Fi de l'optimisme des pouvoirs publics, la baisse des prix du pétrole au seuil de 60 dollars augure des perspectives assez sombres pour l'économie nationale, en termes de revenus moindres, une épargne qui risque de fondre et une attractivité affectée. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir)Les cours du pétrole frôlent déjà le seuil des 60 dollars. Hier matin, lors de transactions asiatiques, les cours de l'or noir poursuivaient de dégringoler, le baril de Light sweet crude (WTI) perdant 40 cents, valant 62,65 dollars tandis que le Brent de la mer du Nord cédait 35 cents à 65,84 dollars. La veille, les prix du pétrole avaient chuté de 2,79 dollars, s'établissant à 63,05 dollars à New York, et marquaient un plongeon de 2,88 dollars, s'établissant à 66,19 dollars. Des niveaux de prix les plus bas en clôture depuis le 29 juillet 2009 lorsque le WTI avait fini à 62,90 dollars et depuis le 28 septembre 2009 lorsque le Brent avait fini à 65,88 dollars. De fait, les cours du Brent et du WTI ont enregistré une certaine hausse hier en cours de journée, valant respectivement 66,71 dollars à Londres et 63,67 dollars à New York. Nonobstant cette légère remontée, les cours de l'or noir restent encore baissiers. Les raisons de cette baisse Une baisse des prix qui survient dans le contexte d'un essoufflement économique de la Chine, le géant asiatique enregistrant une chute surprise de ses importations et un fort ralentissement de ses exportations. En chute libre depuis leur pic de juin, estimée à plus de 30%, les prix du pétrole souffrent de la faible activité économique mondiale et de prévisions d'une offre très abondante en brut l'an prochain dans un marché déjà bien approvisionné. Une abondance de l'offre notablement américaine, de plus de 9 millions de barils par jour, avec un nombre de puits de forage qui ont augmenté aux Etats-Unis en une semaine. Une dégringolade des prix que le maintien par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de son plafond de production (30 millions de barils par jour), décidé faute de consensus pour la réduction et en raison de la politique défensive de l'Arabie Saoudite, n'a pu cependant enrayer. Une baisse quoique cyclique... Considérée, certes, comme cyclique selon plusieurs experts, cette pression baissière devrait toutefois se poursuivre en 2015, sous l'effet d'une augmentation de la production mondiale de pétrole, le possible retour des exportations iraniennes actuellement limitées par des sanctions internationales sur son programme nucléaire, et le renforcement du dollar, la monnaie américaine représentant un actif jugé plus sûr en temps d'incertitude. Selon des analystes, les prix du brut devraient baisser d'environ 30% en 2015, de 98 dollars à 70 dollars pour le Brent londonien. Et cela même si des analystes considèrent qu'un rééquilibrage de l'offre pourrait s'opérer vers le second semestre 2015, les prix bas du pétrole poussant certains producteurs à revoir leurs investissements à la baisse. Moins de recettes d'exportations Or, un plongeon des prix du pétrole qui augure des perspectives assez sombres pour l'économie nationale. Avec un prix du baril dont le cours frôle actuellement les 60 dollars contre un niveau de prix fluctuant autour des 110 dollars à la mi-juin dernier, la capacité d'engranger de bonnes recettes d'exportations d'hydrocarbures reste incertaine. Déjà, les recettes s'étaient rétractées d'environ 1,4% en valeur et de 1,02% en volume au cours du premier semestre 2014. Sensible notamment sur le segment hydrocarbures gazeux, ce recul semble plus important pour le second semestre de l'année en cours. Ainsi, l'Algérie devrait engranger moins de recettes, voire une perte en dizaines de milliards de dollars, en raison de cette chute des prix, sans omettre l'impact sur les prix du gaz qui sont encore indexés sur ceux du pétrole. Des revenus extérieurs de 60 milliards de dollars sont ainsi attendus en 2014, selon une estimation récente du président-directeur général de Sonatrach, Saïd Sahnoun. Déjà en 2013, les recettes ont été évaluées à quelque 63 milliards de dollars, en recul de plus de 10% en valeur, et de 7,4% en volume, contre 70,5 milliards de dollars en 2012 et 71,6 en 2011. Une épargne qui fond ! Certes, des revenus acceptables dans la mesure où l'Algérie dispose d'un mécanisme de soutien et d'épargne, le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui est alimenté par la fiscalité pétrolière non budgétisée (la différence entre les recettes budgétisées sur la base de 37 dollars le baril et celles obtenues sur la base du prix du marché). Un mécanisme dont la contribution est opportune, assurait récemment le ministre des Finances, Mohamed Djellab. Or, un mécanisme déjà sollicité en 2013 et au cours du premier semestre 2014, la Banque d'Algérie faisant état dans ses notes de conjonctures d'un montant de prélèvements qui avoisinait les 7 milliards de dollars. Des prélèvements opérés en vue de compenser les déficits budgétaires et soutenir les dépenses d'équipement notamment, indique-t-on. Moins alimenté qu'avant, en raison de la décrue des cours du pétrole, le FFR qui représente donc une épargne commence à fondre. N'accumulant que quelque 50 milliards de dollars (environ 56 milliards de dollars à la fin juin 2014 contre près de 62 milliards à fin 2013), ce Fonds risque d'être épuisé si la chute des cours se poursuit et que l'exécutif continue ses prélèvements. L'attractivité algérienne impactée ! Autre effet corollaire, la diminution des réserves officielles de change dont l'encours baissait à la fin juin 2014 à un peu plus de 193 milliards de dollars et qui va se réduire encore à la fin de l'année. Cela même si le niveau des réserves reste encore adéquat pour permettre à l'Algérie de contrecarrer des chocs externes persistants, dans un contexte de désendettement avéré, et couvrir les importations dont le volume reste croissant. Autre perspective inquiétante, une attractivité encore moindre du domaine minier national aux investissements étrangers, comme observé lors du dernier appel d'offres pour l'attribution de périmètres de recherche et exploitation d'hydrocarbures. Voire, la tenue d'un autre appel d'offres, inscrite dans l'agenda de l'autorité sectorielle (l'Agence nationale de valorisation des ressources en hydrocarbures) qui a engagé une dynamique de concertation avec les partenaires étrangers et d'évaluation des conditions actuelles de cette attractivité.