sociales. A ce titre, le ministre des Affaires religieuses ferait œuvre de salubrité publique et de bienfaisance si, aidé de son administration, il prodiguait quelques précieux conseils à certains ex-hauts responsables de l'Etat lorsqu'ils sont appelés, par exemple, à vivre dans la même résidence. Donc un espace et un cadre de vie qu'ils se doivent de partager. Le ministre pourrait ainsi se rendre utile en enseignant à certains de ces ex-responsables (entre autres exemples) des règles simples : — ne pas transformer des portes de garages prévus pour le stationnement de voitures en «terrains» de football pour leur progéniture ; — la différence qui existe entre lesdits garages et des sanitaires, des douches, voire des cuisines... — créer des rapports de voisinage excluant les nuisances telles que bruits sonores, cris des enfants ou autres... — aboiements de chiens enfermés dans des appartements ; — élevage de chats errants nuisibles tant à la santé qu'à la sécurité des résidents ; — lavage des véhicules à grands jets d'eau transformant souvent les lieux en une station de lavage ; — bon usage des poubelles et de l'espace public. La liste est autrement plus longue. Il convient juste de rappeler au ministre des Affaires religieuses dont la mission — au risque de me répéter — est d'éduquer ceux qui ne le sont pas, que son implication serait autrement plus utile dans le domaine de l'incivisme que sur une question qui ne le concernait pas en sa qualité de ministre quelles que soient ses opinions personnelles. C'est sa mission, disais-je, mais également son devoir. Ce serait certainement plus utile qu'une polémique qui n'avait pas sa raison d'être, plus utile en effet, car si l'on reproche au citoyen lambda ses comportements aux antipodes du civisme, que penser alors de certains responsables et ex-responsables de l'Etat ? Des locataires auxquels la direction générale de l'EGT, représentée par son premier responsable M. Abdelhamid Melzi, a offert un cadre verdoyant sécurisé et agréable. (Cité 343 logements Staouéli). La gestion rigoureuse de ce premier responsable, appréciable par ailleurs, ne saurait pour autant venir à bout de la mauvaise éducation de ceux qui devraient donner l'exemple. Voilà pourquoi le ministre des Affaires religieuses devrait comprendre que l'incivisme est aujourd'hui une véritable calamité pour notre pays et notre société et qu'il a un grand rôle à assumer. Bien plus important qu'un bavardage insipide sur un «foulard». De cela, le ministre des Affaires religieuses se doit d'être conscient afin de ne plus se fourvoyer inutilement et de se montrer ainsi plus réservé à l'avenir. Réservé et responsable.