A 11 jours de l'élection présidentielle, le Nigeria craint de nouvelles attaques de Boko Haram, qui a montré ces derniers jours sa capacité à mener bataille sur plusieurs fronts dans ce conflit régional impliquant le Tchad et le Cameroun. Comme le 25 janvier, les islamistes armés ont à nouveau lancé dimanche une importante offensive sur Maiduguri, capitale de l'Etat de Borno (nord-est) dont le contrôle est un enjeu majeur de la crédibilité du scrution du 14 février. Simultanément, des hélicoptères de l'armée tchadienne bombardaient des positions islamistes plus à l'est, à la frontière du Cameroun, pour tenter de reprendre la ville nigériane de Gamboru. L'attaque sur Maiduguri a pu être repoussée dimanche par l'armée nigériane et des milices d'autodéfense après de longues heures de combats. Mais pour les experts, le deuxième assaut en une semaine sur cette ville stratégique ne sera sans doute pas le dernier avant le vote. «Les insurgés dénoncent depuis longtemps les élections, perçues comme une pratique païenne incompatible avec l'Etat islamique» qu'ils disent avoir instauré dans les pans de territoire qu'ils contrôlent dans la région, rappelle le chercheur Nnamdi Obasi, de l'International Crisis Group. «Une recrudescence des attaques (islamistes) pour perturber les prochaines élections était donc prévisible, surtout à Maiduguri. Et ce n'est sans doute pas fini», explique-t-il. Maiduguri, qui comptait un million d'habitants avant le déclenchement de l'insurrection islamiste en 2009, a vu sa population doubler ces derniers mois avec l'arrivée de centaines de milliers d'habitants de l'Etat de Borno, chassés de leurs villes et villages par les tueries. Même si les insurgés se sont emparés d'une grande partie de l'Etat, la ville reste un des seuls endroits où les électeurs de la région devraient pouvoir se rendre aux urnes. Si Maiduguri tombait aux mains de Boko Haram d'ici le 14 février, cela ne serait pas seulement une immense victoire pour les islamistes, mais aussi un terrible revers pour le président Goodluck Jonathan, qui pourrait y perdre ses dernières chances de réélection, selon M. Obasi. Pour Ryan Cummings, spécialiste de l'Afrique pour la société de conseil en sécurité Red24, Boko Haram, encerclant la ville après avoir pris toutes les localités alentours, «est actuellement dans la position tactique la plus avantageuse qui soit pour lancer une offensive de grande envergure». «Je reste sceptique quant aux ressources dont dispose Boko Haram pour capturer, puis garder une ville de (cette) taille», a-t-il néanmoins ajouté. «Mais la secte pourrait aussi bien prévoir de tenter le coup». Certains considèrent que les assauts répétés contre Maiduguri seraient une tactique pour y focaliser l'attention de l'armée nigériane, permettant aux islamistes de mener de nouvelles attaques ailleurs dans le Nord-Est et défendre leur territoire plus à l'Est. Sur la frontière avec le Cameroun, à 150 km à l'est de Maiduguri, la ville nigériane de Gamboru a été pilonnée dimanche par des hélicoptères de combat tchadiens. Gamboru est séparée par un pont de 500 mètres de la ville camerounaise de Fotokol, où sont massées des troupes tchadiennes et camerounaises. Le but des bombardements : «neutraliser» Gamboru, où les islamistes ont placé des snipers «partout», afin de permettre ensuite une opération terrestre sur la ville, selon l'armée tchadienne. Si cette dernière revendique trois morts dans ses rangs et 123 tués chez Boko Haram — elle avait combattu les islamistes au sol, à la frontière, jeudi et vendredi, et lancé un premier raid aérien sur Gamboru samedi —, la ville n'a pas été libérée pour l'instant. Signe d'une récente prise de conscience internationale de la menace que représente Boko Haram pour les équilibres régionaux, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a soutenu l'idée d'une force militaire régionale de l'Union africaine (UA) forte de 7.500 hommes pour lutter contre les islamistes, la semaine dernière lors d'un sommet de l'organisation panafricaine. Mark Schroeder, de la société d'analyse stratégique Stratfor, prévient néanmoins que même si les troupes des pays de la région parviennent à remporter des victoires militaires contre Boko Haram dans le nord-est du Nigeria avant la présidentielle, la présence de forces étrangères soutenant l'armée nigériane desservira M. Jonathan en soulignant une fois de plus son inefficacité et celle de ses soldats face aux insurgés.