Dans «Le Soir corruption » du lundi 17 novembre, nous avions présenté un état des lieux de l'application du code des marchés publics, très mauvais code, mal appliqué ou carrément contourné au profit du gré à gré presque systématique, les conséquences alimentant notamment l'explosion de la corruption à tous les niveaux. Il est impératif, pour peu que les pouvoirs publics en manifestent la volonté politique, de faire de la transparence dans la passation des marchés publics, un objectif prioritaire en Algérie. Pour y parvenir, nous suggérons les recommandations suivantes. La passation des marchés publics est un domaine particulièrement sensible de la lutte contre la corruption et doit constituer une priorité des décideurs soucieux d'introduire plus de transparence et d'intégrité dans le fonctionnement des services publics. Là comme ailleurs, l'objectif de la réforme doit avant tout viser la mise en place de mesures de prévention pour créer un climat d'intégrité, mesures qui diminuent les risques liés aux pratiques de corruption, en limitent les bénéfices et s'attaquent au phénomène avant qu'il ne se produise. Comme nous l'avons déjà signalé, l'existence d'une volonté forte et sincère du gouvernement est un préalable pour lutter efficacement contre la corruption dans les marchés publics. Cette volonté devrait se traduire par l'élaboration d'une stratégie nationale articulée autour d'un certain nombre de mesures. La sensibilisation : en informant et mobilisant l'opinion publique, notamment à travers les médias, sur les cas de corruption. La prévention : par la réforme des textes législatifs et réglementaires, la formation et la sensibilisation des agents publics et l'élaboration de codes de conduite. La surveillance de la pratique des marchés publics : en renforçant la transparence et en facilitant l'implication d'acteurs autres que les donneurs d'ordre et les entreprises tels que la société civile et les médias. L'évaluation et le contrôle de l'application des procédures de marchés publics. La sanction des pratiques malhonnêtes. La réforme du code des marchés publics est certainement l'élément central de la lutte contre la corruption dans ce secteur. Il est fondamental que le pouvoir législatif soit associé au chantier des réformes. Ce n'est pas le cas dans de nombreux pays, dont l'Algérie, où les gouvernements, pour contourner le pouvoir législatif, se contentent de dispositifs réglementaires, tels les décrets exécutifs ou les arrêtés ministériels. Les réformes sont alors engagées en cercle fermé au niveau de l'Exécutif, sans débat public. Impliquer le Parlement Les objectifs de la réforme. Il s'agit de disposer de textes, de lois, de procédures et de toutes réglementations nécessaires pour lutter efficacement contre la corruption. Ils peuvent autant couvrir la réglementation et la surveillance du processus de passation des marchés, de leur exécution et de leur réception, que le contrôle et l'évaluation de leur application. L'ensemble des textes relatifs aux marchés publics doit être réuni et mis en cohérence dans un code. L'élaboration et la réforme du code des marchés publics doivent être menées sous l'égide du Parlement national afin de susciter des débats publics essentiels à la sensibilisation et à l'adhésion des institutions et opérateurs concernés, et de donner à ces textes force de loi. Les mesures d'accompagnement de la réforme du cadre juridique. Au-delà de l'établissement d'un cadre juridique, la lutte contre la corruption dans les commandes publiques nécessite l'adoption d'un ensemble de mesures et de pratiques pour régir le processus de passation des marchés. On doit envisager toute une série de mesures pour accompagner la démarche de réforme. Introduction de l'infraction et de la sanction pénale contre le favoritisme ou l'octroi d'avantages injustifiés. Introduction de la sanction pénale contre le délit d'initiés. Formation et professionnalisation des fonctionnaires dans le domaine des marchés publics. Sensibilisation des partenaires et du public. Mise en place des mécanismes de contrôle des investissements et de l'opportunité des achats. Promotion et encouragement de l'adoption de codes de conduite et de déontologie. Mobilité du personnel impliqué dans les marchés publics. Publication et diffusion de guides simplifiés des codes de marchés publics. Internet pour y voir plus clair L'utilisation des nouvelles technologies. Le développement récent des nouvelles technologies présente un intérêt immense pour faciliter l'accès à l'information et introduire plus de transparence dans les processus de passation des marchés publics. Bien que ces nouveaux outils ne soient pas encore intégrés dans la plupart des réglementations nationales, ils sont particulièrement utiles pour la dissémination des informations relatives à : la publication des avis d'appels d'offres ; la consultation des cahiers des charges ; la publication des résultats et rapports d'évaluation ; la publication des textes des marchés publics. L'utilisation d'Internet dans une partie des procédures de l'attribution des marchés publics a commencé dans beaucoup de pays. Elle n'est même pas embryonnaire en Algérie. Des expériences sont menées pour aller au-delà des aspects liés à l'information et intégrer d'autres étapes de la passation des marchés. Il faut développer l'accès en ligne à un ensemble de données sur les marchés publics. L'éventail des informations publiées doit aller au-delà des obligations prévues par la réglementation en vigueur : on doit y trouver par exemple les projets de spécifications techniques, ainsi que les marchés conclus et exécutés.