Par Hassane Zerrrouky Difficile de résumer en quelques lignes cette année 2014. En Algérie d'abord. 2014 a connu une élection présidentielle, unique et sans précédent dans les annales, remportée par procuration par un candidat qui, en raison de son état de santé, était dans l'incapacité de tenir le moindre meeting. Avec en toile de fond, une faiblesse de la participation électorale qui en dit long sur la représentativité des institutions. Plus symptomatique, et qui donne à réfléchir, est le fait que l'opposition, toutes tendances confondues, qui a un peu vite enterré le Président sortant, a été incapable de faire face à la situation. En dehors de communiqués rageurs, elle a peu ou pas du tout mobilisé. Même Ali Benhadj n'a pas rassemblé plus d'une vingtaine d'individus. Le prix du baril, qui poursuit sa chute, aura été l'autre fait marquant, révélateur de l'imprévoyance d'un pouvoir arrogant et sûr de lui, pour qui le tout-pétrole tient lieu d'unique stratégie. Comment va-t-il s'y prendre pour, à la fois, faire face aux besoins pressants d'une partie de la population à qui on a fait croire que l'Algérie pouvait rivaliser en termes de train de vie, de fastes et de dépenses de prestige – la plus grande mosquée du monde (trois milliards de dollars) — avec les pétromonarchies du Golfe, et satisfaire les appétits de cette classe d'oligarques qui a pris l'économie du pays en otage ! Tout aussi révélatrice d'une situation héritée des années 90 que le pays n'a pas encore soldée, l'affaire Kamel Daoud. Qu'on partage ou non ses vues n'est pas le problème. Ça se discute et ça se débat. Mais que des gens qui, à la fin du 20e siècle, avaient beaucoup de choses à se reprocher en raison de leur positionnement à cette époque cruciale de l'histoire de l'Algérie, se croient autorisés aujourd'hui à le condamner à mort et cela sans que l'Etat responsable de la sécurité des citoyens n'intervienne pour dire stop, questionne. Ces gens-là, comme dit la chanson, n'avaient-ils pas qualifié de taghout tous ceux qui s'opposaient à leur projet obscurantiste ouvrant la voie aux meurtres de milliers de journalistes, syndicalistes, intellectuels, femmes, enseignants, artistes, acteurs de la société civile et simples citoyens ? Aujourd'hui, s'abritant derrière l'Etat (c'est nouveau), ils lui demandent d'appliquer le châtiment suprême contre le chroniqueur du Quotidien d'Oran. Et ça, il ne faut pas le laisser passer. Autrement, on est complice et on revivra sous peu, sans doute sous d'autres formes, ce qu'on a vécu durant ces terribles années 90. L'assassinat d'Hervé Gourdel, qu'Abdelfatah Ziraoui et ses frères n'ont pas condamné, est venu rappeler que la menace existe. Et ailleurs, près de l'Algérie ? La Tunisie où en l'espace d'une année, après avoir frôlé le pire, le pays a réussi à se doter d'une Constitution qui a écarté la possibilité d'un Etat islamique, réussi des élections législatives et présidentielle remportées par Nidaa Tounès et son candidat Beji Caïd Essebci. Qu'ajouter sinon souhaiter que ce pays et seul Etat de l'espace maghrébin et du monde arabe aille de l'avant ? Autre fait marquant : la chute de Mossoul, deuxième ville irakienne entre les mains des djihadistes de l'Etat islamique, et l'établissement d'un califat sur un territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie. On retiendra surtout, l'entrée en guerre sous la pression de Washington, des pays du Golfe contre le califat de Baghdadi, non parce qu'il constitue une menace, mais parce qu'il est sorti du cadre qui lui était imparti initialement : se battre contre le régime d'Assad, et rien d'autre. Ailleurs toujours, avec Eric Zemmour, l'extrême droite française possède ses intellectuels organiques. Oubliant que les juifs français ont servi de boucs émissaires de la crise dans les années 30 avant d'être déchus de leur nationalité en décembre 1940 par le régime de Pétain, d'être déportés et gazés, Zemmour préconise – les chambres à gaz en moins sans doute parce qu'irréalisables aujourd'hui ! – la même solution envers les «musulmans» français ou non ! Hormis dans la gauche française, le propos de Zemmour – c'est mon point de vue – n'a pas soulevé de grandes vagues d'indignation dans l'opinion française. La France n'est pas le seul pays où l'extrême-droite fascisante est aux portes du pouvoir ou montre ses crocs. L'Allemagne et, pratiquement, toute l'Europe du Nord, commencent à être gangrenées. L'éclaircie ? Elle nous vient de l'Europe du Sud, de Grèce et d'Espagne. En dépit de la sévère crise frappant ces deux pays, l'extrême-droite ou la droite tout court, n'ont réussi ni en Grèce ni en Espagne à faire diversion en faisant des immigrés les boucs émissaires de la crise. Sur ces deux pays souffle un petit air révolutionnaire. En Grèce, c'est Siriza et son jeune dirigeant Alexis Tsipras qui peuvent diriger le pays dès le 25 janvier prochain. En Espagne, c'est le mouvement Podemos (Nous Pouvons) dirigé par un autre jeune, Pablo Iglesias, qui est donné vainqueur des prochaines élections. Ces deux mouvements de gauche, qui ont convaincu leurs électeurs chacun dans leur propre pays, qu'il existe une autre alternative à l'austérité imposée par le FMI et l'Union européenne. Et que la lutte des classes, comme l'ont rappelé de nombreux chercheurs en sciences sociales, Jean-Yves Camus entre autres, «n'était pas morte». Avec tout ça, bonne année à toutes et à tous.