Triste nouvelle pour la presse algérienne : Abdelkrim Djaâd, l'un de ses pionniers, est décédé hier à l'hôpital Cochin de Paris, des suites d'une longue maladie. Père de quatre enfants dont notre confrère Anis, Djaâd laisse derrière lui une longue carrière, pleine et qui aura traversé trois époques différentes de l'histoire de la presse algérienne et du pays tout court. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) Plume redoutable et acerbe, Djaâd a marqué par son style et son tempérament des générations de journalistes et de lecteurs depuis l'époque où, malgré la chape de plomb sous le parti unique, il exerçait comme rédacteur en chef du fleuron de la presse nationale dans les années 80, Algérie Actualité. En peu de temps, cet hebdomadaire connaîtra un succès fulgurant grâce à des plumes d'un grand talent, à sa consistance, à sa rigueur intellectuelle et surtout à un ton exceptionnellement «osé» pour l'époque. L'avènement du pluralisme politique puis médiatique de la fin des années 80 et des débuts de la décennie 90 sera vite terni par la déferlante islamiste et terroriste. Djaâd sera parmi ceux qui prendront l'avant-garde de ce nouveau combat qui s'impose à l'Algérie, celui de la lutte contre l'obscurantisme, en plus des résidus de la pensée unique. Cela donnera lieu à la naissance de Ruptures, dont le nom est en soi suffisant pour en deviner la ligne éditoriale. Avec feu Tahar Djaout, cet autre géant de la presse nationale, le premier journaliste algérien assassiné par les hordes intégristes, le défunt Abdelkrim Djaâd fondera cet hebdomadaire d'une qualité remarquable et qui constituait le cauchemar des islamistes et des segments les plus conservateurs du pouvoir. En 2004, Djaâd tentera une nouvelle aventure éditoriale en lançant un nouvel hebdomadaire, La Nouvelle Algérie Actualité. Une expérience qui ne durera pas car ne cadrant pas avec la liberté de la presse version Bouteflika ! Ce qui n'empêchera pas cette redoutable plume de «sévir» à chaque fois via certains titres de la presse indépendante comme Le Soir d'Algérie ou l'Expression. Mais aussi sous la forme d'ouvrages ou de romans car Djaâd était aussi un écrivain de renom. M. Hamid Grine, ministre de la Communication, a présenté en fin de soirée ses condoléances à la famille du défunt. K. A. Djaâd, au revoir père C'est confirmé, Abdelkrim Djaâd vient de mourir. Je viens de perdre mon père, et là je perds mon professeur. Mon gourou. Il m'a tout appris. Les lettres et la vie. Il m'a aidé, ici, à Alger. Là-bas, dans l'émigration. J'aurais pu finir sous une tente si Abdelkrim ne m'avait ouvert son cœur. Un homme nourri par les blessures qui a été hebergé dans une maison close «offerte» par le pouvoir algérien aux artistes. Faut-il pleurer sa disparition aujourd'hui ou applaudir les manifestants qui célèbrent le Prophète ? Serait-il possible d'égrainer, ici, tous les grands reportages qu'il a accomplis ? Abdelkrim Djaâd vient de mourir. Il m'a appris à écrire. Comment le pleurer après avoir pleuré mon père ? Directeur de rédaction d'Algérie Actualité, il m'a souvent appelé à revenir au calme, à la vie, à mes enfants. J'ai vécu quelques-unes de ses déchirures, de ses blessures. Je n'ai jamais osé commenter cela. Comment dire à l'aîné qu'on n'est pas d'accord ? A l'aise. J'ai aimé Djaâd. J'ai aimé ce père. Il vient de me quitter. J'ai mal. Djaâd était directeur de Ruptures, un journal, aujourd'hui, mort. Qui a valu la vie à Tahar Djaout. Abdelkrim, pionnier du journalisme, du reportage vient de nous quitter. Kabyle ? Arabe ? Il ne s'est jamais posé la question. Musulman, Chrétien, Athée, laïc ? Il ne s'est jamais posé la question. Djaâd était un gueulard, ses tonitruants et mythiques coups de gueule vont nous manquer. Adieu mon ami.