Déclinée en trois volets : la conjoncture aujourd'hui dans le pays, les pronostics quant au scrutin présidentiel de jeudi 17 et enfin les perspectives pour l'après-scrutin, l'intervention de Chafik Mesbah au forum du journal Liberté de lundi si elle fut brève et concise n'en a pas moins engendré un débat riche, les participants – journalistes et citoyens — avides de connaître l'avis de cet ancien officier des services et analyste politique s'exprimer sur le crise que connaît le pays et les moyens d'en sortir. Trois points essentiels et récurrents ont été mis en exergue par l'intervenant : un bilan négatif, désastreux à tous les plans ; une conscience éveillée de la société aujourd'hui et une sortie de crise qui ne peut faire l'économie d'une transition et qui ne peut, non plus faire l'économie d'un «encadrement militaire». L'état des lieux se caractérise selon l'intervenant par un «bilan de quinze années désastreux tant au plan économique, politique que social». Le seul point positif se situe certainement au plan militaire et seulement durant les deux premiers mandats de Bouteflika qui ont vu notamment la modernisation de l'armée et quelque peu son retrait de la vie politique. Après 2004, c'est incontestablement «négatif». Alors que cette situation est sans concession désastreuse, le cercle présidentiel a choisi «la logique de la terre brûlée». Il n'est pas, estime Chafik Mesbah, dans l'idée de ce cercle d'accepter un deuxième tour, ses prétentions vont plus haut, une victoire au premier tour avec un taux de participation élevé, même si l'on sait déjà et à l'allure où va le scrutin à l'étranger où, croit-il savoir, le taux ne dépassera pas les 10% et même si l'on sait aussi que depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, le taux national de participation n'a jamais dépassé les 20%. Lorsqu'il lui est demandé ce qui l'a le plus marqué lors de la campagne qui vient d'être bouclée, la réponse de l'intervenant est sans équivoque : «l'indigence de cette campagne, le niveau lamentable et exécrable». Les meetings de Bouteflika ont toujours, rappelle-t-il, «viré au vinaigre». «C'est là, explique-t-il, une première en Algérie et un indicateur de la conscience éveillée de la société algérienne». Il n'y a jamais eu, tout au long de cette campagne de débat d'idées mais de personnes. De plus, Mesbah s'est dit consterné par le niveau des ministres de Bouteflika. Et la candidature de Benflis dans cette élection ? Benflis qui a fait, estime Mesbah, une bonne campagne se positionne pour après le 17 avril. Et lorsqu'il est encore interpellé sur le pourquoi de la candidature de Benflis, sachant que les jeux sont faits, il répond que l'entourage de Benflis était persuadé que Bouteflika n'allait pas se présenter et c'était là, une mauvaise évaluation. Et que pense l'ex-officier des services de l'intervention télévisuelle du Président-candidat mettant en cause son adversaire Benflis qui aurait été violent, pratiqué le terrorisme télévisuel et le chantage en direction des commis de l'Etat ? La réponse fuse avec colère et indignation : «C'est la première fois depuis l'indépendance que les problèmes internes sont livrés aux étrangers et de cette façon. Ils ont mobilisé l'appareil diplomatique à des fins personnelles, ce qui est pour l'orateur inadmissible. Entre les deux candidats, dira encore Mesbah, la guerre des mots a été du côté de Bouteflika. Plus loin et quand il lui fut demandé si Benflis, n'allait pas appeler à occuper la rue s'il n'était pas élu, il considère que Benflis, «un ami», même s'il n'approuve pas sa candidature, c'est toutefois un «homme de paix». Quelles perspectives pour l'après-17 avril ? La réponse, selon Mesbah, ne peut être qu'une période de transition qui devra voir Bouteflika libéré de ses fonctions et qui regrouperait très largement les acteurs politiques et sociaux et qui serait accompagnée par un encadrement de l'armée. Devant cette proposition, il y a eu naturellement beaucoup d'intervenants pour s'interroger sur la présence encore de l'armée alors que pour certains, c'est peut-être le moment pour ce corps de se retirer de la vie politique. Mesbah y répond en déclarant que «l'idée que l'armée est un corps inerte est farfelue». De plus, dit-il, «la chaîne de commandement de l'armée est aujourd'hui constituée de jeunes qui, en règle générale, ne traînent pas de casseroles et n'ont pas le virus politique au sens politicien du terme». Partant, dit-il, «il ne les voit pas s'engager pour un camp ou pour un autre». Il précisera face aux interrogations de certains que «la participation de l'armée à la période transitoire ne peut être qu'une garantie et qu'elle ne devra surtout pas se substituer à la volonté politique des acteurs concernés par cette transition. De quelle manière et avec quelle approche se fera cette période de transition ? Ce serait prétentieux pour ma part de vous dire comment va s'organiser cette période de transition». A ceux qui lui rétorquent qu'une période transitoire est utopique, il répond que cette idée de période transitoire fait aujourd'hui son chemin au sein de la société et même auprès de certains hommes au pouvoir actuellement comme Sellal et Belkhadem.