[email protected] Il est malheureux que le sous-sol algérien - comme on a déjà vu par le passé, les expérimentations atomiques - redevienne le laboratoire du monde pour une nouvelle expérimentation de l'extraction de gaz de schiste. Comme l'histoire se répète ! Sous d'autres gouvernants, nous avons haussé les sourcils en parlant de fatalité colonialiste. Le gouvernement actuel est pourtant issu de moudjahidine, d'enfants de chouhada et de moudjahids avec une mémoire encore gravée, des livres d'histoire racontant ce passé colonialiste récent, violentant notre terre pour leur besoin d'armes atomiques. 50 ans après, les enfants d'In Salah, conscients et au fait de ces techniques scientifiques dites barbares, des mots mêmes des plus grands scientifiques américains, de la violence destructive sur l'environnement qui résulterait de cette technologie, sortent manifester leur opposition à l'utilisation de ce procédé sur leur terre ancestrale. Comment des fils du peuple se retrouvent plus au fait et mieux informés et plus citoyens que leurs gouvernants ayant à leur disposition des centaines de conseillers et scientifiques aguerris ? Hélas, la mémoire est sélective ! Le peuple se souvient encore de Reggane et d'In Ikker. Les pouvoirs publics, amnésiques ou pas très au fait de leur Histoire, ont réprimé de manière violente et injuste ce peuple citoyen. Il est dommage que les pouvoirs publics réagissent de cette façon contre des citoyens qui s'attellent à tirer la sonnette d'alarme sur un sujet très sensible pour la région, pour la nature et pour les réserves en eau, ô combien précieuses et rares dans notre pays. Il est dommage, aussi, que les pouvoirs publics n'aient pas salué le civisme et le haut degré de conscience de ces citoyens, afin de les écouter et d'ouvrir un débat avec eux sur les dangers de la fracturation de la roche qui nécessite beaucoup d'eau mélangée à des centaines d'additifs chimiques dont la nocivité est prouvée sur la nature et l'homme. Ces citoyens sont aussi responsables du devenir de leur pays au même titre que ces gouvernants. Il ne fallait pas les prendre de haut comme l'avait fait le gouvernement. Nous sommes en 2015, l'âge de la G3 et de la G4. Désormais avec les nouvelles technologies, même le profane en la matière peut mesurer les dangers encourus par l'usage des techniques de la fracturation de la roche pour obtenir du gaz ou du pétrole. Au lieu d'engager un débat national sur une question aussi cruciale que décisive pour l'avenir du pays, voilà que nos gouvernants reviennent aux méthodes surannées du fait accompli et de l'autoritarisme. Il est surtout dommage que la classe politique, en général, et l'élite, en particulier, n'aient pas réagi à temps depuis déjà plus d'une année, période au cours de laquelle cette question nationale fut posée. Il est regrettable que les pouvoirs publics réagissent de la façon la plus brutale, à chaque fois contre des citoyens, qui ne veulent qu'exprimer leur opinion citoyenne contre un projet controversé à l'échelle planétaire. Le pouvoir actuel est responsable des éventuelles conséquences de l'exploitation du gaz de schiste et des dérapages sur les plans sécuritaire et sociale qui en découleront. Il est plus que douteux de la façon dont ce gouvernement se comporte depuis la chute des prix des hydrocarbures. Pourquoi s'acharne-t-il à exploiter ce gaz de schiste qui est sur le sol algérien et qui le restera au profit des générations futures, une fois la technologie améliorée et maîtrisée afin d'allier efficacité énergétique et respect de l'environnement ? La chute brutale des prix du pétrole a mis à nu ce pouvoir aux commandes de l'Algérie depuis plus de 15 ans. Une simple chute des prix a démontré la faillite de la démarche économique opérée par ces pouvoirs publics depuis plus d'une décennie. Leur modèle de développement a échoué, et ce n'est pas en bradant le sous-sol algérien à ces alchimistes étrangers des temps modernes qu'ils renfloueront les caisses de l'Etat. Le peuple considère que le baril à 1 dollar ou 100 cela ne changera rien du tout, leur ministre du pétrole ne s'inquiète pas pour le peuple, mais pour ses employeurs, les vrais détenteurs de la richesse et du pouvoir en Algérie. Il est scientifiquement démontré que l'exploitation du gaz de schiste ne peut se faire sans porter atteinte aux ressources hydriques et à l'environnement, et, donc, devient ainsi une source de problèmes en perspective. Beaucoup de laboratoires de recherche en France et aux Etats-Unis ont prouvé que l'exploitation de ce gaz à l'état actuel et avec les procédés actuels représente, tout d'abord, un danger sur la santé humaine, ensuite sur la contamination des eaux et enfin sources de dommages environnementaux, sur les activités agricoles et touristiques. La manifestation des habitants d'In Salah n'est qu'un cri de détresse et leurs craintes quant aux conséquences de ce procédé technique de la fracturation hydraulique sur l'environnement et les nappes phréatiques qui constituent une source de vie vitale pour le pays, en général, et pour cette région, en particulier, sont plus que fondées. Des pays occidentaux qui ne tolèrent pas cette technologie sur leurs sols, en vertu des recherches avérées des laboratoires scientifiques décriant cette technique comme étant dangereuse, ont eu l'aval de nos gouvernants pour l'utiliser sur le sol algérien dont ils connaissent les risques grandissants. Nos gouvernants, pris de panique générale, se comportent comme s'ils étaient sous pression de ces lobbys puissants et comme s'ils avaient beaucoup plus peur de ces lobbys que de leur propre opinion publique. Nous condamnons la violence disproportionnée utilisée par les forces de l'ordre sur décision des pouvoirs publics contre des citoyens venus manifester leur opposition légitime contre l'exploitation de ce gaz à ce stade de la recherche technologique et nous lançons un appel à l'ensemble de la classe politique afin de faire pression sur le gouvernement dans l'objectif d'arrêter toute exploitation de ce type de gaz et d'ouvrir un débat public sérieux pour enfin trancher de manière consensuelle la question du devenir de l'option du gaz de schiste et le moment de son exploitation. Des solutions pacifiques et durables peuvent être trouvées à tous nos problèmes politiques, économiques et énergétiques. La volonté citoyenne, les compétences et les idées existent ; le pouvoir en place doit enfin comprendre qu'il ne peut éternellement bloquer les initiatives et étouffer toute velléité de changement et d'amélioration. Notre pays a tous les moyens humains et matériels pour devenir un pays émergent, maître de son destin et de sa souveraineté totale. Reggane, plus jamais... Conclusion Tout le monde parle de réchauffement climatique, d'économie d'énergie et de l'intégration des énergies renouvelables, mais peu a été fait dans ce sens par ce gouvernement. Les vingt prochaines années seront «cruciales» pour notre pays. Il est urgent de réorienter les investissements vers une économie verte, basée sur l'industrialisation des énergies renouvelables, accompagnée de la planification de la formation du primaire jusqu'au supérieur, en passant par la formation professionnelle, ainsi que la préparation des PME/PMI pour créer une relance économique verte, créatrice de richesse, d'emploi et, surtout, protectrice de l'homme et de l'environnement. Si nous choisissons une bonne politique de développement et nous réalisons les bons investissements dans les domaines de la formation et de la recherche scientifique, de la planification urbaine, des systèmes énergétiques et de l'utilisation de moyens générés par l'exportation des hydrocarbures, nous nous mettrons sur la bonne route, sinon ce sera le cheminement vers le désastre. H. B. (*) Ancien président du Syndicat national des chercheurs